Train en retard, postiers au bistrot

L’air glacial de la gare de Neuchâtel n’a pas suffi à transformer l’eau en neige. C’est par seaux que l’eau tombe sur les toits, et une gouttière percée inonde le quai numéro 3, direction Lausanne. C’est là qu’un vieux monsieur s’approche de moi, regarde le désastre aquatique et engage la conversation: « plus rien ne va, avec ces CFF ». Je m’empresse d’acquiescer pour l’encourager et il enchaîne, pointant du doigt un wagon s’en allant: « Celui-ci était tout sale, ils nettoient même plus leurs trains! ». 

Le ton est lancé. Tous les problèmes des transports ferroviaires suisses sont dès lors évoqués, des annonces inaudibles dans les salles d’attente aux nombreux retards. « Tout fout l’camp », « C’était mieux avant », poil aux dents… Alors que les exemples commencent enfin à lui manquer, je pense pouvoir m’éclipser discrètement. C’était sans compter sur un incroyable tour de passe-passe qui lui permet de rebondir sur un autre grand fléau des services publiques suisses: la poste. « Les journaux, ont les reçoit de plus en plus tard. Les postiers, à Neuchâtel, ils savent qu’ils ont jusqu’à 15h pour les livrer, alors ils boivent des coups. J’ai vu leurs mobilettes devant le café tout à l’heure. » Je voudrais lui expliquer que grâce au web 2.0, il peut maintenant lire les journaux online à 6 heures du matin. Qu’il peut aussi s’abonner à des fils rss et tout centraliser grâce à son agrégateur. Qu’il peut même se servir d’un Iphone pour écouter ses podcasts préférés en attendant son train. Je pourrais mais je ne m’y risque pas, de peur qu’il m’ajoute à sa longue liste de problèmes. Le train arrive enfin, avec 7 minutes de retard. Je salue mon plaignant du jours. Train en retard, postier au bistrot comme on dit à Neuch’!

Loïc Delacour

Loïc Delacour –