Lever de rideau sur la colère: RUPTURES

Posté dans : Culture, Soirées 0
J’adore le théâtre, c’est un fait. Il y a peu de choses qui me font voyager aussi loin de tout et à la fois aussi près de moi, sans même bouger d’un fauteuil. J’y vais assez régulièrement il est vrai. Mais ces deux vérités ne font de loin pas de moi une critique de théâtre. Oh que non. Aussi, je vous propose ici les impressions, les émotions, les réflexions en vrac aussi qui me sont venues lorsque je suis allée voir RUPTURES la semaine dernière au théâtre Pulloff. J’espère humblement que cela vous donnera envie d’aller découvrir cette pièce incroyable par vous-mêmes, et que vous en ressortirez tout aussi chamboulés que moi.

Lorsque le spectacle se termine, que les comédiens se placent lentement en ligne pour saluer le public après 1h10 qui aura passé en un éclair, le premier mot qui me vient aux lèvres est : magistral. J’ai été littéralement soufflée par cette pièce. Tout y est puissant, profondément juste, terriblement humain et confrontant.

Péter les plombs. Péter un câble. Commettre l’irréparable. Exploser. Laisser l’adrénaline se déverser en flot continu, l’émotionnel prendre le pas sur le rationnel. Sortir du cadre, et laisser la colère et la violence le faire voler en éclats. Se retrouver seul ensuite face au résultat. Ce résultat qui nous dépasse, une fois un état « normal » retrouvé. Lorsque le cœur et le souffle s’apaisent à nouveau. Le regard des autres aussi – que nous sommes tous pour quelqu’un, leur/notre acharnement à vouloir trouver des explications, voire des justifications à ces comportements hors normes. Parce qu’en trouvant une explication on humanise l’animal, on enferme l’insaisissable au sein de limites supportables, on tente de contenir tout ce qui tente de s’échapper.

« Face au mur »

La colère, cette émotion si mal aimée. Ainsi que tous les débordements impardonnables qui peuvent en découler. La rage, la haine, la fureur. Toutes ces cousines tout aussi détestées et répudiées. Je les regarde moi-même en coin, ne sachant pas bien que faire de moi lorsqu’elles surgissent. Car oui, en plus d’être d’une extrême violence, elles s’offrent le luxe de nous surprendre et de débarquer comme bon leur semble.

RUPTURES nous emmène dans les confins de l’esprit qui se retrouve frappé par ces émotions guerrières et intrépides. Le décor – à première vue très simple – se mue lentement en réelle partie prenante aux différents tableaux qui s’enchaînent, nous laissant de plus en plus secoués, démunis et même choqués par la force des propos, portés eux-mêmes par une mise en scène fluide et profondément saisissante. Des moments d’explosion, entrecoupés d’instants comme suspendus, traduisant le calme après cette tempête brutale, l’apaisement après avoir perdu ce fameux contrôle tant chéri, le repos nécessaire. Le tout, incarné par des comédiens brillants – Giulia Belet, Lisa Courvallet, Catherine Demiguel, et Lucas Savioz – qui nous prennent parfois par la main pour ensuite nous lancer dans ce tourbillon qui nous dépasse et auquel il semble bien vain de trouver un sens.

« Tout va mieux »

Il est bien impossible de traduire la complexité des émotions humaines en concepts trop rationnels. Les mettre en scène pour leur permettre de vivre au-delà d’interprétations cartésiennes et donc dénaturantes me paraît bien plus noble et même inspirant. C’est ce que cette pièce propose selon moi.

Aussi, je vous la recommande vivement et vous souhaite un bon et perturbant voyage.


FACE AU MUR / TOUT VA MIEUX

de Martin Crimp

RUPTURES

Collectif Jack Hobb

du 7 au 20 décembre 2018

mise en scène : Jonathan Diggelmann

avec Giulia Belet, Lisa Courvallet, Catherine Demiguel, Lucas Savioz

Infos et réservations ici

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