Israël, Palestine et Lausanne 1/2

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[Interview] L’actualité du conflit israélo-palestinien rassemble et divise au-delà de ses frontières. Qu’en est-il dans notre ville ? Pour en savoir plus, le LausanneBondyBlog a décidé de recueillir l’avis de deux Lausannois se sentant concernés, tantôt par la cause israélienne, tantôt par la cause palestinienne.

Depuis le 27 décembre, l’opération nommée « Plomb durci » lancée par Israël en vue de faire cesser les tirs de roquettes du Hamas a fait plus de 1300 morts à Gaza, dont une bonne partie de civils, et 13 morts israéliens. Elle a suscité la réaction de la communauté internationale et de nombreuses manifestations ont été organisées aux quatre coins du monde. En Suisse, des sympathisants israéliens se sont réunis à Berne, des sympathisants palestiniens à Genève, Lausanne, et des manifestants juifs, musulmans et d’autres communautés se sont plus récemment encore réunis à Genève pour lancer un appel à la paix. Afin d’apporter un éclairage local de cette situation complexe et fortement médiatisée, le LausanneBondyBlog propose un petit complément d’information à travers les entretiens de deux Lausannois. Sans commentaires, à chaque lecteur de se faire son opinion. C’est d’abord monsieur Pierre Ezri, ex-président de la communauté israélite Lausanne Vaud, qui m’exprimera sa vision du conflit, puis monsieur Awni Ahmed, membre de l’ASSP (Aide Sanitaire Suisse aux Palestiniens).

C. S. Qui est la communauté israélite lausannoise ?
P. E. Depuis le milieu du XIXème siècle, des familles juives ont commencé à s’installer dans le canton de vaud. Avant cela, les juifs n’avaient pas le droit de résidence en Suisse. Aujourd’hui, ce sont environ 600 familles.

C. S. Comment réagit-elle à l’actualité du conflit israélo-palestinien ?
P. E. Forcément, en tant que juif, on se sent solidaire d’Israël. Il y a 12 millions de juifs dans le monde et 5 millions sont à Israël.  Beaucoup d’entre nous ont de la famille là-bas. Depuis 2000 ans, les prières juives ont des références à Sion et à Jérusalem. Il y a une espérence de retour qui existe depuis le même laps de temps. Et il y a aussi un lien culturel, car le judaïsme ce n’est pas seulement une religion. Je pense que la plupart des gens de la communauté pense comme ça. Sinon, ce qui nous a gênés dans cette intervention en particulier c’est que l’information a été unilatérale. Il y a eu un embargo médiatique de la part d’Israël. Je pense que l’expérience de la guerre du Liban qui a été relatée d’une façon biaisée, même si ça a été rétabli, a fait qu’Israël a préféré ne pas être trop médiatisée plutôt que mal médiatisée. Donc nous n’aimons pas la façon dont la situation a été relatée. L’intervention d’Israël est une réponse et non une attaque. Ce n’est pas de la vengence, c’est de la défense. En effet, pendant huit ans Israël a été bombardée par le Hamas. Combien de temps fallait-il encore attendre pour réagir ? Après, il faut discuter de la façon de réagir. Je ne dis pas qu’il n’y a pas eu de bavures, il y en a toujours. Mais ce ne sont que des exceptions, des accidents. Seulement, les seuls témoins oculaires étaient les journalistes résidents à Gaza.

C. S. Le conflit a suscité une vaste réaction internationale à l’encontre d’Israël et de nombreuses manifestations pro-palestiniennes ont été organisées dans plusieurs pays. Selon vous, c’est la médiatisation qui serait responsable de cette réaction ?
P. E. Uniquement non, mais en grande partie. Nous reprochons à Israël de ne pas savoir médiatiser son image, alors que les palestiniens sont passés maîtres en la matière. Je ne sais pas, chez nous il y a une certaine pudeur, on ne montre pas nos morts. Afin de préserver l’image d’Israël, nous avons la CICAD (Coordination Intercommunautaire Contre l’Antisémitisme et la Diffamation) qui va par exemple dans les écoles et informe les gens. Lorsqu’on se connaît, on se comprend mieux.

C. S. Une manifestation a été organisée par l’association Urgence Palestine à Lausanne mercredi 14 janvier. Elle visait à dénoncer le terrorisme de l’Etat israélien et soutenir la population civile de Gaza, en avez-vous entendu parler ?
P. E. Oui, mais je n’y étais pas. Les gens ont les opinions qu’ils veulent. Je comprendrais s’il s’agissait de Palestiniens ou de musulmans, de la même façon qu’il faut nous comprendre. Mais je ne crois pas que ce soit eux en particulier qui manifestent. Je ne pense pas que ces manifestations favorisent la paix. Ca ne fait que conforter les extrêmistes du Hamas et on en arrive souvent à la limite de l’antisémitisme. Bien que la plupart des juifs soutiennent Israël, il ne faut pas confondre Israël et tous les juifs. Condamner les juifs parce qu’on condamne Israël c’est de l’antisémitisme. Il y a souvent un amalgame.

C. S. Vous dîtes que ces manifestations ne favorisent pas la paix. Qu’est-ce qui la favoriserait ?
P. E. Il faut faire des concessions des deux côtés. Par exemple, Israël a accepté de partager Jérusalem. C’est un déchirement non seulement pour les Israéliens mais pour tous les juifs. Pour la paix il faut accepter de le faire. De leur côté, les Palestiniens qui avaient fui en 1948 réclament le droit de revenir sur les terres de leurs familles. C’est aberrant. Qu’il y ait une indemnisation financière pour qu’ils puissent vivre décemment ça se comprendrait. Mais pour eux le droit de retour est une arme politique. Car ils se disent que si quelques millions d’arabes viennent s’installer, ça va changer l’équilibre. Or, Israël a la vocation d’être le pays des juifs, c’est un peuple qui a le droit d’avoir sa nation. La meilleure solution pour la paix est d’éliminer politiquement tous les extrêmistes, évidemment le Hamas qui est quand même un mouvement islamiste extrêmiste au pouvoir dont la charte est clairement antisémite.

C. S. Et les interventions israéliennes à Gaza sont-elles le meilleur moyen d’y parvenir ?
P. E. Entre autres oui. Sur 1200 ou 1300 victimes, il semblerait qu’il y ait 500 combattants du Hamas. Ils sont donc affaiblis. D’autres moyens ont été tentés auparavant mais ça n’a pas marché. Comment voulez-vous discuter avec des gens qui nient votre existence ? Parce que le Hamas nie l’existence d’Israël et ne changera pas d’avis. Pour arriver à la paix il faut aussi changer les mentalités, car la haine contre les Israéliens est cultivée en Palestine. On l’enseigne entre autres à travers les manuels scolaires. Vous ne trouverez aucun manuel scolaire israélien qui critique les arabes par exemple. Du côté d’Israël, je ne parlerai pas de haine mais plutôt de méfiance. Je vous assure que si on les laisse tranquilles, les Israéliens n’attaquent pas. Bien sûr il y a aussi quelques extrêmistes. Mais ils restent minoritaires et n’ont pas de pouvoir.

C. S. Vous ne pensez pas que la guerre et les nombreuses morts de civils contribuent à cultiver cette haine ?
P. E. C’est sûr que la guerre n’aide pas à l’atténuer, mais il faut en passer par là. Les Français et les Allemands se sont haïs pendant très longtemps et aujourd’hui ce sont les meilleurs amis du monde ! Nous pourrions si bien nous entendre. Moi-même j’ai passé mon enfance dans un pays arabe et j’y étais très heureux. Je crois en un modus vivendi. Comme je lai dit, il faut faire des concessions des deux côtés. Un temps nous n’étions pas si loin de la paix, Arafat était à deux doigts de signer un accord mais il a eu peur des représailles des extrêmistes de son camp. Il a eu peur de se faire tuer.

C. S. Les nombreuses manifestations dénoncent notamment le nombre inégal de victimes des deux côtés. Plus de 1300 victimes palestiniennes contre 13 israéliennes. Comment réagissez-vous à cela ?
P. E. Les roquettes qui ont été tirées sur Israël auraient pu toucher une école remplie d’enfants. Mais les écoles israéliennes sont blindées, ce qui n’est pas le cas en Palestine. D’un côté il y a un gouvernement qui sait protéger sa population, de l’autre il y a un gouvernement qui utilise sa population comme bouclier humain.

C. S. Et vous pensez que cela justifie les victimes ?
P. E. Non, les morts inutiles ne sont pas justifiables et nous avons une pensée pour la population de Gaza. D’ailleurs la manifestation pro-Israël qui a eu lieu à Berne a commencé par un silence en faveur des victimes des deux côtés. Seulement ces victimes ne sont pas sous la responsabilité d’Israël. Certes des gens sont morts sous une bombe israélienne mais parce que les militaires du Hamas s’en sont servis pour se protéger eux-mêmes. De plus, ces bombes sont une réaction aux attaques palestiniennes. Vous savez, lorsqu’on nous gifle on ne tend pas l’autre joue. On est pour une équité lorsqu’un mal est fait.

C. S. Dernière question. Aujourd’hui nous sommes le 20 janvier, jour d’investiture du Président des Etats-Unis Barack Obama. Beaucoup de gens ont l’espoir que ce changement permettra de maintenir le cessez-le-feu, d’atténuer le conflit. Qu’en pensez-vous ?
P. E. Effectivement il s’agit du changement avec un grand C. Tout le monde a des attentes, mais je ne pense pas que ça aura un impact décisif. On peut espérer que le nouveau Président, étant mieux accueilli par la communauté musulmane que Bush, pourra aider à raisonner les Palestiniens pour arriver à un accord. Du côté d’Israël, je ne pense pas que ça changera grand chose. Cela fait quarante ans que les Etats-Unis sont les alliés d’Israël et ça ne changera pas de si tôt. 

Cristina Sanchez

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Cristina

  1. Avatar
    fleks
    | Répondre

    Les 2 interviews sont impec!

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