Pas de Gazouillis chez les Gazaouis

Posté dans : Politique 4
Suite à l'offensive israélienne, quatre parlementaires suisses se sont rendus dans la bande de Gaza du 23 au 26 janvier. L'un d'entre eux, Josef Zisyadis, tenait à rapporter la terrible réalité gazaouie, constatée durant son passage dans ce lambeau de terre palestinienne. Petit compte-rendu et réflexion perso de la soirée*, " témoignage-débat ", tenue hier au buffet de la gare de Lausanne.

Alors que des camions humanitaires sont bloqués en Egypte depuis plusieurs jours, le quatuor** politique helvétique ne reste que deux heures à la frontière de Rafah et rentre étonnamment sans difficulté à Gaza. Une fois sur sol palestinien, la délégation rencontre John Ging, le chef de l’agence de l’ONU pour l’aide aux réfugiés de Palestine (UNRWA), ainsi que plusieurs ONG. Elle se rend également dans divers (restes d’) hôpitaux et institutions indépendantes. Pour Josef Zisyadis, ces quelques jours passés parmi la population palestinienne ne correspondent pas à « un acte de bravoure » mais bien à un « devoir de solidarité et d’humanité ». Ce Conseiller national popiste, qui s’était déjà rendu début novembre dans ce mouchoir de 360 km2, se dit choqué par la dévastation et la misère qu’il a pu constater après ce “massacre du samedi noir ”. Depuis son retour à Lausanne, il tente d’écrire un article sur ce bref voyage (au bout de la nuit), mais, poser des mots sur des maux n’est pas tâche aisée.

La paix…et que ça saute!

Prenez la distance entre Lausanne et Nyon et ajoutez 1,7 million d’habitants (soit en gros la population de Suisse romande ou trois fois la densité d’Harlem). Placez-y de nombreuses habitations, des petites usines, quelques ports, plusieurs postes de polices, des écoles et des hôpitaux, des mosquées et des centaines d’hectares agricoles. Bombardez un peu tout ça, avec frappes chirurgicales ou bombes à fragmentations larguées approximativement, à votre guise. Faites voler les oiseaux d’acier, circuler les ferrailles assassines. Que les quartiers populaires du Nord, Nord-Est soient rasés, le parlement législatif réduit en poussière, les tunnels sous la frontière dynamités ! Une vraie guerre, où les civils en prennent forcément plein la gueule. Que tout le monde y passe, pas de pitié! Même les gamins (c’est pas parce qu’ils n’ont pas atteint la majorité, voire l’âge de raison, qu’il faut les épargner). Résultat : plus de 1130 enfants blessés, sans compter les centaines pour qui on a pu creuser directement un trou, parmi les autres trous d’obus (des petits trous, des petits trous, encore des petits trous…). Avec du phosphore blanc ou avec ce qu’on suppose être de l’uranium appauvri, remplissez les hôpitaux de malades avant de détruire sous quelques projectiles explosifs des entrepôts de médicaments de l’ONU et des convois humanitaires. Tant pis si le CICR accusera le Tsahal d’empêcher le secours aux victimes, au diable la Convention de Genève! Dans cette boucherie générale, où les amas de débris se mêlent aux tas de cadavres, même les morts ne seront pas tranquilles, on règle le compte à un cimetière soupçonné de dissimuler des membres du Hamas. Welcome to Gaza!

Dramatique (c’est un euphémisme) tableau, mais malheureusement…loin d’être exagéré. Après ce carnage, Tzipi Livni, la ministre des Affaires étrangères israélienne (tête de liste du parti Kadima pour les élections du 10 février), dira avec une certaine fierté: « On a montré qu’on n’avait pas de limites ». A pleurer…

On n’aime « guerre » que la paix

Ce grand mouvement de révolte a des airs d’un remake de David contre Goliath. D’un côté, diverses fractions (le Hamas mais aussi le Fatah et la gauche laïque) rassemblées pour se battre et, de l’autre, la cinquième armée du monde super organisée. Selon Monsieur Zisyadis, même si l’union des diverses tendances politiques palestiniennes a permis de détruire trois chars israéliens et a pu empêcher d’autres d’entrer au centre de Gaza, le constat reste sans appel. Le 18 janvier, le centre palestinien des droits de l’homme dénombrait déjà 1300 morts palestiniens dont 1062 civils. Depuis, certains corps, ensevelis sous leurs immeubles anéantis, ont pu être dégagés et la liste s’est sûrement allongée. Du côté israélien, 13 victimes. Qu’on soit d’accord, n’étant pas dans un match de NBA, compter les points et attribuer une victoire à l’un des camps serait pathétique (même si Israël autant bien que le Hamas se sont auto-proclamés vainqueurs de ce conflit…). A la limite, seuls ceux qui moulent les obus, aiguisent les roquettes et préparent le largage des bombes volantes dans le vaste monde peuvent se dire “ gagnants ”. Pourtant, quoi qu’on en dise, Israël semble rester le maître du jeu : ce pays lâche la bride à l’ennemi ou redouble ses coups de bâton quand il estime que ça devient nécessaire.

Mais bonne nouvelle, Israël veut la paix. Enfin… une paix à sa façon. Une paix qui ne débouche jamais sur un Etat Palestinien viable (en même temps on peut se demander comment un Etat Palestinien viable pourrait avoir lieu en étant scindé en deux (Gaza et Cisjordanie), avec Israël comme tampon entre ces deux zones…?). D’ailleurs, pour la majorité des Palestinien-ne-s, tout comme le signale aussi le Parlementaire Zisyadis, ce dernier conflit entre Israël et Gaza n’avait pas un but militaire. Au final, les bombardements avaient peu à voir avec le Hamas (qui d’ailleurs est encore à présent actif), la démesure du conflit venant l’attester. L’objectif du gouvernement israélien, le vrai, aurait été alors de « casser la volonté d’un peuple qui résiste et qui menace ainsi son existence ». De nombreuses ONG, tout comme les personnes présentes, hier soir au témoignage du Parlementaire Vaudois, n’hésitent pas à parler de véritable crime de guerre. Pour Israël, il n’y a pas l’ombre d’un criminel de guerre en son sol. Elle le justifie par deux arguments. Primo, elle avait largué des tracts, avant de larguer des bombes, pour avertir la population civile de déguerpir. Secundo, les militants du Hamas se planquaient dans la populace. C’est ce qu’on peut appeler une argumentation tangente. Avec ce genre de discours on pourrait suggérer au Hamas d’envoyer eux aussi, la prochaine fois (car il y aura sûrement une prochaine fois…) des tracts sur les zones bombardées : leurs actes de terrorisme passeront ainsi en actes de guerre justifiables. Et quand le Hamas tuera des civils côté israélien, bah, il n’y aura qu’à dire qu’il visait les soldats réservistes de Tsahal mais que, ô malheur !, ils se cachaient dans la population…En même temps, il reste difficile de parler de crime de guerre à Israël alors qu’il ne reconnaît toujours pas la Cour pénale Internationale.

Des terroristes complètement à l’Hamas?

L’attaque israélienne transformée en tuerie et vivement condamnable, ne doit pas pour autant, à mes yeux, faire passer le Hamas pour l’Immaculée Conception. De toute façon, le Hamas fait partie de la liste des organisations terroristes du Conseil de l’UE, même si d’autres pays (à l’instar de l’Afrique du Sud ou de la Norvège) ne le considèrent pas comme tel. Ce Parti Politique Islamiste, lui, se définit comme « un mouvement de résistance palestinienne ». Quelques personnes ayant pris la parole hier soir, lors du débat succédant au témoignage “ zisyadiste ” ,  ont exprimé le fait que les membres du Hamas « ne sont pas des terroristes mais des résistants ». Il est vrai que les différentes histoires de résistance qui ont pris place dans ce monde ont souvent été qualifiées de “ terrorisme ”, du moins dans un premier temps. Pourtant, même en partant du principe que le Hamas est « juste un groupe militant », n’agit-il pas de façon autant radicale qu’Israël, mais à l’extrême opposé, en déclarant qu’il ne veut aucun Etat israélien, mais un Etat Palestinien islamique sur l’ensemble de la Palestine?

Ceci étant dit, il me semble que la question n’est pas tant de savoir si les partisans de ce parti sont des terroristes, des résistants ou des résistants pratiquant le terrorisme (…), mais plutôt de s’interroger comment un groupement politique comme celui-là a émergé à Gaza. Il apparaît que si le Hamas a été voté par la majorité des Palestinien-ne-s (musulmans mais aussi chrétiens), c’est bien car le parti modéré du Fatah était “ trop mou ” face à la colonisation israélienne qui continuait en Cisjordanie (ceci malgré l’accord d’Oslo, signé par Israël, qui l’interdisait). Et, avouons-le, le silence et l’indifférence internationale face aux terres palestiniennes toujours plus occupées, doivent aussi sûrement avoir une part de responsabilité dans l’émergence de ce groupement violent. Finalement, comme l’évoque entre autres Zisyadis, Israël aime bien son partenaire de jeu : le Hamas. Par ses tirs de roquettes de type Qassam en direction de Sdérot, il donne le prétexte parfait aux Israéliens pour attaquer Gaza et… réduire à néant toute possibilité de création d’un Etat palestinien autonome.

Pour le malheur et pour le pire

La solidarité internationale permettra sans doute de reconstruire petit à petit hôpitaux et écoles. Une reconstruction qui n’élimine pas le risque de nouveaux bombardements et d’une nouvelle déconstruction. On peut d’ailleurs s’interroger pourquoi Israël a donné l’ordre aux résidents étrangers de quitter absolument Gaza ce 5 février…ça sent le roussi à plein nez. A croire qu’on peut déjà lire l’avenir, cet avenir qui ressemble au pire…au passé. 

Florence Métrailler

* Soirée organisée par: Collectif Urgence Palestine Vaud, Collectif Non à la Guerre Vaud, Groupe Suisse sans Armée Vaud, Gauche anticapitaliste, Mouvement pour le socialisme, POP & Gauche en mouvement, SolidaritéS

** Josef Zisyadis (PST-POP/VD), Jean-Charles Rielle (PS/GE), Carlo Sommaruga (PS/GE) et Antonio Hodgers (Verts/GE), quatre des quinze parlementaires suisses (sur les 246) ayant signé la « déclaration contre le blocus égyptien et israélien.»

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Florence

4 Responses

  1. Avatar
    Florence
    | Répondre

    L’image de l’article est un dessin de Carlos Latuff. D’autres posters et caricatures sur: http://www.urgencepalestine.ch/Activites/postersLatuff.html

  2. Avatar
    romuald
    | Répondre

    Bravo pour l’article qui tranche un peu avec le ton des manifestations qu’on a en France et qui sont exclusivement pro-ceci, anti-cela (pro6palestine et anti-Israël; ou pro-Israël et anti-Palestine); et qui sont même récupérées par les mouvements contestataires habituels (anticapitalisto etc).

    Les souffrances des Palestiniens, qu’ils soient Gazaouites, Cisjordaniens, ou réfugiés au Liban passant elle hélas au 2nd plan.

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    Bossanova
    | Répondre

    Courageuse blogueuse qui ne manie pas la langue de bois, je te félicite.
    Bravo aussi pour tes jeux de mots pleins d’humour. Cela est agréable même dans 
    un article sérieux.Et puis merci pour la référence des images. C’est cool.

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    Anonyme
    | Répondre

    Je crois qu’il est bon de s’instruire :
    http://www.jp-petit.org/Israel_Palestine/pays_soufrance_et_haine.htm

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