«Stand-by» et ses auteurs : une éruption d’informations !

«Stand-by» et ses auteurs : une éruption d’informations !

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A l'occasion de la sortie de l'épisode 2 de «Stand-by», j'ai décidé d'aller jeter un coup d'œil dans l'ombre du scénario, en interrogeant les trois auteurs de cette intrigante série littéraire. Vous pouvez découvrir ce qui en est ressorti ci-dessous.
«Il se demande si des gens qui verraient ces photos reconstitueraient, par habitude, des couleurs qui n’existaient pas sur le moment.» In: Pellegrino, Bruno, Seigne, Aude, Vuataz, Daniel. Stand-by : saison 1 2/4. Carouge: Zoé, 2018. P. 29

Quel est votre ressenti face aux premiers échos reçus du premier épisode de Stand-by ?

Bruno: Certaines personnes ont tout de suite embarqué dans l’histoire, ont aimé la lenteur de cet épisode d’exposition, se sont d’emblée attachées à tel ou tel personnage. Ailleurs, on a perçu une forme de méfiance, ou du moins de prudence, face à ce drôle d’objet littéraire. On préfère par exemple attendre que la saison entière soit sortie avant de se lancer. De manière générale, c’est la curiosité qui prime, je crois – et c’est clair que c’est un drôle de projet ! Mais attendez de voir la suite…

Daniel: C’est vrai, on a hâte que les lecteurs et lectrices puissent avoir la suite, car on a le sentiment qu’une partie du public suspend son jugement avant d’avoir lu les autres épisodes (j’ai failli écrire «voir»). Et ça se comprend aisément ! Ça nous a aussi fait très plaisir de recevoir des échos de France, du Québec, de Tunisie, et pas seulement de Suisse.

Comment vous êtes-vous organisé pour travailler ?

Daniel: Notre «writing room» est un mélange assez spontané de planification et d’organique, si on peut dire. Certaines phases, telles que le synopsis, la construction des personnages ou encore le découpage des épisodes, ont été très collectives. D’autres, comme les premiers jets d’écriture, ont été plus individuelles. Mais, à chaque fois, il y a eu cette étape «ajarienne» (on vient tous les trois du collectif de jeunes auteur-e-s) qui «autorise» chacun-e d’entre nous à intervenir sur les textes des autres, les reprendre, les modifier, sans que cela soit nécessairement discuté. Le montage et le découpage du texte brut, pour le façonner en scènes et en épisodes, ont représenté une étape clé du travail.

Qu’est-ce qui vous plait le plus dans le travail d’équipe ?

Bruno: C’est une formidable source d’énergie. À trois, l’enthousiasme est contagieux. Si l’un ou l’une d’entre nous se décourage, il y a des chances pour qu’au moins l’un ou l’une des deux autres lui redonne de la motivation. Il y a le fait, aussi, que des pans entiers de texte s’écrivent sans que j’aie à fournir le moindre effort. J’écris 10 pages, et j’en reçois 20 écrites par les deux autres. Je sais ce qui va se passer, puisque nous l’avons décidé ensemble, mais je ne sais pas comment Aude ou Daniel vont choisir de traiter telle scène, tel personnage. Je vis le suspense en live.

Avez-vous les mêmes techniques d’écriture quand vous travaillez sur un projet solo ou en groupe ?

Bruno: Pour ma part, absolument pas. Mes projets personnels sont des processus très longs, qui s’étalent sur des années et ne prennent forme qu’assez tard. Qui impliquent de nombreux fichiers de notes, bordéliques et incompréhensibles. En groupe, il faut communiquer sur ce qu’on veut faire, les idées doivent être formulées clairement et des délais entrent en jeu, qu’il faut respecter si on veut que le travail se poursuive. Il y a tout de même des similitudes – le moment, par exemple, où il faut s’asseoir et écrire, c’est-à-dire choisir des mots et les agencer dans un certain ordre. Là, seul ou en collectif, on est toujours seul.

Daniel: Stand-by a aussi imposé son propre style. Chaque projet doit trouver sa forme, sa façon de «s’écrire». Nous voulions quelque chose de visuel, de nerveux, mais aussi de sensible, d’intime, pas nécessairement d’effréné. Une fois que ce style a été localisé (quelque part à la convergence de nos trois écritures), le travail est devenu beaucoup plus simple. Lors de l’écriture des derniers épisodes (la saison 1 est à présent entièrement écrite), nous n’avions quasiment plus à nous poser la question du «comment écrire» : il suffisait de continuer à faire vivre ces personnages.

Pourquoi avoir décidé de ne pas parler d’un personnage se trouvant à Naples même ?

Aude: Un personnage se trouvant à Naples même serait probablement mort immédiatement, ce qui ne rendait pas la chose très intéressante. En revanche, avoir un personnage (Luca, le médecin qui fait partie de l’équipe des Green Teens au Groenland) qui vit à Naples mais ne s’y trouve pas au moment de la catastrophe rendait la situation émotionnelle beaucoup plus dramatique. Je crois que nous avons conçu Naples/l’éruption/la catastrophe comme une sorte de trou noir : personne ne sait ce qui s’y passe vraiment mais tout le monde finit par y converger.

Dessin de Frédéric Pajak représentant Daniel Vuataz, Aude Seigne et Bruno Pellegrino. In: Stand by : saison 1 2/4. Carouge: Zoé, 2018. P. 101

Et pourquoi n’avoir pas localisé la catastrophe en Suisse ? Cela vous paraissait-il plus difficile d’imaginer une catastrophe qui aurait modifié les habitudes d’un personnage chez lui, plutôt qu’à l’étranger ?

Bruno: Pas forcément plus difficile, mais ce n’était pas ce qui nous intéressait, dans ce projet. Ce que nous voulions, c’était capturer ces personnages alors qu’ils sont à l’étranger, justement. L’un des enjeux principaux de la série est que tous nos personnages, à un moment ou un autre, vont vouloir rentrer chez eux. C’est comme un instinct, une pulsion: retrouver sa maison, ses proches, ses habitudes.

Daniel: La Suisse est donc bien présente, mais en creux. Comme un but à atteindre, un réflexe presque. Qui peut finir par disparaître. La question du «pourquoi rentrer, au fond ?» arrive alors…

Aimeriez-vous continuer l’aventure avec une saison 2 ou débuter une nouvelle série sur le même concept (en équipe ou en solitaire) ?

Aude: J’adorerais faire une saison 2, oui ! On a appris beaucoup de choses en faisant la 1, et nos méthodes ne demandent qu’à s’améliorer. Quant à une autre série, je ne sais pas, mais ce qui est sûr c’est que je ne vois pas l’intérêt d’écrire une série seule !

Daniel: Qu’il y ait une saison 2 pour Stand-by ou non (mais j’espère vraiment que oui !), c’est très clair pour moi que l’écriture collective continuera à faire partie de mes projets… personnels ! Il y a encore tellement de choses à tester. Et puis on y prend très très vite goût.

Avez-vous un passage préféré dans l’un des deux premiers épisodes ? Ou un personnage qui vous inspire plus qu’un autre? Ou une phrase, peut-être ? 

Aude: J’aime beaucoup certaines répliques à la fois candides et un peu bêtes des ados. Par exemple quand les 3 ados prennent un selfie et que Nora dit «Cette photo est mythique. Regarde, Vasko, on dirait que tu es super gros !»

Bruno: J’aime beaucoup Céleste et Alix, deux personnages qui, plus que les autres peut-être, sont à la recherche de quelque chose (pour Céleste, une forme de liberté), et qui questionnent leur mode de vie, qui avancent en doutant beaucoup, mais qui avancent néanmoins.

Daniel: Je pourrais citer plein de phrases, mais mes préférées ce sont celles dont on ne sait plus qui les a écrites ! Comme on repasse un grand nombre de fois sur le texte, de nos côtés, il arrive souvent qu’on découvre des nouvelles choses tout à la fin. Un peu comme si on était «spoliés» par son propre texte !

Comment avez-vous choisi les lieux si différents les uns des autres où se déroule l’action ? L’un d’entre vous y a-t-il déjà voyagé ?

Aude: Nous voulions de la variété. Il fallait que le volcan pose des problèmes différents, à différents moments, pour que les personnages soient exposés à des situations différentes. Le choix des 3 lieux est finalement une combinatoire de lieux intéressants pour l’action (Balkans très exposés vs. Groenland pas du tout), lieux très connectés (Paris) vs. pas connectés du tout (Groenland), lieux relativement familiers pour le lecteur (Paris), moyennement étrangers (Monténégro) et très étrangers (Groenland). Nous voyageons tous les 3 beaucoup, donc on peut dire qu’à nous 3 nous avons été au Monténégro et à Naples… mais jamais au Groenland.

Daniel: Au sujet du Groenland, on peut aussi ajouter que c’est un lieu hautement symbolique, aujourd’hui, pour tout ce qui touche au réchauffement climatique. Sans parler du fait que c’est dans les calottes polaires qu’on trouve les traces des éruptions volcaniques passées… C’est un peu le disque dur de la planète.

«Rien à voir avec Lausanne, ses pentes nettes, ses volées d’escaliers, ses ascenseurs urbains […]» In: Pellegrino, Bruno, Seigne, Aude, Vuataz, Daniel. Stand-by : saison 1 2/4. Carouge: Zoé, 2018. P. 64

Lausanne apparaît à plusieurs reprises aux travers de souvenirs, pourquoi avoir choisi cette ville en particulier, plutôt qu’une autre de Suisse romande ?

Bruno: Comme je le disais plus haut, tous nos personnages veulent «rentrer à la maison». La maison, pour moi, c’est Lausanne. Contrairement aux autres lieux (Paris, mais plus encore Kotor, et évidemment le Groenland), Lausanne n’exige pas de recherches particulières, je n’ai pas besoin de consulter Google Maps pour décrire des itinéraires dans la ville, pas besoin de Google Images pour rendre une atmosphère. Lausanne, c’est la familiarité absolue, mais aussi un creuset idéal pour la fiction. C’est un lieu où j’ai beaucoup marché, senti, que j’ai beaucoup observé et qui, comme tout ce qu’on observe longtemps, me paraît de plus en plus romanesque.

Daniel : Cela dit, Lausanne est «la maison» pour Alix et Florence, deux des personnages, mais pour d’autres, c’est Villeneuve, Barcelone, Copenhague, Thessalonique… Et Naples, justement.

Qu’est-ce qui vous plait le plus à Lausanne ?

Aude: Ce qui me plaît, c’est que parmi les « villes qui ne sont pas ma ville » (je vis à Genève), c’est celle que je connais le mieux. C’est une sorte de proche étrangeté, souvent synonyme de chouettes projets (l’AJAR, Stand-by, passer une après-midi avec des amis dans un petit air de vacances). J’ai mis longtemps à m’y retrouver – on pense pouvoir aller tout droit et bam, un vallon, un ascenseur, un pont – et je trouve sa structure vraiment unique, c’est presque une ville dans les airs. 🙂

Daniel: J’ai grandi sur la Riviera vaudoise. Lausanne a donc longtemps représenté la «capitale», peu connue en dehors de la gare et de la «ficelle» pour aller prendre le Tsol direction l’Unil. Depuis maintenant huit ans, j’y habite. Et l’autre jour, en expliquant à un ami par où passer pour atteindre (et en voiture s’il vous plaît) le plus rapidement le Vallon depuis Montchoisi, je me suis senti pour la première fois… Lausannois. A Lausanne, j’aime les hauts, vers l’Hermitage et la Rouveraie, ce mélange de villas bourgeoises, d’immeubles sixties et de nouveaux locatifs entre forêt et falaises. C’est perché, ouvert, mixte. On entend souvent dire que Lausanne est laide, que les urbanistes l’ont «saccagée». Mais qui se préoccupe de la «beauté» d’une ville quand elle est plantée dans un tel décor ?


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