La Hijabi Mafia et moi

Posté dans : Rien à voir 1
Lorsqu'il s'agit des jeux de pouvoir entre filles, rien de mieux qu'une bonne dispute sur le foulard (et tout ce qui va avec).

Se convertir à l’islam a été une grande surprise de deux manières. La première fut mon ouverture spirituelle,  une découverte majeure de soi, mais cela n’est pas le sujet d’aujourd’hui. La deuxième découverte fut de rentrer dans une famille mondiale de croyants qui, je pensais, m’accepterait les bras ouverts.  Sept ans après, je peux confirmer que ce n’est qu’en partie vrai. Bien sûr, du moins avant mon mariage, les hommes musulmans étaient ravis de mon nouveau choix spirituel, les vieilles dames me faisaient des biscuits et me caressaient les mains en disant « Macha Allah », mais la réception chez mes nouvelles « sœurs » a été plus mitigée. Pas toutes les sœurs, heureusement, mais je peux constater que, musulmane ou pas, certaines gardent la mentalité du collège, ou il faut écraser toute fille qui risque d’être une concurrente. Et, comme au collège, la dérision passe par les vêtements. Mais au collège, si ta copine trouve tes pompes ringardes, au moins elle ne te dit pas que tu vas en enfer etque tu ne vas jamais pouvoir plaire à ton mari.

En effet, le port du voile est miné de codes vestimentaires tacites que seules les adeptes comprennent. La première leçon pour toute nouvelle hijabi est d’oublier illico ce que dit l’imam, comme quoi le voile, entre autres, vise à éloigner la femme des tentations de ce bas-monde en ce qui concerne la surconsommation, l’attachement au vêtements fashion, et le gaspillage de temps devant le miroir le matin. Ce n’est pas le cas, rien de plus fashion victim qu’une mafiosa en foulard.   

La mafiosa est une fille qui sait quelle minijupe mettre par-dessous ses jeans.  Elle sait aussi assortir son rouge à lèvres à son foulard. Son khôl dessine son regard de la plus belle des manières.  Et gare à celles qui, comme moi, cherchent à viser le milieu. Si j’ai mis des baskets, ou si mes jeans sont trop baggy, ça ne passe pas. Il faut absolument la tunique moulante, le carré de foulard en soie attaché avec des épingles en strass. Pour elles, il ne faut en aucun cas mettre mon hijab fétiche, style «Al Amirah » pour les initiés, qui est vu comme très, très “old school” par les fashionistas.  Ca fait pas très beau, et ca ne s’attache pas avec de jolies épingles a nourrice.

Il faut aussi se méfier d’un autre type de consoeurs, la veuve noire intégriste. Celle qui ne porte pas de maquillage (du moins d’après ce qu’on voit de son visage) et qui a comme uniforme une longue tunique noire et voile en châle assorti.  Moi, j’ai fait l’erreur au début de porter trop de noir. Je me suis dit que ça va avec tout, ça ne montre pas la salissure, une longue tunique noire, c’est confortable et pratique. Eh non. Si tu ne fais pas partie du clan, tu n’as pas le droit à l’uniforme.

Si t’as bien compris comment t’habiller de la tête aux chevilles, il ne faut pas non plus omettre les chaussures. Et bien que certaines de mes consoeurs, surtout parisiennes, aiment bien le look stiletto et foulard, les puristes et intégristes nous rappellent la fatwa stipulant que les femmes ne sont pas censées porter les talons hauts.  Je me permets cet exemple car, un jour où je me promenais sur le Boulevard de la Chapelle à Paris dans mes jolis talons pas-si-hauts-que-ça choisis par une vraie mafiosa du foulard, je me suis faite arrêter par une veuve noire. J’ai eu droit solennellement à un vrai cours de revue vestimentaire. Il a fallu changer mes chaussures par des escarpins, car je risquais selon ses dires «  les feux de l’enfer ».  Une histoire malheureuse mais réelle. Le comble de sa bonne foi a été de vouloir m’acheter des souliers chez Tati.

Bref, quoi que tu fasses, n’admets jamais être une hijabi à mi-temps. C’est bien de vouloir essayer à la maison, mais une fois que tu fais ton « coming out » en foulard,  t’es dans le clan pour la vie.  Celles qui ne portent le voile qu’à la mosquée, ou seulement en famille, c’est exclu.  Soit tu la portes tout le temps, soit tu ne la portes pas. Le problème ? Si tu es convertie et que tu ne le mets pas, on t’accuse de manquer du sérieux.  Si tu le mets tout le temps sauf pour aller au boulot, les sœurs te disent que ton argent n’est pas licite. 

Le pire dans l’histoire, c’est que même quand tu arrives à faire passer le foulard dans ton entourage, et quand tu le fais passer au boulot sans problème,  il y aura toujours une sœur qui trouvera un petit truc à redire.

photo credit: ici 

Nicole

  1. Avatar
    lie
    | Répondre

    Excellent ce post Nicole, c’est drôle, c’est bien écrit et tu touches en plein dans le mille. Femmes voilées ou non, elles restent des femmes, toutes celles dont tu parles j’en croise tous les jours et ça me fait doucement rigoler quand je lis ou j’entends certains qui ne les voient que comme un groupe uniforme, sans aspérités, toutes pareilles, alors que comme tu le décris très bien, tout ça est beaucoup plus complexe. Il y a autant de différence de goûts chez ces femmes là que chez les autres et c’est une expérience amusante de faire du shopping avec les fashionistas voilées, bonne occasion de se piquer quelques fou rires dans les cabines d’essayages .

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