Chère Lausanne,
Du haut de ses treize ans et trois mois, notre histoire demeure ma plus longue relation. Ouverte car non-exclusive, certes. Avec des hauts et des bas, bien entendu. Mais tout de même la plus longue, et ce n’est pas rien.
Au début, tu m’es apparue mystérieuse, rebelle et plurielle. Je n’avais que toi en tête. Tu avais tout pour attirer la jeune personne que j’étais alors. Il m’a fallu du temps et parfois bien des efforts pour apprendre à te connaître, ne plus te craindre, te voir comme une alliée. J’ai été un temps attirée par tes lumières, tes différentes scènes tant accessibles que trop souvent habitées par un petit cercle très «select», aux prérequis bien opaques.
J’ai aimé rire et danser avec toi, parcourir les nuits à ton bras. Ton parfum, tantôt aigre des soirées qu’on a trop prolongées pour fuir la solitude ou les lendemains incertains, tantôt doux des journées remplies de projets et d’ambitions prometteurs. J’ai été soulevée par les vibrations émises lors des nombreuses manifestations qui foulent régulièrement ton sol. L’énergie dynamisante des potentiels lendemains emprunts de plus d’équité, de conscience et de solidarité.
Puis, j’ai commencé à me lasser de toi. De tes costumes devenus trop clinquants pour mes yeux désormais attirés par des couleurs plus subtiles, plus denses aussi. De tes décors qui peinent à évoluer. De tes apparences qui s’adaptent inlassablement à la personne qui te regarde, jusqu’à parfois te perdre. De ces mille chantiers qui ne t’embellissent jamais et te goudronnent toujours plus.
Je me suis laissé aller dans tes bras, tu m’as portée. Tu m’as émerveillée, attendrie et inspirée parfois. Tu m’as aussi fâchée, déçue et même blessée par moment. Jusqu’au jour où nous ne nous sommes tout simplement plus comprises.
Je te quitte sans regrets. Il est l’heure. J’ai grandi. Nous avons partagé de merveilleuses années. Faites pour moi de vibrantes découvertes, et de rencontres qui ont tellement compté. Aujourd’hui, lorsqu’il m’arrive ponctuellement de sillonner tes rues et tes allées, je me sens comme dans le musée d’un pan de mon existence que je regarde avec tendresse et gratitude. Et qui est bel et bien terminé.
Merci Lausanne, et bon vent à toi!
Manon