
Accompagné de sa famille, le jeune Bhumibol a vécu dix-huit ans à Lausanne, entre 1933 à 1951. Il y a étudié à l’Université, d’abord les sciences naturelles et techniques avant de s’orienter vers le droit constitutionnel, devoir royal futur oblige.
Plusieurs années plus tard, alors que le jeune roi a regagné son pays d’origine et qu’il siège désormais sur le trône, il émet un souhait auprès du Département fédéral des affaires étrangères suisse d’offrir un pavillon à la ville de Lausanne, ce en guise de reconnaissance et afin de saluer les relations diplomatiques entre la Suisse et la Thaïlande.
Un résultat aussi (d)étonnant que dissonant
Le pavillon est construit dans le style Jaturamuk, avec quatre facettes et un Mandapa qui ressemble à une miniature du palais royal. Ce temple haut de quinze mètres est à la fois extrêmement beau, très raffiné mais aussi terriblement clinquant. Force est en effet de constater que son architecture n’entre pas véritablement en harmonie avec le paysage du Denantou, un parc sobre hébergeant quelques chênes, cèdres et autres cyprès, mais dénué de tout autre édifice en dur à la structure verticale. Ce temple insolite ne passe donc pas inaperçu ; il est somme toute une parfaite curiosité architecturale, l’équivalent peut-être de ce qu’il y aurait d’exotique à construire un chalet suisse au milieu d’un jardin tokyoïte.
Entre générosité embarrassante…

Tout le monde a déjà vécu au moins une fois cette situation embarrassante de recevoir un cadeau qu’il ne trouve pas à son goût. Passé l’épreuve des faux-semblants au moment de le découvrir, entre sourires convenus et réjouissances forcées, on réfléchit déjà à l’emplacement qu’occupera ledit présent à la cave avant qu’un duvet poussiéreux ne vienne au fil du temps parachever sa lente disparition. A moins que l’on n’envisage de publier une jolie photo de l’objet en question sur un site de vente en ligne afin d’en proposer le rachat pour une somme modique. Cette option comporte toutefois le risque de se voir pincé par la personne à l’origine du cadeau et que l’on soit sanctionné pour cet acte – certes lâche et sournois – par le retrait pur et simple de toute espèce de considération.
Parmi ces deux solutions évoquées, il faut bien admettre qu’aucune ne colle avec le propos de cet article : il est difficile de ranger un temple de vingt-sept tonnes à la cave et sans doute encore plus ardu de trouver un « racheteur » potentiel sur eBay.
…et choix politique raisonné
Ne remettant toutefois nullement en question l’enthousiasme assez général des autorités lausannoises vis à vis de ce cadeau royal, il faut tout de même avouer qu’il est cocasse et risible d’imaginer quelle a pu être la réaction de Daniel Brélaz et consorts au moment de réaliser qu’un colosse bouddhique allait leur être livré en pièces détachées, directement depuis Bangkok. Quand bien même ils eurent jugé la construction de ce monument impossible, car trop incongru, il est drôle à penser que jamais l’affront d’un refus n’eût été fait au roi de Thaïlande, sans compter les effets désastreux que ce même refus eût engendré sur des rapports diplomatiques formidablement cordiaux.
L’offre dès lors quasi spontanément acceptée, la ville a encore eu à lever – non sans peine – plusieurs oppositions de riverains. La question de l’emplacement du pavillon a également fait l’objet de quelques houleux débats, les élus radicaux étant d’avis de le placer au parc de Sauvabelin, contrairement aux socialistes qui lui préféraient le Denantou. C’est sur la belle herbe verte de ce dernier que l’édifice a pu finalement voir le jour et être inauguré officiellement en mars 2009 par Daniel Brélaz, en présence de la princesse Sirindhorn (fille de Rama IX).
Depuis ce jour, les touristes et les visiteurs découvrant le site se disent généralement ravis et partagent des avis assez contrastés sur TripAdvisor, entre ébahissement et admiration. Les touristes thaïlandais de passage en Suisse en ont quant à eux fait un lieu de pèlerinage.


Pour aller plus loin
Laisser un commentaire