Le romand pour les nuls – leçon V

Posté dans : Culture 11
Les francophones non-helvétiques imitent souvent l’accent suisse. Mais savent-ils parler le « suisse » ? Voici quelques notions à destination des voyageurs de passage à Lausanne…

Et nous voilà partis pour une nouvelle leçon de romand ! Pour ceux qui n’auraient pas suivi, vous pouvez lire les leçons I, II, III et IV. Sans transition, voici les nouveaux mots de notre cours :

1)      « s’encoubler » : s’emmêler les pieds, trébucher.

2)      « gouille » : flaque d’eau.

3)      « roiller » : pleuvoir. Ah tétcheu, qu’est-ce qu’il roille ces temps, on se croirait en Belgique !

4)      « tétcheu » : juron, équivalent de « nom de Dieu ». Pour ne pas offenser le Tout-Puissant, il est courant de dire aussi « de bleu ! »

5)      « v double » et « ij » : prononciation de « w » et « j ». Nous rentrons ici dans les méandres du romand, ou plus précisément du vaudois. Demandez à un petit de Bottens ou de Préverenges de vous réciter son alphabet, vous verrez. Cela donne froid dans le dos. J’ai récemment pu recueillir le témoignage de familles valaisannes immigrées dans le canton ; chez leurs enfants, le traumatisme est encore vif et n’est abordé qu’après trois portions de raclette.

6)      « crocher » : accrocher. J’aime pas prendre le LEB, car je veux pas être croché à ma montre toute la soirée.

7)      « en-dessus » : très bizarre, certains romands ont fait une fusion d’« en-dessous » et d’« au-dessus » pour signifier simplement « au-dessus ».

8)      « bobet » : bête, idiot, benêt. Un grand classique, fort utilisé. Il paraît que plein de synonymes romands le complètent, mais je n’ai pas encore la chance de les connaître. Et vous ?

9)      « poutzer » ou « poutser » : nettoyer. Emprunt à l’allemand « putzen ». La fondue j’aime bien, mais après la religieuse ça me gonfle de poutzer le caquelon.

10)  « on va ça faire » : autre emprunt à l’allemand, très drôle. La langue teutonne rejette en effet l’infinitif à la fin de la phrase en plusieurs occasions, notamment lors de l’utilisation des verbes modaux (müssen, wollen, mögen, etc.). Le romand a repris cette construction, ce qui donne des joyaux du style « je vais ça manger » ou « on va ça partager ».

11)  « vente à l’emporter » : vente à emporter. Il se fait discret ce pronom, et pourtant, il est bien là, entre le « à » et le « e ». On ne comprend pas très bien sa présence, mais en extrapolant, on pourrait imaginer entendre un jour : j’ai un devoir à le finir et un train à le prendre, alors je m’achète vite un truc à l’emporter.

12)  « foehn » : sèche-cheveux. Très belle image que celle-là, qui fait appel à un vent chaud des Alpes – autrement dit, cela signifie que le vent qui sèche ta coiffure est le même que la brise qui réchauffe les oreilles des marmottes valaisanes. En Belgique, on dira « sèche-cheveux », ce qui est moins imagé et plus vieille France. Ceci dit, avec un point culminant de 694 m (le Signal de Botrange), vous comprendrez bien que le foehn évoque peu de choses pour nous.

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Etienne

11 Responses

  1. Avatar
    Gab
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     ‘Tchenne, ils me font toujours autant tchaler de rire tes articles. Revisité par un oeil belge, le parler vaudois qui est le nôtre est quand même drôlement marrant.

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    funambuline
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    De bleu, suis très surprise par “on va ça faire”, jamais entendu ! 🙂

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      camille_chardon
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      Exceptionnel, merci! Mais faut quand même que je souligne que “v double” et “ij” sont aussi neuchâtelois non de bleu! ^^

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    fleks
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     Alors comme quasi synonyme romand de bobet, il y a zozet (orthographe incertaine), guelu, bedoum (pas sur que ça s’applique pour les deux sexes, jamais entendu pour désigné un homme) et nianiou que je connais.

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      monmon
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      Personnellement j’écrirais “dzodzet”, mais bon…
      Et pour ce qui est de “ça”, il me semble que la plus classe des déclinaisons de ce concept manque à l’appel: Le “Tu veux ça…” principalement utilisé en sorte de question affirmative

      Exemple: “Tu veux pas ça re-renrouler ou bien?!?”

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    dani
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    Et je tiens ici à souligner l’influence du romand jusqu’en extrême orient, où “Pluie du matin” se dit tout simplement “Hirohito” ! 

    ;-)  Dani

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      LBBValais
      | Répondre

      Au lieu de dire “bobet”, on dit parfois : ”suci il a le courant d’air qui passe entre les deux oreilles” ou “suci doit pas avoir la lumière à tous les étages”. Disons que le vocabulaire valaisan a lui tout seul pourrait être un grand chapitre dans “le Romand pour les nuls”.

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    dani
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    Mon gag était déjà archiconnu ou personne ne l’a compris ?  😉

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      etienne_doyen
      | Répondre

      Moi je la connaissais pas, mais après réflexion, j’ai compris, “HiroHito = Il roille tôt”.. je gagne quoi?

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    Sophie
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    Au bobet et autre nianiou on peut ajouter agnoti, niolu, taborniau et taguenet (avec un grand doute sur l’orthographe de tous ces jolis mots…)
    🙂

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    Didier
    | Répondre

    Du coup, j’ai un doute… le crétin des alpes, c’est plutôt local ou éloigné ? Je sais que ça s’utilisait avant le politiquement correct, mais par qui ?

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