José Roosevelt : de la peinture à la BD, de Brasilia à Lausanne.

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Le cinquième volume de la bande dessinée CE vient de sortir. Une occasion parfaite pour rencontrer son auteur José Roosevelt, un artiste fascinant aux multiples casquettes, et aussi un homme plein de vie.

C’est dans un café de Grancy exceptionnellement calme, que j’attends José Roosevelt. Le soleil éclaire les tables et se reflète dans les verres, pendant que les serveuses font danser leur jupe au rythme des commandes. À l’heure dite, ce Brésilien en pleine force de l’âge passe la porte, s’assied tranquillement et me gratifie d’un large sourire. Il me demande comment va la vie et je lui réponds que les beaux jours réchauffent les cœurs. Il enlève sa casquette, la pose sur la table et demande un thé noir. Toute cette force tranquille qui vient de s’installer en face de moi me met à l’aise. Puis, tout en simplicité et joie de vivre, il lance la conversion.

Il me raconte comment se sont passés les 5 jours BD de Grenoble, que tout s’est passé au-delà de ses espérances et qu’il était revenu plus que comblé. Car, en effet, José Roosevelt est auteur de bande dessinée : scénariste, dessinateur, coloriste et même éditeur. Et comme si ça ne suffisait pas, il est aussi et surtout peintre depuis plus de 30 ans. De Brasilia à Lausanne, son parcours est atypique et passionnant. Mais écoutez-le, il en parle mieux que moi.

La bande dessinée a été mon premier amour, et ce avant même de savoir lire. Mon père me lisait les dialogues des héros Marvel en imitant leurs voix et j’adorais ça. Puis, c’est avec les Donald Duck de Carl Barks que j’ai véritablement appris à lire. Je crois qu’on est tous, à un moment ou  un autre, éveillé à la beauté. Chacun a sa préférence, un domaine qui le touche plus qu’un autre. Moi, ça a tout de suite été le dessin, ses nuances, ses styles, ses possibilités. Mon tout premier rêve d’enfance était de devenir auteur de bande dessinée !

Puis le cinéma m’a happé. En 1968, j’avais 10 ans et j’ai vu 2001, l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. Quel choc visuel ! Ce fut une des expériences artistiques les plus inoubliables de ma vie. Mais là, aucune envie de faire des films, juste une soif d’en voir et d’en revoir. Et enfin, c’est la musique qui m’a pris sous son aile. J’ai commencé à étudier le piano, mais me suis vite rendu compte que je n’étais pas assez doué. J’ai donc arrêté. Je ne voulais pas être un mauvais musicien de plus. Puis la révélation mystique m’est tombée dessus.

J’avais 15 ans. J’étais chez un ami, avec d’autres amis. On discutait, on discutait… et au bout d’un moment, on commençait à s’ennuyer. J’ai alors pris un livre qui se trouvait derrière moi, sur une étagère. C’était un grand et beau livre sur l’œuvre de Salvador Dali. J’avais déjà vu des reproductions de ses peintures, mais de mauvaise qualité et en noir et blanc (quelle idée !). Et après la première page tournée, le monde n’existait plus. J’étais fasciné par ce que je voyais. Rien ne m’avait jamais fait cet effet auparavant. J’ai tout de suite su que c’était ce que je voulais faire de ma vie. Le lendemain, j’ai acheté tout le nécessaire pour peindre et je me suis lancé. Quelques années après, j’ai intégré les Beaux-Arts de Brasilia et j’en suis parti au bout de 6 mois. Les cours étaient aléatoires et le style enseigné trop contemporain pour moi. Les profs nous disaient que la vraie peinture était bonne pour les musées. Il ne m’en a pas fallu plus.

Tombé très tôt dans les méandres passionnels de l’art, José Roosevelt connaît donc sa première vocation artistique avec la peinture, qui va l’occuper pleinement de 1977 à 1997. Mais toujours conservée dans un coin de sa tête, la bande dessinée ne va pas tarder à refaire surface.

La bande dessinée ne m’a jamais vraiment quitté, j’en ai toujours lu. Plusieurs idées me sont venues, mais rien de concluant. La peinture était ma priorité à l’époque. C’est en 1997, que j’ai décidé de réaliser entièrement une bande dessinée. Ça s’appelait L’horloge et l’histoire se basait sur un de mes tableaux du même titre. Je crois que raconter cette histoire m’a demandé de la maturité et que l’expérience de peintre m’a aidé dans ce sens là. Puis, j’ai continué à faire de la bande dessinée, tout en peignant et en exposant. Et en 2006, j’ai décidé de mettre la peinture de coté et de me consacrer à une nouvelle histoire qui me passionnait.

Cette histoire, c’est celle de CE, un immortel qui rêve. Simple pion d’un monde administré à l’extrême, il est dénué de toute capacité créative ou imaginaire, trop usé et abasourdi par un système imposé et réglementé. Pourtant, un jour il reçoit une mission qui va l’emmener dans le Secteur Crécy, un endroit sous le monde, où les habitants sont enjoués, libres et pleins de vie. Là, il va vite apprendre qu’il est le dernier immortel à pouvoir encore rêver et qu’il pourrait être le salut de ce peuple coloré. En parallèle, un homme s’approche d’un immeuble étrange où il rencontra une humanoïde nommée S-29, qui l’embarquera dans sa fuite au-delà des mondes.

CE est la bande dessinée la plus aboutie que j’ai réalisée jusqu’à maintenant. J’ai voulu m’y consacrer entièrement, car c’est une histoire prenante et complexe qui nécessitera plus d’une dizaine de volumes.

On l’aura compris, José Roosevelt se laisse guider par ses envies, ses inspirations, sans jamais se mettre de contraintes. Si le plaisir diminue, il faut arrêter, me lance-t-il quand j’aborde le sujet. Voici donc un homme entier, plein de vie et bien où il se trouve.

Je suis venu en Suisse la première fois en 1988, pour exposer à Yverdon-les-Bains. Puis, on m’a proposé d’autres expositions et je suis resté plus longtemps que prévu. Deux ans plus tard, je m’installais définitivement en Suisse avec ma femme, que j’avais rencontré lors de ma première visite. J’aime bien la Suisse. C’est calme et reposant : ça me plairait davantage si j’y trouvais plus d’énergie et de créativité, mais il y fait bon vivre.

Et enfin quand je lui demande, s’il pourrait se décrire en trois mots, il me répond : Je ne crois pas être le plus indiqué pour répondre à cette question et ce n’est pas si intéressant que ça.

Pour plus d’infos sur José Roosevelt, n’hésitez pas à consulter son site très complet et très visuel : www.juanalberto.ch

Editées aux Editions du canard, ses bandes dessinées sont disponibles dans les bonnes librairies de la ville, ainsi que Roosevelt, son premier livre de peinture sorti l’année passée.

Et pour finir, voici un petit aperçu du talent rooseveltien (cliquez pour agrandir) :

     

La Grande Illusion (huile sur toile, 1996) et Amour et Désir (huile sur toile, 2010).

     

La page 38 de L’horloge (nouvelle édition) et la page 7 du cinquième volume de CE.

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Florian Poupelin

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