Le blogueur local ou l’obsession malsaine de sa propre ville

Le blogueur local ou l’obsession malsaine de sa propre ville

Au travers des lignes suivantes, je vais tenter de répondre à une question qui me taraude personnellement, dans un exercice d’autoflagellation : à quel point le blogueur local devient-il nombriliste ? Cette question pourrait être formulée de plusieurs manières, mais elle exprime toujours une tension entre un intérêt constructif et une obsession malsaine.

En préambule de cet imbroglio, il s’agit de repositionner la démarche noble du blogueur qui prend la plume en prenant internet au mot et suivant l’adage « you can do it ». Ainsi, autoproclamé blogueur, il écrit, souvent sans rémunération pendant son temps libre. Chaque mot, quel que soit l’intérêt pour son audience, est un petit miracle de volonté qui sert à construire les murs aux briques disparates de la blogosphère.

Le blogueur, du haut de la tribune numérique qu’il occupe, s’arroge le droit de parler de ce qu’il souhaite. Certains ne parlent que d’eux-mêmes et de ce qu’ils aiment, dans l’expression la plus simple du narcissisme. D’autres élargissent leur spectre et s’en prennent à des sujets plus larges, qui ne les concernent pas qu’eux. Enfin, je dessinerais une troisième catégorie de blogueurs, ceux qui revêtent la casquette d’« experts » qui mettraient en lumière des thématiques qu’ils maitrisent largement mieux que leur audience.

Ces blogueurs agissent individuellement, sur leur propre blog ou sur un blog collectif, comme le nôtre. J’exclus ainsi de mon propos les blogueurs forcés qui bossent pour le compte de leur entreprise qui souhaite donner un visage plus humain à ses opérations. Notons que si certains blogueurs arrivent à générer un revenu grâce à leur blog, notamment à travers la publicité, le blog reste majoritairement une activité « à côté ».

Nombrilisme et lausannocentrisme

Le blogueur qui parle de sa ville peut naviguer un long moment entre les différentes catégories précitées avant de tourner en rond. Il y a mille manières de parler de sa ville et presque autant de sujets à aborder avant d’être confronté à la classique page blanche.

Le problème se situe dans l’intensité avec laquelle se focalise le regard. Plus concrètement, si sa ligne éditoriale est clairement centrée sur Lausanne et ce qui y a trait, c’est au blogueur de trouver des thématiques qui l’inspirent, qu’elles soient directement propres à Lausanne : un Lausannois célèbre, tel parc avec telle vue, l’architecture du lieu, un festival local, une décision politique prise intramuros.

L’équilibre délicat

Lausanne prend de la place dans la tête, dans la déco, presque partout…

Dans cet effort de recherche de sujets pour ses prochains billets, le blogueur occupe sa ville autant que sa ville l’occupe. Dans un premier temps, il surfe sur une délicieuse vague de connaissance du lieu qui l’habite, dénichant à chaque fois des sujets plus pointus. Puis, certains de ses proches l’érigent en ambassadeur. Pour conserver ce statut, il se doit d’être au courant de toutes les initiatives branchées qui sont prises dans le lieu qui l’entoure. A ce stade, le blogueur qui avait peut-être encore la force de lever l’échine vers un horizon lointain (Genève ?), ressent le point d’une petite épée de Damoclès qui lui pèse pernicieusement sur la nuque. En fait, il vient de découvrir que les trucs géniaux qu’il vit ou les réflexions d’envergure qui l’habitent mais qui n’ont pas de trait avec la ville sur laquelle il publie ont un arrière-goût. Un arrière-goût qui lui était inconnu avant, celui des histoires qui sont moins savoureuses quand elles ne peuvent pas être racontées.

Ce constat amène le blogueur à se recentrer sur ce qui est racontable, qui pourra faire l’objet de son prochain billet. Dans un sursaut, pour tenter de combler son désir de terrain de jeu étranger, il s’intéresse à des formes de blogging inexplorées et arme son arc de cordes encore inutilisées. Il pense à cette métaphore de l’arc et se souvient qu’il faut regarder l’horizon pour viser loin. C’est ainsi qu’il décide de s’interroger sur l’équilibre délicat qui existe entre un « auteur » et son sujet. L’amour qu’on peut porter à sa ville, surtout s’il s’agit de Lausanne, peut prendre le virage de l’obsession. Il peut aussi s’étioler dans la lassitude d’un quotidien. Comme quoi, il ne suffit pas de nourrir la flamme (de la ville Olympique) pour faire durer la passion.

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