Le nouveau Flon à travers Claudio Galizia

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Exit la vie alternative. Le projet « Flon-vision » arrive à son terme. Prise de température auprès de l’un des uniques résistants au projet : Claudio Galizia, patron du Bistrot du Flon.

The place to be in Lausanne : bars branchés, magasins de luxe, clubs réputés. Depuis 1999, le quartier du Flon a radicalement changé de visage. Jadis lieu fort de la culture alternative et underground, le quartier s’est métamorphosé sous la tutelle de la société privée LO-Holding et son projet « Flon-vision ». En dix ans, les loyers ont prix l’ascenseur, les petits commerçants sont asphyxiés. Si beaucoup approuvent cette évolution, d’autres, à l’instar de Claudio Galizia, patron du Bistrot du Flon, la déplorent. Que reste-t-il du Flon ?

Pour me faire un avis sur la question, je suis donc allé à la rencontre de ce chaleureux bonhomme qui accueille, depuis janvier 1990, les clients curieux autant que fidèles. Derrière son comptoir, il a pu être le témoin de toutes les transformations alentours. Le projet Flon-vision il connaît bien, très bien même. Sur la question, il est ce qu’on appelle un sceptique. Non, un détracteur : « Sans famille à charge je serais déjà parti ! Ce quartier n’a plus d’âme, il est juste devenu comme les autres ! LO Gestion (propriétaire qui dirige la réalisation des travaux au Flon ndlr ) a carte blanche pour les investissements. Ils développent leur projet à l’attention des personnes ayant des moyens conséquents ! Pourquoi ne pas faire des lofts à 4000 balles, il n’y a pas de problèmes tant qu’on construit également des studios pour étudiants, s’emballe le bistrotier. Le Flon est fait pour la mixité ! On nous avait promis que le caractère culturel serait gardé. Mais tous les locaux ont été transformés en bureaux ! Il y’a aussi plein de surfaces laissées vides qui pourraient servir à des artistes, artisans…»

On sent la nostalgie et les regrets, le « c’était mieux avant ». Malgré les changements, son bistrot n’est pas mis en péril. Bien au contraire, puisque son contrat de bail court encore pour plusieurs années. Non sans mal, selon lui. Le combat contre les hausses de loyer a ruiné plus d’un de ses confrères, de quoi le rendre amer : « Ce qui me manque, c’est la liberté tout simplement ! Tout est propre, design, mais c’est du vide ! Je ne vais pas me plaindre au niveau des affaires qui vont très bien, mais le Flon a perdu son charme ! Honnêtement je me sentirai mieux du coté de Sévelin, un quartier qui peut se développer dans cette direction culturelle. Mais cela dépendra de la ville et des promoteurs !»

Octobre 2008, les traces des travaux commencent peu à peu à se dissiper. Le Flon renaît sous de nouveaux traits. Une nouvelle ère s’ouvre dans le quartier. Pour les nouveaux arrivés, qui espèrent commercialement, des retombées économiques conséquentes, c’est la porte ouverte à une concurrence acharnée qui ne manquera pas de faire flamber, une fois de plus, le prix des loyers. Quant au futur, il est plutôt bouché. C’est en tout cas l’avis de Claudio Galizia : «  Il n’y a pas de futur, le futur c’est maintenant ! Je pense que vu les prix, il risque d’y avoir beaucoup de changements de locataires. La concurrence est forte. Les tarifs aussi. Beaucoup ne vont pas tenir le coup. Le LO Holding dépense énormément pour beaucoup de conneries et il se rattrape sur les loyers ! Le prix du mètre carré est quasi le même qu’à la rue de Bourg ! »

Je lis une certaine déception chez Claudio Galizia ; une déception que beaucoup d’autres petits commerçants doivent partager. A le voir et à l’entendre, je me dis qu’il est regrettable de perdre un peu du patrimoine culturel pour laisser place à beaucoup de superflu qui, finalement, sert à enrichir certaines personnes plutôt qu’à inciter une ville à la créativité, à donner des moyens aux petits entrepreneurs pour monter leur bistrot,  local ou artisanal. C’est le prix de la modernité, mais qui sait. Affaire à suivre.

Pour voir en photos l’histoire du Flon, allez faire un tour sur la page de Claudio Galizia qui a depuis plusieurs années répertorié des clichés de son quartier adoptif : http://www.flickr.com/photos/claudiogalizia

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Thomas

2 Responses

  1. Avatar
    Maurelita
    | Répondre

    Une vague de nostalgie comme on n’en fait plus : j’étais DJ occasionnel(le) au cercle culturel Moulin à Danses, du temps de Monique et Pascal… un lieu magique et sombre à côté de l’entrée du métro, et en face il y avait le consulat finlandais (je suis Finlandaise !) et un magasin de fringues furieusement rock et grunge.

    Merci pour ce clin d’oeil, je me régale sur Flickr.

  2. Avatar
    xixa
    | Répondre

    super ton article!!
    …. nostalgique ….. et ………réaliste 
    la culture est diversifiée … le Flon d’aujourd’hui ne regroupe plus ces valeurs… dommage!
    quand je passerai au Bistrot du Flon… je discuterai avec le patron…. ton article m’a donné envie de faire sa connaissance
    bravo

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