CdL 12 : Lausanne en mode Star Wars.

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Rentré à Lausanne, ce dimanche après-midi d’hiver, avec ses deux nouveaux amis, Emilien huma l’air du centre, sur une petite place sympathique quoique rendue plus grise encore par l’humidité ambiante. « Pépinet », lui avait lâché Max, avant de souffler dans ses mains rougies par le froid. Quelques voitures, ça et là, troublaient les rues qu’il avait connues la veille bien plus animées. Samuel, fort docte, avec une voix chaude qui dépareillait fortement avec sa grande silhouette dégingandée, lui avait expliqué qu’ici, le dimanche, il n’y avait guère que le coeur qui battait.

CdL 11 : Agathe et Marcelo.

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« Alors comme ça, avait soudain interrompu Tante Agathe, fixant Emilien d’un regard perçant où se mêlaient bienveillance et moquerie, vous êtes de passage à Lausanne. » Ce n’était pas une question. C’était une description exacte de tout ce qu’elle avait jugé pertinent de retenir de lui pour l’instant, tout en paraissant être un moyen facile de feindre l’intérêt, tout en étant une manière fort subtile d’en montrer malgré tout. Parler avec la Tante Agathe, observa Max, c’était entrer dans un labyrinthe où chaque mot était un piège, où chaque intonation était une paroi semi-transparente, où chaque pause n’était qu’un répit avant qu’une trappe ne s’ouvre sous les pieds de l’interlocuteur, qui s’il n’avait pas le cœur bien accroché finirait au mieux par fuir, au pire par passer pour un imbécile.

CdL 10 : En voiture, en silence.

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Lorsqu’il prend à quelqu’un l’envie – fort saugrenue, je vous l’accorde – de s’éloigner du centre de Lausanne, et plus particulièrement de partir en direction de l’Est, il s’en faut de très peu, pourvu que l’on soit en voiture, pour se retrouver non plus à Lausanne mais dans l’une des communes avoisinantes qui, si elles font partie de l’agglomération générale, sont néanmoins distinctes sur plusieurs points que nous ne développerons pas ici pour ne pas colporter la rumeur selon laquelle à l’Est, tout le monde est riche et de droite. C’est ainsi qu’Emilien, fort d’un vendredi à fort taux d’alcoolémie, et d’une fin de samedi à peu près aussi incompatible avec le mode de vie préconisé par les hygiénistes que l’ablation d’un organe majeur, suivie d’une courte nuit de sommeil tanguant, s’était soudain aperçu entre deux pics de mal de tête qu’ils venaient de quitter Lausanne pour un endroit nommé Pully.

CdL 9 : Sal fait taire sa Voix.

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« Tu vois, le Manteau Noir, c’est un ancien flic de Zürich, un dur de chez dur, qui a bossé toute sa vie pour coincer des junkies, et puis un jour il a dû partir à la retraite, parce que ses supérieurs, tu vois, il commençait à leur faire peur. Parce qu’il avait des méthodes de faf, de vrai, de dur. Mais tu vois, au lieu de partir picoler des p’tits verres de blanc dans son village d’origine, il s’est enfermé chez lui, le mec, et le soir il a commencé à gamberger, tout seul dans sa chambre, avec juste sa collection de flingues chez lui. Et la journée, il venait traîner sur les lieux où il avait sévi, tu vois ? Et puis ils l’ont découvert un jour, en train de tabasser un type. Alors il a fait jouer ses relations pour échapper à la taule, le type il en restait rien, tu vois, il avait plus de dents, il avait plus de face, mais le gars il s’en est sorti comme ça, « pfuit ! ». Mais ses vieux potes de la police, ils lui ont dit de partir, qu’il se faisait du mal, qu’il allait finir par se faire planter un soir, ou se retrouver en taule. Alors il a déménagé, il est venu à Lausanne, et depuis, il rôde autour de la Riponne, et quand il voit un junkie, ça le démange, et si il est tout seul, le gars, en train de faire son fix tranquille ou de délirer dans un coin, il l’emmène avec lui, et il le fait disparaître. Son grand manteau noir est la dernière chose qu’il voit, et après le silence. C’est Long John qui m’a raconté ça, une fois qu’il était calme ».

CdL 8 : A friend in need is a friend indeed.

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Lausanne devrait, selon toute logique, avoir pour coeur sa plus grande agora, l’endroit le plus propice où pourraient se rencontrer ses autochtones, ses visiteurs, et tous ceux qui par hasard découvriraient l’endroit. La Place de la Riponne, entourée qu’elle est des fastes oripeaux de son ancienne université – payée par un aristocrate russe et néanmoins lausannois par sa mère –, n’est à l’heure actuelle qu’un casse-tête de plus pour la municipalité, laquelle, consciente sans doute du fait que le centre historique de la ville ne comporte aucun espace susceptible d’y installer du monde l’espace d’un soir, se demande comment il est possible que la Cité grouille à chaque début d’été comme une boîte de sardines, alors qu’il y a toute cette place à deux pas… Le Lausannois est un animal certes curieux, mais aussi méfiant, et il semble préférer observer la Riponne depuis une petite terrasse juste au-dessus, en buvant pourquoi pas une bière au Great Escape, plutôt que d’errer sans but sur la grande place vide et entièrement dénuée de bière. C’est ainsi que la Riponne ne sert que lors des grandes occasions et des marchés, et ne se remplit d’enfants et d’adultes que lorsque ceux-ci n’ont pas envie d’amener ceux-là au bord du lac pour y faire du patin à roulettes. La platitude, denrée rare s’il en est, est alors appréciée des petits garçons et filles en patins ou trottinette, qui malgré tout y tombent souvent et pleurent un moment pour montrer qu’ils n’ont pas vraiment eu mal mais quand même.

CdL 7 : Anne profite de la sagesse de ses aînés, attend un taxi, et accepte une proposition.

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« Allô ? Oui, bonjour, Anne de la Harpe à l’appareil. Ce serait pour un taxi à… » la suite s’échappa des lèvres d’Anne en mode automatique, c’était au moins la centième fois qu’elle demandait un taxi pour aller en ville, et elle fut presque surprise que la réceptionniste ne l’interrompe pas en disant « Bien sûr, Anne, un taxi comme d’habitude. Vous êtes toujours à Epalinges ? ». En l’occurrence, la dame, dans l’un de ces micro-casques qui font grésiller des milliers d’appels commerciaux à travers le monde, avait attendu qu’elle ait fini, et avait exigé une destination sur un ton que toute trace d’empathie avait définitivement déserté. « Je l’ignore », lâcha Anne, et elle se rendit compte qu’elle n’avait effectivement aucune idée d’où aller.

CdL 6 : Max compte les aiguilles de sa montre, se remémore la Ficelle, et n’est peut-être pas dupe.

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« Che que je veux dire… Ce que je feux dire… Ce que je veux – aHA, j’y suis arrivé ! – dire, c’est que la réalité de la ché… ché… série, dans la définition de Sartre, n’est perceptible in fine que dans l’œil de l’observateur, et non dans une quelconque – hips ! – évidence ontologique. Les gens qui font la queue pour monter dans le bus ont le même but, mais ils ne sont pas disoss, désosss, dissociables d’un type qui, par exemple se trombe de pus… se trompe de bus. » Samuel souleva son verre en guise de coda à un argument qui lui semblait d’autant plus efficace que physiquement éreintant.

CdL 5 : Emilien sur le terrain de chasse des grands fauves.

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D’après le très sérieux site officiel de la ville de Lausanne, le XIIIème siècle, « [a]ménagé dans d’authentiques caves du XIIIe siècle, […] a été ouvert en 1971 à l’instigation d’un groupe d’étudiants de l’Université, désireux de créer un lieu de rencontre original. Voûtes, murs de pierre, éclairage tamisé, bancs en bois et fauteuils de cuir lui confèrent une atmosphère conviviale et intime. L’ambiance y est plutôt festive: Le XIIIe siècle possède en effet une piste de danse et organise des concerts, ainsi que diverses soirées à thème. » Il n’en avait guère fallu de plus à Emilien pour le décider à aller y traîner à la fois ses guêtres, le mal de crâne de la nuit précédente, et le poids des opportunités qui s’ouvraient à lui.

CdL 4 : Max cesse d’attendre, et sort enfin de chez lui.

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Pour la trente-septième fois depuis qu’il était rentré à l’appart’, Max cliqua avec détermination sur le petit bouton « Relever le courrier » de sa messagerie. Puis, comme les trente-six fois précédentes, il vérifia l’état de sa connexion, les voyants de son routeur, ouvrit un onglet et tenta d’accéder à un moteur de recherche bien connu, obtint une page d’accueil qu’il ferma immédiatement, soupira, s’avachit sur sa chaise, étirant sur son début de bedaine le smiley orange qui ornait son t-shirt, saisit d’une main distraite une poignée de bonbons qu’il mâchouilla sans les goûter, et s’apprêta à réitérer les opérations. Il était très exactement vingt heures quarante-quatre, un vendredi soir. Trois semaines très exactement qu’il avait envoyé son message. Et trois semaines qu’il n’était sorti de chez lui que pour aller travailler, à quelques exceptions près.

CdL 3 : Emilien rencontre des autochtones, et cherche une lentille.

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Emilien programmait. Le silence de la salle où on avait eu la gentillesse de l’installer enveloppait confortablement le cliquetis de ses doigts sur le clavier, et il se détendit un peu. Le réveil avait été exactement ce à quoi il s’attendait. Après la sonnerie d’un vieux téléphone qui avait vibré plus que sonné et l’annonce d’une voix dont il n’avait pas su déterminer si elle était humaine ou automatique, la première sensation qui lui était parvenue était le goût de mort et de désolation – ainsi que celui des regrets des lendemains de beuverie sans âme, infiniment plus amer – qui envahissait sa bouche, suivi de peu par l’odeur de l’ancestrale poussière de sa chambre, guère plus guillerette dans la lumière blafarde du petit matin. Un fantôme de parfum de femme venait de temps en temps se mêler à sa déprime, et l’un dans l’autre, il avait décidé qu’il allait passer une mauvaise journée.

CdL 2 : Anne résout la question du rire des mouettes, et répond à côté.

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« Je pense nous acheter un Porsche Cayenne », Thierry avait lancé après le traditionnel petit silence post-ristretto satisfait de leurs débuts de samedi après-midi au Château d’Ouchy. « C’est pratique, c’est spacieux, c’est joli… » Il tentait de la convaincre en utilisant ce qu’il considérait sans doute comme « ses arguments à elle ». Il allait faire un petit discours gentil sur ce que sa future voiture de prestige allait amener à leur bien-être au quotidien, sur le fait qu’elle y trouverait forcément son compte, et tout ça. Perdue dans les yeux de son chéri, Anne décida de se laisser convaincre sans opposer une quelconque résistance, ce qui allait lui permettre de penser au fait que John Barry était mort dans la semaine, et à quel point elle appréciait les bandes originales des vieux James bond qu’elle regardait avec son Papa quand elle était petite.

CdL 1 : Emilien ne brille pas ce soir.

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La chambre était exiguë, sombre, et pas exactement idéale. Une commode ornait un coin, munie d’un cendrier propre, et d’un exemplaire typique de la littérature hôtelière. On y apprenait, au détour d’une série de retournements de situation que n’auraient pas reniés Chandler ou Ellroy, que l’hôtel était doté d’un accès internet gratuit, que l’équipe était tout entière dévouée au lecteur, et que dans le cas improbable où il manquerait quoi que ce fût pour faire du séjour une approximation encore plus précise d’un petit coin de paradis, il suffisait de composer le zéro sur le téléphone pour contacter la réception.

La chronique onirique de Page – Episode 50

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Une année de chroniques, c’est une année de désir. Désir de partager des instants, parfois brumeux, parfois terribles, parfois d’un surréalisme affirmé, parfois d’une banalité confortable. Désir de transmettre un message, le plus honnêtement possible. Désir de donner à penser, de se faire entendre, de rencontrer, au détour d’un message, des esprits. En vérité, pour ne pas trop se monter le bourrichon non plus, c’est avant tout un désir de raconter des bêtises et d’avoir une petite chance d’avoir des vrais gens qui les lisent. Ce n’est pas rien, mais ce n’est pas grand’ chose. L’un dans l’autre, tout ça nous a permis de construire non pas une chronique de Page, mais plusieurs Pages qui racontaient chacune leurs bêtises, à leur manière. Alors, histoire de terminer dignement cette petite année de thérapie non seulement écrite mais aussi – ce qui ne gâche rien – gratuite, rassemblons les différentes Pages de l’année pour un « au revoir » en bonne et due forme. Alors, avant que l’on se quitte, installez-vous confortablement, respirez profondément, et, une dernière fois avant 2011, laissez la Page vous emmener dans ses petits coins.

La chronique onirique de Page – Episode 49

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Marronnier, Subst. Masc. : C. − Au fig., JOURN. Article de circonstance publié traditionnellement à certaines dates. Comme dans tous les médias sérieux, il est l’heure de se livrer ici à un petit exercice qui fait la joie de celles et ceux qui n’ont d’exigences envers ce qu’illes lisent que la confortable répétition et la fainéantise intellectuelle : le bilan de l’année. Et puisque nous ne pouvons prétendre, nous non plus, à une once d’originalité, nous allons nous aussi nous vautrer dans ce glorieux exercice.

La chronique onirique de Page – Episode 48

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Cette semaine, nos sérendipités nous permettront de prendre des nouvelles de deux vieux amis, de nous féliciter des résultats fameux de la dernière enquête PISA (les jeunes en Suisse lisent mieux, une bonne nouvelle pour les gens qui écrvient des bêtises !), ainsi que de nous mettre en garde contre certains artisans locaux chez qui l’on aura tendance à trouver autre chose que ce qu’il est écrit sur leur devanture. Alors asseyez-vous confortablement, respirez profondément, et laissez la Page vous emmener dans ses petits coins.

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