En ce samedi 26 janvier au matin, un jour gris mais pas trop, frais mais pas glacial, je prends le chemin du pop-up store Spot2b (plus d’infos sur ce lieu très chouette en fin d’article), cis rue Enning 8. Je trépigne, j’ai la chance d’avoir rendez-vous avec un peintre lausannois, Paul Michel. Cet artiste autodidacte du cru a exposé ses œuvres durant une semaine dans cet écrin urbain et éphémère. J’ai eu le plaisir de faire sa connaissance le dernier jour de son exposition et de lui poser tout plein de questions sur une de ses passions : l’aquarelle. Je vous emmène ?

C’est en famille que les visiteurs sont accueillis pour découvrir ce qui constitue la toute première exposition de Paul Michel. L’artiste, sa compagne et leur fille gratifient les curieux qui passent la porte d’un sourire lumineux. Les murs blancs et la lumière douce du lieu mettent en valeur les œuvres tout en légèreté et en rondeur qui ornent l’espace.
Des vues d’Ouchy, de Pully, mais aussi du centre de Lausanne et de la vieille ville sont fidèlement retranscrites en aquarelles. Ces endroits on ne peut plus familiers aux Lausannois se parent pour l’occasion de couleurs douces, et de traits souples et tendres. Le ciel se confond tantôt avec le lac Léman, tantôt avec les pavés qui mènent au Petit Théâtre.
Manon: Qui es-tu ?
Paul : Je m’appelle Paul, j’habite à Lausanne depuis toujours et j’ai 35 ans. Je suis designer industriel de métier. Je viens de rejoindre les TL comme designer UX (user experience), au sein de la plateforme d’innovation qui a été créée tout récemment.
Ton activité professionnelle semble donc relativement éloignée de la peinture, de prime abord.
Oui et non, car l’art a toujours été présent en parallèle de mon activité. Le design est un domaine très complet, donc j’y vois un prolongement. C’est complémentaire selon moi.
C’est donc un souhait de garder la peinture comme passion, et non comme activité principale ?
Je ne pense pas que l’on puisse vivre facilement de la peinture, donc il me semble préférable de conserver cela comme passion. De plus, cela va de pair avec d’autres passions artistiques. Je fais aussi de la musique.
Quel genre de musique ?
J’ai fait beaucoup de métal pendant environ 20 ans et termine actuellement un album qui clôturera la vie du groupe. Aujourd’hui, je fais plutôt du rock-folk en solo. Je compose mes morceaux, je joue et enregistre tous les instruments. Mes activités artistiques s’inscrivent dans un riche écosystème.
Tu mentionnes le métal et je ne peux m’empêcher de voir un parallèle avec ton logo, qui comporte une tête de mort.
Je ne sais pas, cela représente peut-être plus le côté pirate de la peinture !
Sur ton site internet, tu mentionnes à plusieurs reprises le fait que tu pratiques ton art en autodidacte. Est-ce que c’est un souhait de « faire tes armes » dans ce domaine avec spontanéité et sans cadre ?

Je dirais qu’il n’y a pas vraiment d’autres choix possibles. A ma connaissance, personne ne fait cela ici. De plus, je ne suis pas d’un naturel à aller prendre des cours. Je suis quelqu’un de curieux et j’aime découvrir les choses par moi-même, par mes propres moyens. J’ai aussi développé cette pratique en regardant des vidéos et en reproduisant des techniques. Observer l’exécution de certaines techniques et trouver comment les reproduire. Ensuite, le fait de suivre une masterclass permet plutôt de ficeler le tout, d’affiner certains aspects. Il s’agit aussi d’une belle opportunité de rencontrer des artistes du même milieu venant des quatre coins du monde. Le fait de mettre en commun nos pratiques et nos expériences permet d’avancer. Cela devient ensuite un véritable cercle d’amis, voire même une petite famille, qui se rencontre ponctuellement pour partager autour de cet art. Le plaisir d’être ensemble, de se corriger mutuellement et de se faire avancer prend le pas sur le côté « cours ». On est laissés très libres dans cette masterclass.
Est-ce que tu as une ou plusieurs saisons de prédilection pour peindre ? Lorsque l’on regarde les teintes que tu utilises, on peut spontanément penser à l’automne et à l’hiver.
Je dirais que la saison n’influe pas vraiment ma peinture. S’il fait grand beau, j’aurais certes un autre feeling mais c’est plus l’impression que cela me donne qui va faire évoluer la composition. On peut toujours manipuler l’atmosphère, la faire évoluer. Je ne cherche pas un certain type de météo pour peindre. Je me laisse porter par la spontanéité pour retranscrire ce qu’une vue me fait ressentir.
Le facteur temps joue aussi un rôle important. Si l’on a le temps d’attendre qu’une certaine météo se présente et d’aller peindre en fonction de ça, le travail n’est pas le même. Comme je n’ai pas forcément toujours beaucoup de temps, c’est plus le feeling du moment qui va influencer ce que je peins et ce que je veux transmettre.
Comment est-ce que tu procèdes pour peindre une aquarelle ? Est-ce que tu peins le tout d’un seul tenant, sans t’arrêter ou est-ce que tu procèdes par différentes étapes et retouches ?
Je ne m’arrête jamais. Cela n’a pas de sens pour moi de m’arrêter, donc je peins l’entier d’une œuvre sur le moment. Il m’arrive de faire quelques corrections par après, mais je préfère suivre l’élan du moment. L’aquarelle s’y prête bien. C’est léger, c’est plus naturel que d’autres produits et cela ne prend pas trop de temps. En plus, cela sèche vite. On peut remballer tout de suite après avoir terminé. S’il se met à pleuvoir aussi, on peut tout plier et partir assez rapidement. Au début, j’ai fait de [la peinture à] l’huile et j’ai trouvé ça encombrant. L’odeur est tenace, ça ne sèche jamais. Du coup, l’aquarelle est un support qui me correspond bien mieux.
Le rendu est aussi différent, non ? Est-ce que l’huile permet aussi un fini aussi doux, flouté ?
Je pense que l’on peut tout faire avec n’importe quel support. L’aquarelle est vraiment la technique de prédilection pour ces effets un peu flous. C’est très simple à réaliser. On utilise vraiment le papier. Par capillarité, le papier aspire l’eau. Ce sont vraiment les fibres du papier qui créent ces effets. Il y a tout un pan de la peinture où c’est elle qui se peint toute seule. L’eau va tomber par gravité ou remonter par capillarité, on peut totalement jouer avec ça. Avec l’huile sur une toile, on ne retrouve pas du tout ces effets. On ne retrouve que la gravité, et il faut donc retravailler pour retrouver des effets plus floutés. Avec l’aquarelle on peut vraiment utiliser la feuille pour s’aider, pour laisser la peinture vivre. C’est ça que je trouve intéressant. L’eau coule, les pigments se mélangent entre eux. Ça se peint tout seul. Cela donne des effets naturels qui ne sont pas commandés.

Quel est le bilan que tu dresses de cette toute première exposition ?
Très positif ! Il y a eu pas mal de visites, pas mal de ventes aussi. J’ai reçu de bonnes critiques. Cette année je vais davantage aller peindre dans la rue, ce que j’ai peu fait l’année dernière. Et cette exposition représente entre autres le lancement. C’est aussi l’occasion pour moi de commencer à montrer ce que je fais, de créer un réseau.
Je trouve que c’est un très chouette endroit, qui se prête bien à ce genre d’expositions. C’est un lieu à fort potentiel, qui mérite d’être alimenté et promu. C’est vraiment idéal. C’est une très bonne entrée car ce réseau demeure relativement difficile à pénétrer. Ce lieu représente une aubaine pour diffuser le renouveau. Cela apporte beaucoup aux artistes débutants.
Le fait de se retrouver au contact des gens, à leurs regards en direct, quel effet ça te fait ?
Le feedback est vraiment très positif. C’est très intéressant de voir les réactions des gens, de voir ce qui leur plaît aussi. Je remarque que certaines peintures ont tendance à plaire à un grand nombre de gens, alors que d’autres sont peut-être plus singulières. Celles qui se vendent sont souvent celles que tout le monde veut acheter. C’est intéressant de décrypter les éléments qui attirent les gens. Par exemple, les tableaux dans les tons plus chauds ont tendance à plaire au plus grand nombre. Il y a aussi des tableaux qui sont peut-être plus percutants, qui touchent plus les gens. Le côté « ville » plaît en général plus. Les vues de bateaux sont peut-être plus classiques, tout le monde a déjà vu des bateaux en aquarelle. Les visiteurs sont davantage surpris par les vues de ville.

Est-ce que tu as d’autres expositions en projet ?
Oui, là j’en suis vraiment au début. Maintenant que la machine est lancée, je pense qu’il ne faut plus arrêter. Et j’ai le projet d’aller peindre au cœur de Lausanne, dans les ruelles de la vieille ville entre autres. Dernièrement j’ai fait beaucoup de peintures marines et je pense me concentrer davantage sur l’urbain pour les prochaines séries.
J’ai eu beaucoup de plaisir à faire la rencontre de Paul Michel, et ainsi découvrir un peu plus l’univers de la peinture qui m’est, je dois le dire, plutôt étranger. Lausanne se pare d’un mystère singulier sous ces traits tout en nuances et en légèreté. Un artiste que le Lausanne Bondy Blog suivra de près et que vous aurez sûrement l’occasion de retrouver dans nos articles.
En attendant, suivez Paul Michel sur son site web, ainsi que sur Facebook et Instagram.
Plus sur le lieu : L’exposition de Paul Michel Art s’inscrit dans une série – Arts@spot2b – qui a vu se succéder cinq artistes du 07.01.19 au 02.02.19 dans les murs de Spot2be. Ce pop-up store peut être réservé à la journée, à la semaine ou plus, pour donner de la visibilité à toutes sortes d’activités. Il a été ouvert en octobre 2017 à l’initiative d’Eric Allera. Plus d’informations et demandes de réservation: http://www.spot2b.ch/#contact
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