Des films qui en ont dans le slip, le coeur et la tête !

Des films qui en ont dans le slip, le coeur et la tête !

Posté dans : Culture 1
Notre bien-aimée Fête du Slip lausannoise nous a offert, pour sa 4ème édition, une sélection de long-métrages aussi différents que passionnant. Mais là où le sexe prévaut, l'amour n'est jamais loin. Tentative d'approche de deux extrêmes amoureux, à travers deux films en compétition : "Paradies : Liebe" et "Tangerine".
une tangerine
TANGERINE, de Sean Baker / © Duplass Brothers Productions, Through Films

La Fête du Slip nous proposait cette année une sélection de quatre long-métrages en compétition. De la fable bordélique et jubilatoire suisse (Räuberinnen) au docu passionnant et révélateur (Yes, We Fuck!), en passant par le film indé-hype américain (Tangerine) et le docu-fiction solitaro-amoureux (Paradies : Liebe), le programme était certes bref, mais ô combien intense.

Outre l’aspect sexuel, qui prévalait bien-sûr au sein de cette 4ème Fête du Slip, c’est surtout la dimension amoureuse de ces films qui m’a marqué, en particulier dans Paradies : Liebe (Paradis : Amour) et Tangerine. Deux films qui présentent deux visions de l’amour opposées : son manque et son trop-plein ; et de deux manières elles aussi totalement opposées : formelle et libre.

Sélectionné en 2012 au Festival de Cannes, Paradies : Liebe est le premier volet d’une trilogie réalisée par l’Autrichien Ulrich Seidl et dont les deux opus suivants s’attaquent à la foi et à l’espoir. Ici, nous suivons Teresa, une Autrichienne cinquantenaire qui part en vacances au Kenya pour profiter du soleil, des plages, des cocktails, mais aussi (et à sa propre surprise) des hommes. Ils lui promettent l’amour, les sensations, les sentiments et un prix défiant toute concurrence.

PARADIES : LIEBE, de Ulrich Seidl / © Ulrich Seidl Film
PARADIES : LIEBE, de Ulrich Seidl / © Ulrich Seidl Film

Ce qui fait la force de Paradies : Liebe, c’est le mélange parfait qu’il opère entre documentaire et fiction. Tout ce qui se passe est présenté de manière réaliste et suit une trame et un angle narratif typiques du documentaire. Pourtant, la mise en scène, elle, a tout de la fiction (cadres statiques, photographie travaillée, compositions millimétrées et évocatrices) et va à l’encontre même des codes du documentaire. Ce que nous regardons est-il réel ? Parfois oui, parfois non… l’avis change de scène en scène. Nos attentes de spectateur changent de minute en minute. Nous sommes déstabilisés par cette frontière entre la réalité et la fiction qui soudain n’existe plus.

Loin de s’arrêter là, Paradies : Liebe nous fascine aussi et surtout par son propos : la solitude et le manque d’amour. Teresa symbolise ces deux aspects et tombe facilement dans les pièges que lui tendent ces hommes kenyans si attentionnés, qui lui promettent amours et merveilles, mais n’en veulent finalement qu’à son argent. La monétisation de l’affection induit alors la manipulation et la trahison. Mais là où l’on pourrait penser que le film s’arrêterait, sur une morale victimisante et réductrice, Paradies : Liebe s’attaque aussi à la déshumanisation forcée de ces mêmes hommes par l’omniprésente pauvreté de leur pays. Le film devient alors politique et en profite pour proposer un nouvel angle à son propos, quand Teresa décide de jouer le jeu de ces hommes, les manipulant à son tour et devenant comme eux, aveuglée par ses blessures sentimentales et son désir sadique de vengeance.

PARADIES : LIEBE, de Ulrich Seidl / © Ulrich Seidl Film
PARADIES : LIEBE, de Ulrich Seidl / © Ulrich Seidl Film

Paradies : Liebe nous offre donc des lectures multiples sur un sujet fort et engagé, tout en questionnant notre rapport à la réalité et à l’image. D’un parti pris artistique et technique totalement opposé, Tangerine nous entraine, lui, à 100 à l’heure sur les trottoirs instinctifs et survoltés du mélodrame ultime.

Sensation du festival de Sundance 2015 et Prix du Public à celui de Deauville, Tangerine est un OVNI dans le paysage du cinéma indépendant américain, mais aussi dans le paysage du cinéma mondial. On y suit la prostituée noire et transgenre Sin-Dee Rella qui, à peine sortie de prison, apprend que son fiancé, le mac du coin, l’a trompée avec une blanche à la taille fine. Ni une, ni deux, elle se met en tête de la retrouver et de confronter son aimé. Une quête effrénée se lance alors, rythmée par la voix frénétique de Sin-Dee et par ses pas heurtant sans concession les trottoirs de Los Angeles. Rien ne pourra l’arrêter, croyez-moi.

TANGERINE, de Sean Baker / © Duplass Brothers Productions, Through Films
TANGERINE, de Sean Baker / © Duplass Brothers Productions, Through Films

Filmé en 24 heures dans les quartiers chauds de Los Angeles, Tangerine est un tour de force de la débrouille. Acteurs amateurs, dialogues improvisés, iPhone pour toute caméra, équipe plus que réduite, etc. Le résultat est rafraîchissant et étonnant, comme si Godard avait retrouvé le souffle de sa jeunesse. La mise en scène est simple, accessible et instinctive, laissant toute la place à la frénésie et à l’énergie débordante des deux actrices principales transgenres, Kitani Kiki Rodriguez et Mya Taylor, qui crèvent l’écran de tous côtés et que l’on suit avec fascination et curiosité. Tangerine fait donc la part belle à l’ingéniosité et à la facilité technique, s’inscrivant ainsi parfaitement dans son époque, où tout va très vite et où les moyens de création sont à la portée de tous.

Mais derrière son visuel jubilatoire et transgressif, Tangerine nous propose surtout une histoire d’amour complète et saisissante. Animée par ce seul sentiment, Sin-Dee arpente durant une journée entière les trottoirs d’une Los Angeles criarde et brutale. Elle est déterminée. Son amour pour Chester est tellement bouillant qu’il déborde partout et se transforme en énergie destructrice inarrêtable. Sin-Dee veut absolument savoir qui est cette fille avec qui il l’a trompée. Elle veut absolument trouver Chester pour en avoir le coeur net. Elle ne comprend pas que l’amour puisse être ainsi. Mais bien-sûr, la résolution est décevante (pour le personnage, pas pour nous spectateurs) seulement dans un sens. Car, au final, ce que raconte Tangerine c’est qu’il y a plusieurs types d’amour (amical, fraternel) et qu’aimer trop n’est pas toujours bien reçu par les personnes qui ne le méritent pas.

TANGERINE, de Sean Baker / © Duplass Brothers Productions, Through Films
TANGERINE, de Sean Baker / © Duplass Brothers Productions, Through Films

Puis il y a la question des transgenres, qui au final n’en est pas vraiment une, car les personnages ne sont pas traités en tant que tels. Au contraire, on ne le juge pas. On nous les présente comme des personnages dramatiques habituels, qui n’existent que par leurs relations et leurs émotions. Le fait qu’ils soient transgenres n’est là que pour éclater cette image malsaine et étrange que l’on a trop souvent d’eux.

Paradies : Liebe et Tangerine nous parlent donc chacun d’amour, d’un de ces extrêmes, chacun à sa manière et chacun avec son propre style et sa propre sensibilité. Ils en deviennent, par la même occasion, politiques et engagés, puisqu’ils se frottent à des problèmes bien réels de monétisation du sexe, qu’elle soit manipulée ou franche.

À travers ces deux films, La Fête du Slip ne s’est ainsi pas contentée de nous parler de sexe, mais a su ouvrir son horizon intellectuel sur des aspects et des problématiques qui s’y rattachent directement tout en appuyant sur son importance dans nos sociétés.

  1. Avatar
    Adriana
    | Répondre

    Attendez une minute! Je suis seulement un couple de jours il y a vu le film dans la série Paradis : foi ( http://filmstream.co/1515-paradis-foi-2012.html ) Juste wow !!!

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