La chronique onirique de Page – Episode 49

Posté dans : Feuilleton 1
Bienvenue dans ce petit coin de Toile. Mon nom est Page. Parce que parfois vous écrivez sur la page et, aujourd'hui, la Page écrit sur vous. Ceci est son domaine.

Marronnier, Subst. Masc. : C. − Au fig., JOURN. Article de circonstance publié traditionnellement à certaines dates. Comme dans tous les médias sérieux, il est l’heure de se livrer ici à un petit exercice qui fait la joie de celles et ceux qui n’ont d’exigences envers ce qu’illes lisent que la confortable répétition et la fainéantise intellectuelle : le bilan de l’année. Et puisque nous ne pouvons prétendre, nous non plus, à une once d’originalité, nous allons nous aussi nous vautrer dans ce glorieux exercice.

L’année 2010, lassée sans doute de se toucher toute seule, a décidé de toucher à sa fin. On ne saurait lui en vouloir, car elle n’a que trop duré et, si nous nous posons la question cinq minutes, nous devons avouer que, nous aussi, nous en avons un peu ras-le-bol.

Nous avions pourtant commencé fringant.e.s, fort.e.s de la certitude que nous avions laissé derrière nous la plupart sinon la totalité de nos mauvaises habitudes, et avions la ferme intention que toutes nos mauvaises habitudes postérieures seraient strictement originales. Vous vous rappelez ? Et puis, et puis… A un janvier glaireux et maussade avait succédé un février certes court, mais complètement dénué d’intérêt. En mars, finalement, rien de nouveau, nous étions toujours aussi petit.e.s et mesquin.e.s, et en avril, guère mieux. Le moi de mai avait amené son cortège de grippes et refroidissements dus à une sagesse populaire dont la pertinence des conseils vestimentaires n’est plus à démontrer, avant que les allergies de juin ne viennent parfaire la symphonie de mucus entamée au Jour de l’An.

L’été venu, rappelez-vous, nous nous étions penchés un instant sur la pertinence de rétablir une peine de mort qui nous manquait tant depuis son exil dans les Etats les plus soucieux de la sécurité de leurs citoyen.ne.s. Et septembre était arrivé comme un pavé gris dans une mare que le soleil venait à peine de finir de réchauffer, éclaboussant au passage les promeneurs et les promeneuses d’une vague de boue. Et puis, il y avait eu la campagne politique du sympathique mouvement démocratique centriste, dont la subtilité des arguments et les rieuses affiches chatoyaient le parcours des écoliers, des écolières, et des employé.e.s moroses pour la rentrée. Et puis les décorations de Noël avaient poussé, et il était temps de pousser les personnes âgées et votre voisine hors de notre chemin afin de participer les premiers à la grande orgie des Fêtes.

Soudain, nous étions à la mi-décembre, et malgré toutes nos belles promesses, nous n’avions pas changé d’un iota. Bon, tant pis, une de foutue, d’accord, mais l’année prochaine, c’est décidé : plus de sport, moins de télé, plus de culture, moins de télé, plus d’humanité, moins de télé, cette fois, c’est sûr, nous allons prendre le taureau par les cornes.

Nous serons un peu moins racistes. Nous serons un peu plus ouverts. Nous aurons cette année quelques uns de ces accès de fulgurance qui nous faisaient rire, nous et nos proches, aux éclats lorsque nous étions jeunes. Nous essaierons d’être un peu moins consensuel.le.s, sans pour autant chercher à tout prix à être anticonformistes. Nous essaierons de ne pas réitérer les fautes de nos aîné.e.s, cherchant à inventer nos propres fautes qui, si elles seront tout autant stupides, auront au moins le mérite d’être originales, et nous éviteront le fameux « je te l’avais bien dit » qui claque comme un soufflet arthritique et / ou catharreux. Nous tenterons également de dire bonjour un peu à notre voisine, qui elle non plus n’a ni dégotté le job de ses rêves, ni réussi à éviter la cohue des Fêtes dans les magasins, ni trouvé l’amour de sa vie en 2010, ce qui explique son sourire peu amène lorsque nous la poussons dans l’escalier roulant de la Migros. Tout ceci durera jusqu’au 9 janvier, environ. Et puis, lentement, l’érosion de nos âmes reprendra de plus belle. Au moins, nous aurons essayé.

Quant à 2010, elle sera passée, et on la comprend un peu. Nous l’avons déçue, nous nous sommes déçus aussi, c’est le grand cycle de l’Humanité qui ainsi se joue. Pourtant, elle nous laisse de bons souvenirs (Haïti ! Deepwater Horizon ! Jean-Luc Delarue reconverti dans la lutte contre les toxicomanies !), et comme chaque fois que s’en vont ceux que nous nous empresserons d’oublier, nous nous permettons de lui livrer ici un hommage qui sied à son statut.

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  1. Avatar
    florian_poupelin
    | Répondre

    Vous êtes décidemment le reflet non-transformé de notre humanité bien-aîmée qui certes a de plus en plus de peine à reluire, mais qui garde toujours un petit stock de rouge à lèvres brillant au fond de son sac à main. Et quant à cette phrase: L’année 2010, lassée sans doute de se toucher toute seule, a décidé de toucher à sa fin. Que dire,sinon qu’elle meriterait un livre à elle seule.

    Sur ce, je vous laisse à vos sérendipitéset vous souhaite une bonne première semaine de 2011.

    Une note de bas-de-page anonyme

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