Bondy, tu sais c’est quoi? 2/2

Posté dans : Vie du blog 7
Une expérience de la banlieue de Seine Saint-Denis, qui n’a rien à envier à Paris. Mes premiers pas à Bondy dans le 9-3, c’est ici.

Lundi 27 octobre, c’est aux aurores que je quitte la cité lausannoise pour la bondynoise. Entre les deux, il n’y a de similaire que le nom. La dernière s’avérera bien plus excitante. J’y retrouve l’équipe du Bondy Blog, le média citoyen né il y a trois ans, suite aux émeutes des banlieues. La banlieue, je n’y ai jamais mis les pieds. Soyons honnêtes, c’est avec une certaine appréhension que je m’apprête à m’y engouffrer. Dans le TGV, période de vacances oblige, les uns font leur plan touriste: Tour Eiffel, Louvre, Pompidou. Les autres, le plan culture. “Et toi, tu loges où à Paris?, me demandent mes voisins de sièges. Moi ? Je loge à Bondy. A Bondy ? C’est où ? C’est quoi ? Ben Bondy tu connais pas ? C’est dans le 9-3”.

Il est passé 11h lorsque je retrouve Antoine Menusier, l’un des pères fondateurs du Bondy Blog. Mohamed Hamidi, autre père fondateur, nous rejoint vite. Un petit tour dans la capitale et me voilà gare St-Lazare, sur les quais du RER E, direction téci. Bizarre, y a pas de loubards. Un premier cliché tombe. Je veux de la cailleras, des guns et de la baston. Nada. A bord de ce RER apparemment banal, on passe d’un monde à l’autre. Une frontière est franchie.

A la gare de Bondy, Idir, le bloggeur local, m’accueille: « Bienvenu à Bondy, me lance-t-il. Je ne veux pas te gâcher le plaisir de la visite, mais tu as déjà tout vu. » Ca veux tout dire mais je ne le crois pas. Sa collègue Widad nous rejoint vite. Je n’étais pas prévenu de ce comité d’accueil. Une surprise qui sera la première d’une longue liste. On traverse la place du marché, direction le Murat, l’un des cinq cafés de la ville. Le centre de ralliement des bondynois, notre QG pour la semaine. On s’fait un grec ? (un kebab, ndlr.). La pluie battante et la nuit qui tombe me motivent plus pour le chocolat chaud. Au Murat, on y restera plusieurs heures. A faire connaissance d’abord et à parler blog…… Bondy blog.

Le lendemain, je pars à Radio France avec Mohamed. Il va y faire la promo du business Bondy Blog (www.businessbondyblog.fr), le dernier né de la tribu. Au micro, on y parle plan banlieue, mixité et crise. Le CAC 40 est à la baisse mais le CAC 93 à la pêche. Un café dans les beaux quartiers et Serge Michel nous rejoint (le père fondateur), tout droit descendu de son avion qui le ramène de Dakar: « Ca va mal là-bas, lance-t-il. C’est la crise.» A Bondy, on se tient les coudes. Faut bien, même si on est loin du ghetto. Les gens y sont tout aussi formés et talentueux, mais voilà, on ne les engage pas, car sous cet accueil et cette entraide semble se cacher une autre réalité: la discrimination : par le diplôme, le sexe et la nationalité. Le business bondy blog vise à casser cette logique là. Idir m’apprend que 50% de la population bondynoise ne paie pas d’impôt, les salaires ne sont pas assez haut. Comme si le fait d’être banlieusard te déterminait jusqu’à la moelle. A entendre les déclarations de Sarkozy à la télévision, je me dis qu’il n’a toujours pas compris le potentiel de cette banlieue.

Je retrouve mon guide l’après-midi pour une petite visite touristique de Bondy qui s’avère très instructive : T’étais où ? T’as fait quoi ? T’as mangé ? Oui, oui. Il me tarde d’aller visiter. Bondy sud, ses petits pavillons cossus, sa mairie, sa bibliothèque et ses pompes funèbres qui enterrent « à la Française ». Ils ne doivent pas beaucoup tourner ici. Les bondynois sont tous français mais pour la plupart musulmans. Idir m’apprend que dès les années 1920, les premiers immigrés (algériens entre autre) se sont installés à Bondy pour y travailler. Les usines toutes proches en ont attirés plus d’un. Depuis, elles ont été fermées mais les immigrés sont restés. Les Français « de souche comme il dit » sont à Paris. Cette vision m’interpelle. Dire qu’on y est en dix minutes, mais la mixité est quasi absente, comme si le périphérique de la capitale faisait office de bouclier. On y est bien à Bondy. En tout cas j’y suis bien : “Vraiment, me demande Idir ? Attend, attend, on va au nord là.” Bondy nord, c’est la banlieue comme on se l’imagine, avec ses HLM.

Passé le canal (une autre frontière. Décidément, dieu sait qu’il y en a.), on change de décor. Au loin, on voit l’hôpital, le « lieu où on a meilleur temps de ne pas naître, me lance mon guide. La mortalité infantile y est plus importante qu’ailleurs. » “Tu déconnes? Ben oui!” On traverse les hautes tours. Mis à part les barres d’HLM, c’est la zone. Une zone en friche qui ne se serait pas développée comme il aurait fallu. Pas de commerces, pas de cafés, juste des logements entassés: “C’est ça la cité ? Non ici c’est la banlieue. La cité c’est à Clichy. C’est là que ça a brûlé il y a trois ans et crois-moi, c’est autre chose.” Je veux voir. Ca sera pour demain. 

Le téléphone sonne. C‘est Widad : “T’es où ? Tu fais quoi ? T’as mangé ?” Le petit Suisse y est accueilli comme un roi. Même la mère d’Idir chez qui je loge s’y met. A la réunion du blog le soir, j’y rencontre toute l’équipe. Bel accueil : “T’es où ? Tu fais quoi ? T’as mangé ? On se fait un Grec ?” Chou, un des bloggeurs me propose d’aller le lendemain avec lui voir PSG-Toulouse au Parc des Princes. Excellent ! Je ne m’attendais pas à autant d’attention. Le lendemain, Widad prend le relai, direction Rosny II sur la ligne RER E parallèle. Rosny II, c’est toute une histoire ; la cour de jeux des banlieusards. Trois immenses centres commerciaux s’y sont implantés. On y fait ses courses, son shopping, on y drague, on va au fitness. A elle-seule, Rosny II est un microcosme de la banlieue. Si l’endroit est distant de 15 minutes à pied de Bondy, on attendra le bus plus de 40 minutes. Bus qui ne viendra pas. On se rabattra sur le RER. Le 116, qui va à Champigny (banlieue cossue) passera plus de 6 fois pendant ce laps de temps.

Trois heures de TGV et pourtant, on n’a pas la même réalité ni celle de Paris. Quitte à choisir, je préfère nettement mon café à 1 euros 60 à Bondy que ma grande bière à 20 euros dans le 7e arrondissement. Purement scandaleux. J’ai cru pleurer quand j’ai vu l’addition. Allez, Sarkozy à Bondy et les autres à Neuilly!

Mehdi

7 Responses

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    bondynoise
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    “Si l’endroit est distant de 15 minutes à pied de Bondy, on attendra le bus plus de 40 minutes.”

    A votre âge, vous pourriez parcourir cette distance à pied.Je fais ma marche rapide le long du canal pendant deux heures et j’essaie le plus possible d’éviter la voiture et les transports en commun. C’est bon pour la santé et autant faire des économies ,en temps de crise.

    “Les Français de souche comme il dit sont à Paris.”

    Non, pas tous: nombreux sont ceux qui sont restés ici . Il y a d’autres villes que Bondy ou Clichy dans le 93. Comment pouvez-vous dire que la mixité y est absente, en passant si peu de temps à Bondy?A bondy nord, peut-être.Votre vision n’est pas objective du fait que vous vous êtes forgé une opinion avant de découvrir notre ville, puisque vous avez lu le Bondy Blog. Les articles du BB ne parlent que d’une catégorie de la population. 

    “L’hôpital, ”le lieu où on a meilleur temps de ne pas naître .”

    Il ne faut pas dire n’importe quoi. C’est un des meilleurs services de gynécologie et de pédiatrie. J’en parle en connaissance de cause. J’espére que votre guide plaisantait!

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      mehdi_atmani
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      Bonsoir,

      Merci pour votre commentaire. Comme vous l’avez soulignés, le récit de mon séjour est subjectif. Et c’est voulu. Ce sont mes impressions personnelles de Bondy que j’ai pu receuillir tout au long de cette semaine. Je n’aurais pas la prétention de distiller une vision unique. Je suis également heureux d’apprendre que certains “Français de souche” sont restés ici. Je ne joue sur aucun clichés, mais il est vrai que le manque de diversité m’a frappé par rapport à Paris. Je ne porte aucun jugement de valeur mais vu de la Suisse, c’est marquant. Croyez-moi que tous mes idées dites préconsues sur la banlieue ont été balayées en une semaine et ce, grâce à mes hôtes et mes nombreuses pérégrinations dans la ville de Bondy.
       
      La banlieue française (un exemple: Bondy, parmi des milliers d’autres cas), je l’a voyais violente, difficile et ben non. J’y ai découvert une ville dans laquelle je me sentais bien et dont en Suisse, on a beaucoup à apprendre: “entraide, accueil, sympathie”. Je me trompe peut-être mais c’est mon ressenti. De plus, à partir de quel moment, un récit personnel se veut objectif? Faut-il que je reste 1 mois, 1 an, dix ans à Bondy pour la comprendre? De mon point de vue, c’est ce premier regard qui est intéressant et je suis heureux que vous apportiez le votre.

      Heureux également d’apprendre que vous pratiquez la marche. Cela nous fait un point commun! Il me tardait de tester les transports en commun du 9-3. Je n’ai pas été déçu. Vu de la Suisse où tout est millimètré, où la population râle pour la moindre minute de retard, j’ai été surpris de constater que les clients de Rosny II attendent plus de 40 minutes pour le bus. D’autres lignes, le 116, passent de nombreuses fois pendant ce laps de temps. Comment expliquer cette différence? Je suis peut-être mal tombé. Les bondynois sont-ils tous obligés de marcher s’ils veulent rentrer? Autant habiter Champigny.

      De mon premier séjour à Bondy, j’en garde un énorme bon souvenir. J’espère vous en avoir fait profiter.

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        bondynoise
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        Bonsoir Mehdi,

        Quand vous rentrerez en Suisse, ayez une petite pensée pour la Franco-Suisse que je suis. Je connais particulièrement bien la Suisse . Dans quelques mois, je retrouverai un lac que Turner a peint et qui me changera de mon environnement. C’est  tout de même plus agréable de marcher en découvrant de magnifiques paysages. 

        “Faut-il que je reste 1 mois, 1 an, 10 ans à Bondy pour la comprendre?”

        Certains Bondynois habitent Bondy, mais n’y vivent pas. Ils connaissent mal leur ville et sortent peu de leur quartier. Le nombre d’années n’est donc pas important. C’est participer à la vie locale qui permet de mieux comprendre cette ville et son évolution.Je me méfie du premier regard qu’on porte sur les personnes et les choses.

        “Le manque de diversité m’a frappé par rapport à Paris.”

        La diversité n’existe pas dans tous les arrondissements parisiens.
        J’aime votre manière de donner vos impressions. C’est bien écrit et vous ne manquez pas d’humour…suisse qui vaut l’humour français d’Idir. 
         

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          mehdi_atmani
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          Bonsoir,

          Merci pour votre réponse. Je ne peux qu’aquescier votre portrait de la Suisse. C’est vrai qu’il est agréable de marcher dans ces beaux paysages, mais il est encore meilleur d’en sortir et d’aller voir ailleurs. Au pire, on peut toujours y revenir.
          L’équipe du Bondy Blog vise entre autre à rendre compte de la vie dans leur banlieue. Le témoignage est peut-être discutable, peut porter à débat. Mais c’est une forme de participation à la vie collective de Bondy. Regardez, on y vient même la visiter depuis la Suisse ou le Sénégal. 
          Lors de votre prochain séjour en Suisse, faites un saut à Lausanne et venez bloguer pour le Lausanne Bondy Blog. L’expérience mérite d’être tentée. Très bonne soirée. Mehdi

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            romuald
            |

            La banlieue n’est pas homogène, comme ne l’est pas Paris intra-muros.

            Dans les villes de banlieue, on trouve les quartiers huppés, et les quartiers populaires. Et contrairement à ce qu’on pourrait croire, les quartiers huppés ne sont pas habités que par des “de souche”; des Français d’origine immigrée y sont proprio.
            Et dans les quartiers populaires, on n’y trouve pas que des colorés.

            Par ailleurs, il y a les quartiers populaires tranquilles, et les autres, un peu plus craignos. A Sevran par exemple, à l’est d’Aulnay, certaines cités sont assez lugubres et peu recommandables à moins d’y habiter.
            Mais ça, c’est à cause d’une minorité de kékés.

            La grande majorité de la population des banlieues ne demande, elle, qu’à vivre en paix, décemment. Sans se rebeller, et souvent dépassée par ce qu’il s’y passe.

            A Paris idem, on trouve des quartiers très chics (VIIème, Ier, XVIème etc), des quartiers beaucoup plus populaires avec une forte mixité (XIXème).

            Par contre je ne connais pas du tout la Suisse, il paraît que c’est un beau pays! Y a juste les collègues douaniers qui font la gueule, parce que nombre postes frontières vont fermer suite à l’entrée de la Suisse dans l’Espace Schengen.
            A ce propos, et désolé pour le HS, mais quelle est l’opinion générale sur l’ouverture des frontières dans un pays qui me semble assez conservateur sur lui-même malgré tout?..

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            mehdi_atmani
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            Hello Romuald,

            Merci pour ton commentaire. T’as question sur l’espace schengen et la Suisse est très intéressante. Elle fera d’ailleurs l’objet d’un article sur le blog. Sous couvert de neutralité, d’organisations internationales….. La Suisse n’est de loin pas très ouverte. Certains milieux économiques se réjouissent de cette ouverture, d’autres brandissent la menace bon marché venue de l’Est. Politiquement et économiquement, la Suisse est très replie sur elle-même………. dommage. Enfin, c’est un peu une réponse facile, car il existe de grandes différences de sensibilités selon où tu te trouves: (région urbaine ou pas, francophone, italophone ou germanophone.)

            L’enquête est en cours et les conclusions sont pour bientôt 

  2. Avatar
    yussef961
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    15 ans je vis pas loin mais moi j’ai la branche rosny ou bondy justement j’habite a 15 min du bondy blog
    ya des français d’origine a bondy noisy rosny erc
    rosny 2 j’y vais tout les jours pour mes course y’avai moyen d’aller au pt de bondy et avenue de rosny pas loin ça mène au centre commercial
    suis a noisy nord

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