Cette semaine, nos sérendipités nous baladeront – été, raccourcissements, déboutonnements et échancrures obligent – du côté du sexe, des perversions sympathiques, et des terrasses ensoleillées, pour y rencontrer deux vieux amis. Alors, asseyez-vous confortablement, respirez profondément, et laissez la Page vous emmener dans ses petits coins.
Knismolagnie en bonne compagnie
La terrasse de votre café préféré, une fin d’après-midi ensoleillée.
-Tu sais, je… je dois t’avouer quelque chose.
-Ca y est, tu vas encore nous entraîner dans une de tes conversations étranges, qui va déboucher sur un vieux truc improbable genre Cyrano et la mendicité, comme j’te connais…
-Tu peux rire, tu peux… Mais là c’est juste que, que j’ai besoin d’en parler, quoi, parce que je sais pas vraiment si c’est normal.
-Venant de toi, je peux affirmer en toute confiance que ça va probablement être assez loin de ce que n’importe qui pourrait considérer comme normal.
-Très drôle…
-Bon allez, vas-y, scoope-moi, raconte-moi donc ce qui te trotte dans le ciboulot. Je dois me préparer à fuir à l’étranger avec toi ?
-Non, ça va aller.
-Bon, je vais quand même vérifier si j’ai mon passeport, on sait jamais, mais c’est bon de savoir que je ne suis pas obligé.
-Qu’est-ce que tu penses du sexe ?
-Ooooooookay, là on commence déjà par un vaste sujet, ma foi. Je suis obligé de répondre ? Parce que là, sur cette terrasse, je pourrais m’emporter – tu connais mon enthousiasme – et après les gens vont nous regarder bizarrement, et cette fameuse bière (que tu vas d’ailleurs payer), je ne pourrai pas la finir. Et toi, toi tu auras honte, tu vas ENCORE t’énerver, et tout, je te connais.
-Bon, en fait, je me rends compte qu’en fait, ça ne m’intéresse pas du tout d’avoir ton opinion, ni sur le sexe, ni sur rien du tout, d’ailleurs.
-Tu vois ? Tu vois ? Tu l’as re-fait ! C’est toujours pareil avec toi. Grand susceptible, va…
-…
-Enfin, moi, c’que j’en dis…
-…
-Après, faut voir…
-…
-Si j’étais du genre à faire des litotes, je dirais que, personnellement, et sans nécessairement passer par de longues circonlocutions oiseuses qui n’avancent rien, je dirais que je n’ai rien contre. Voilà, je me suis réfréné, tu vois ? Pas de regards en coin, tout ça, on gère. Mais, si je puis me permettre, mon cher, pourquoi est-ce que tu me demandes ça ?
-Ben, euh… Tu vois, j’ai un truc bizarre qui m’arrive. A ce, euh… niveau-là, quoi. Et je ne sais pas trop comment en parler, quoi.
-Tu as un fétiche ? Tu as le fétiche des gens qui ont un bras plus long que l’autre, ou un truc du genre. Ou alors tu as une maladie honteuse, un eczéma mal placé, un truc comme ça, et tu voudrais savoir à qui montrer tout ça. Ou alors tu t’es rendu compte que tu préférais le faire dans le noir dans un bureau avec juste un bougie qui éclaire, tenue par un serviteur borgne atteint de léger nanisme. Ouais, c’est ça, j’en suis sûr : tu préfères le faire dans le noir dans un bureau avec juste une bougie qui éclaire, tenue par un serviteur borgne atteint de léger nanisme. Et moi, moi je te rappelle que nous partageons ce bureau, et que vraiment tu es un dégoûtant personnage, voilà.
-Ce que j’aime, chez toi, c’est ta capacité à toujours préférer tes scénarios imbéciles à une écoute sympathique et constructive. Et non, contrairement à toi, je ne pratique pas de sexe dans notre bureau.
-C’est arrivé UNE fois, n’importe quel jury m’acquitterait ! Sinon, c’est vrai, mes scénarios sont la plupart du temps préférables à tes petites anecdotes dont tu fais une montagne à chaque fois. Bon, alors, je t’écoute : Qu’est-ce qui te tracasse ?
-En fait, je crois que je suis frappé de knismolagnie.
-Ah euh, oui… Bon, d’accord, et alors, euh… Tu le vis bien ?
-Tu n’as aucune idée de quoi je parle.
-Aucune. Mais je te soutiens à cent pour cent, il y a des tas de knismolagnieux qui le vivent sans doute très bien, j’en suis convaincu…
-…
-J’ai une cousine knismolagniaque, elle a une pommade, je crois.
-…
-…
-Tu as fini ?
-Ben euh…
-Tu as fini ?
-Oui. C’est quoi la knismolagnie ?
-C’est le fait de ressentir du plaisir de type sexuel par les chatouilles.
-…
-…
-Mais par les chatouilles, les chatouilles, genre, guili ? Genre où ça ?
-Genre guili. N’importe où, en fait.
-Sous les pieds, sous les bras, et tout et tout ?
-N’importe.
-N’importe. Mais euh, en faire, ou t’en faire faire ?
-N’importe. C’est une pratique qui remonte à plusieurs millénaires. Il y avait même une reine d’Egypte qui se faisait chatouiller les pieds par des eunuques.
-Ah. Bien sûr. C’est vrai que ça a l’air vraiment excitant, comme ça…
-J’étais sûr que tu n’allais pas comprendre.
-Excuse-moi, j’accuse le choc. Les chatouilles t’excitent. Tu t’es rendu compte de ça tout seul ?
-Pas vraiment. Il y a même des films et tout.
-Des films de gens qui se chatouillent… Mais, genre, tout nus ?
-Pas obligé.
-Et toi, toi tu regardes ça, et… Et… Enfin tu regardes ça, quoi.
-Des fois, oui.
-C’est bien.
-Il fallait que j’en parle à quelqu’un.
-Oui, bien sûr, bien sûr.
-Tu me racontes bien toutes tes histoires.
-Ouais, mais moi je ne suis pas un pervers des guilis.
-Eh bien allons-y, comme ça, paf ! Ca y est, je suis un pervers, maintenant.
-Parfaitement.
-Ca ne fait de mal à personne. Au contraire.
-Ca ne change rien.
-C’est cool, les guilis.
-La question n’est pas là.
-Et puis je peux aussi en faire sans arrière-pensée.
-Ôte tes sales pattes de là, satyre !
-Regarde, regarde ! Guili-guili-guili !
-Va-t-en, obsédé !
-Reviens ! Reviens !
Il pose de quoi payer sa bière sur la table. Tous deux s’enfuient, l’un derrière l’autre, en riant.
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Page –
Zaëlle
Hé bien j’en connais à qui cela servirait, car tellement sensibles que ce qui est supposé être une douce caresse devient un chatouillis pas forcément agréable, d’autant plus que cela a tendance à ”casser” un peu le truc…
Je m’endormirai moins bête ce soir en tout cas!