
Georges avait toujours une montre en main, sous forme de téléphone intelligent. Depuis sept ans, il avait déménagé dans la villa que sa femme et lui avaient pu acheter. Le quartier était sans saveur et la vue sur le lac, un rêve oublié. La prêt immobilier était par contre sans cesse rappelé.
La campagne, être propriétaire, c’était le mieux pour fonder une famille. Penduler pour s’offrir ce luxe était un compromis raisonnable au moment de la signature, les kilomètres de distance avec la ville faisant baisser le prix du mètre carré.
L’employeur de Georges, dans un élan d’écologie zélé, avait supprimé les places de parking réservées aux cadres. Il fallait donc chaque matin prendre bus, puis train, puis métro. Georges avait développé de multiples stratagèmes pour grappiller quelques minutes sur sa journée. Petit déjeuner empaqueté pour être dégusté sur le chemin : cuillère, tupperware, ziploc (Attention à la cravate). Place assise choisie proche de la sortie qui arrive au deuxième tiers du secteur C à Lausanne pour pouvoir descendre les marches 4 à 4 avant de s’enfoncer dans la partie délicate et déterminante du trajet : le couloir avant le métro. Ce lieu où la bassesse des gens pressés s’accentue dans des proportions grotesques : bousculades, insultes, soupirs d’efforts ou d’agacement. Quelques fumeurs impassibles prennent eux le temps, juste derrière la ligne de démarcation, de mourir à petit feu de bon matin, intoxicant le reste du monde. Un bon timing et son jeu de coudes permettront à Georges de grimper dans la première rame du métro qu’il entend déjà arriver.
Comme une sardine jusqu’au Flon, il pensera à sa villa là-bas, à sa femme, finalement stérile, avec qui, s’ils avaient su plus tôt, il aurait pu mener une vie de bobo child-free au centre ville afin de donner à sa vie un sens moins étriqué que cet étroit couloir qui le mort tous les matins.
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