Alors que le mainstream lausannois déambule entre les cabanons du Flon et ceux de Saint-François en invoquant les cieux pour une illumination du cadeau original, quelques particuliers s’enfilent dans les locaux de Pôle Sud… Ils ont d’ailleurs raison. Ils sont accueillis par les bonnes odeurs du vin chaud et du chili con carne… Alors que les quelques branches de sapin et guirlandes rouges soulignent le contexte temporel, et quelques exemplaires du journal Le Courrier nous rappellent le caractère « militant » de la manifestation.
C’est à l’étage que le visiteur est invité à se mouvoir entre les différents stands d’ONG : Haïti, le Pérou, le Brésil, l’Afrique Noire, Madagascar, l’Arménie, la Palestine, le Tibet, l’Inde et le Cambodge… Le spectateur fait le tour du monde en moins d’une heure. Il est invité à découvrir des projets éducatifs, de santé, agricoles, environnementaux, d’entrepreneuriat et d’autodétermination des femmes. L’enjeu est de taille : il se retrouve au cœur de la lutte pour les droits humains.
Se rappeler que certains peuples n’ont pas accès à notre bien-être social et économique, voici l’enjeu de ce petit Noël Solidaire, organisé par la Fédération vaudoise de coopération (fedevaco) et le centre socioculturel Pôle Sud. Depuis six ans, cette plateforme réunit au mois de décembre les associations caritatives à but non lucratif actives dans la coopération internationale. À côté des organisations à rayonnement médiatique comme Amnesty International, Terre des Hommes ou Nouvelle Planète, sont présentes une multitude de petites institutions fonctionnant principalement sur le principe du bénévolat : To go to Togo, Asha Bengal ou le Brésil de Demain. C’est une occasion de découvrir de l’artisanat d’ailleurs : habits, produits cosmétiques et alimentaires, bougies… et d’en faire des cadeaux de Noël éthiques, à valeur de commerce équitable.
Si ce projet semble partir de bonnes intentions, il y a pourtant plusieurs aspects qui peuvent nous interroger. Alors que la coutume de Noël et la tradition des cadeaux est fortement marquée par le Christianisme et le Capitalisme, pourquoi vouloir intégrer ces différentes cultures – que nous disons respecter et soutenir – dans notre modèle ethnocentrique de l’Avent ? On aurait pu s’attendre à une réflexion sur un Noël vécu ailleurs… A Mbeya, au Sud-Ouest de la Tanzanie, la fête ne revêt rien d’extraordinaire : un culte à l’Eglise, quelques beaux habits, un riz épicé au poulet et… aucun cadeau. Noël est expédié en quelques heures. Car au sein de ce marché solidaire, ces sociétés « d’ailleurs » semblent être symboliquement épinglées en produits de marchandisation afin d’assouvir les besoins des esclaves de consommation.
De plus, dans l’excitation et la précipitation des préparatifs de Noël, rares sont les visiteurs à réellement s’intéresser au travail de ces organismes. On balaie rapidement des yeux les stands afin de compléter la liste de cadeaux qu’il faut encore se procurer.
Cette réflexion englobe également le marché alternatif de Décal’Quai à Montreux où artistes et commerçants du milieu alternatif vendent leurs produits : t-shirt, cupcakes, vinyles, bijoux et bric-à-brac. Un marché de Nöel, qu’il soit solidaire, alternatif ou prônant le commerce équitable, reste un événement à valeur marchande et commerciale. Sauf que le bénéfice des ventes sera donné aux collectivités du Sud. Or en quoi ces marchés sont-ils fondamentalement différents et alternatifs ? Pourquoi utiliser cette forme d’expression pour sensibiliser la population lausannoise au milieu de la coopération internationale ?
Jasna
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