C’est une belle fin d’après-midi d’hiver et un soleil glacial termine sa descente derrière le grand obélisque de Washington D.C. Dans la pénombre naissante du bureau ovale, Barack Obama se repose dans un fauteuil à haut dossier, près de la cheminée éteinte, en pensant, tout à la fois excité et inquiet, au gigantesque faisceau de responsabilités qui l’envahira dans moins de 24 heures, lors de son sacre de 44ème Président des Etats-Unis d’Amérique. Une violente sonnerie rompt le silence paisible de l’endroit, ainsi que cet ultime moment de torpeur dans lequel s’est plongé le futur chef d’Etat. “C’est le téléphone rouge, merde! se dit-il. Ca ne peut rien présager de bon.” Il se lève, s’approche de l’appareil et se saisit du combiné d’une main tremblante…
– Président Obama, j’écoute?
– Allô, oui?
– …
– Allô?
– Bah oui, allô! C’est qui?
– Ah pardon, Monsieur Obama! Dieu au bigophone.
– Mouais, bon, si vous croyez que j’ai que ça à glander, moi. Bonne soi…
– Nan, attendez, sans déconner c’est Dieu, raccrochez pas, c’est hyper important!
– Roh mais merde, aussi! Je vous dis que j’ai pas le temps pour ces conneries, vous avez pas lu les journaux? On m’inaugure demain, figurez-vous… Et puis vous m’avez foutu une trouille monstre. Alors déjà que ça va me prendre une semaine pour découvrir comment un glandu comme vous a pu avoir accès au téléphone rouge…
– Ben, justement… Comment, à votre avis?
– Oh mais j’en sais rien, moi! A tous les coups vous êtes un hacker ou une tache dans le genre, nan?
– Nan… Moi, ch’uis Dieu!
– Pfff. En plus, vous vous faites passer pour Dieu et vous êtes même pas foutu de me tutoyer. Niveau imitation, on a vu mieux, je vous promets…
– Et pourquoi je vous tutoierais, je vous prie? On s’est jamais retrouvé les deux seuls dans un ranch à la montagne, que je sache?
– Attendez… C’est pas Brokeback Mountain la référence, là?
– Si si! J’ai adoré ce film!
– Paraît qu’il cartonne, oui… J’avais lu des bonnes critiques à l’époque, mais je suis jamais allé le voir, pourtant! Michelle était moyen motive et moi j’avais une conjonctivite, sauf erreur…
– Il faut absolument que vous le voyiez! Il a reçu je sais plus combien d’Os…
– Rah, mais arrêtez de m’embrouiller, zut! Je vous préviens, soit vous me prouvez maintenant que vous êtes Dieu, soit je vous raccroche à la pomme!
– Un éclair dans le jardin, ça te va?
– Ah ben on se tutoie, maintenant?
– Ca te va ou pas?
– Ca me va…
– Faut juste que je retrouve mon machin dans tout ce merdier…
– Ton machin?
– Mais oui, mon truc là, qui produit des éclairs…
– Une boulangerie-pâtisserie? Héhéhé…
– …
– Désolé.
– T’es con… Ah voilà, tiens… T’es prêt? Fiiiiiizzzzzzzzzback!
– …
– Alors?
– Alors ouais.
– Alors ouais quoi?
– Alors ouais, balèze, le coup de l’éclair dans le jardin. Damned… Faut que je réalise que je suis bien en train de causer avec Dieu, je crois…
– Réalise seulement… On a le temps… Ca me fait penser que je me casse à te prouver mon identité depuis 5 bonnes minutes et que pendant ce temps-là, rien ne me dit que tu es bien le Président des Etats-Unis et pas un simple grouillot qui passait l’aspirateur quand ça a sonné…
– Mouais, je te l’accorde… Je peux te faire péter la Corée du Nord sur simple pression d’un bouton situé dans le tiroir de mon bureau, si tu veux…
– Ouais, nan, mais ça va aller… En plus je jouais au con, parce qu’en fait je te vois.
– Tu me vois, c’est à dire?
– Ben je te vois, quoi! J’ai pignon sur ta p’tite face en ce moment même!
– Ah ouais, et là, alors? Je te fais quoi, là?
– Tu sais que l’éclair il peut tomber ailleurs que dans le jardin? Sur ta gueule, par exemple… Alors baisse moi ce doigt et éteins ta clope, veux-tu?
– Okay okay, c’est bon, tu me vois, j’arrête! Qu’est-ce que je peux faire pour toi alors, Dieu?
– Roh ben pas grand chose, écoute, j’appelle pour prendre un peu la température, voir un peu comment tu te sens avant de reprendre la boîte, quoi… Donner deux-trois conseils, éventuellement. Je suis quand même un peu le tôlier ici, moi, faut que je m’assure que tout se passe bien…
– Ah d’accord… Et pourquoi par téléphone, si j’ose?
– Ben, disons que t’as fait ton gros malin avec ta page Facebook pendant la campagne, mais t’es pas connecté souvent. Alors téléphone, quoi…
– D’accord, d’accord… Et t’as fait ça pour les 43 autres qui m’ont précédé?
– Ouais. Enfin, non, pas pour les premiers parce que bon, comment tu voulais prévoir qu’une bande de moustachus à gallurons qui se tiraient dans le lard à longueur de temps bâtiraient la première puissance mondiale? Donc je dirais que j’ai drillé une trentaine de mecs jusqu’à présent. Ah ouais, et normalement je viens qu’une fois par président, mais pour l’autre simplet, j’ai du faire une exception. J’ai du revenir une deuxième fois pour lui dire qu’il fallait qu’il arrête de mettre mon blaze à la fin de ses discours parce que nos idées commençaient à être sérieusement antinomiques, et une troisième fois pour lui expliquer ce que voulait dire “antinomique”.
– Aux innocents les mains pleines, j’ai envie de dire… Bon alors si je comprends bien, je t’expose mes plans, je te pose des questions, des trucs du genre, et toi, tu me réponds?
– Voilà, c’est ça. Et je t’écoute…
Suite et fin de la discussion dans le Round 2/2.
ilogeek
L’appel en absence qu’j’ai eu c’matin, c’était ptêtre Dieu alors?