La chronique onirique de Page – Episode 48

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Bienvenue dans ce petit coin de Toile. Mon nom est Page. Parce que parfois vous écrivez sur la page et, aujourd'hui, la Page écrit sur vous. Ceci est son domaine.

Cette semaine, nos sérendipités nous permettront de prendre des nouvelles de deux vieux amis, de nous féliciter des résultats fameux de la dernière enquête PISA (les jeunes en Suisse lisent mieux, une bonne nouvelle pour les gens qui écrvient des bêtises !), ainsi que de nous mettre en garde contre certains artisans locaux chez qui l’on aura tendance à trouver autre chose que ce qu’il est écrit sur leur devanture. Alors asseyez-vous confortablement, respirez profondément, et laissez la Page vous emmener dans ses petits coins.

Mangez du pain, camarades !

Dans un petit coin de votre bar préféré, un soir d’hiver.

-Alors, comment avance notre projet de voyage intersidéral ?
-Ca avance comme ça avance. Je te rappelle que ni toi, ni moi, n’avons vraiment le niveau pour faire avancer la Science.
-Bah je sais, on était encore à l’école en 2000, quand les enfants ne savaient pas lire. Ca n’aide pas forcément à inventer des fusées.
-Ne m’en parle pas. J’ai mis presque dix ans à savoir écrire knismolagnie
-Et on sait très précisément que c’est un mot qui t’est très utile dans la vie de tous les jours, sale pervers.
-Gausse-toi, gausse-toi, je m’en moque. Depuis que j’ai changé de boulangerie, je me sens éminemment plus calme et en phase avec moi même. J’ai vaincu mes névroses grâce à son pain. Il a du pain assez moche, mon artisan-boulanger préféré, et puis il est un peu cher, aussi, mais il procure une sensation étrange de bien-être. Je suis désormais… Oh, regarde, un bout d’aluminium par terre ! Trop cool !
-Euh… Oui ? Tu parlais de ton boulanger…
-Nan, mais regarde, je me vois dedans. T’as vu la classe ? Youhou ! Moi dans l’alu ! Tu vas voir, on va en faire, des choses, tous les deux !
-Tu me fais un peu peur, là.
-Mais non, mais non, je te dis. Je suis bien, je suis calme, je suis zen. C’est bon le pain. Tu crois qu’ils ont des cacahuètes, ici ? C’est bon, les cacahuètes. Y en a avec du wasabi dessus, c’est cool ! T’as vu maintenant qu’ici, en Suisse, on est moins mauvais en lecture et tout ? Cette enquête PISA, trop bien. PISA. P.I.S.A. C’est cool comme nom d’enquête. PPPPPIIIIISSSSSSAAAAAA. Héhé. PISA.
-Tu es sûr que ça va ?
-Oui, oui. Mangez du pain, camarades ! Hé, Madame, vous faites une tronche de dix mètres de long, vous devriez manger du pain. C’est trop bon, le pain.
-Mais arrête, tu vas nous faire virer !
-Pain ! Pain !
-Pour l’amour du Ciel, tais-toi donc.
-Pain !
-Mais assieds-toi, c’est pas possible.
-Pain..?
-Veux-tu bien cesser. Ou je m’en vais, je te préviens.
-Tu es un triste sire. Un bonnet de nuit. Un… Un contadin.
-Un contadin ?
-Un contadin, adj. et subst. masc : habitant de la campagne, paysan.
-Outre le fait que tu passes la moitié de ta vie dans mon salon au centre-ville, je ne vois ni le rapport, ni l’insulte.
-Il n’empêche. Tu es un contadin et un triste sire. Et tu ne veux même pas manger du bon pain aux graines de mon artisan-boulanger adoré. En plus, tu n’as même pas de cacahuètes au wasabi pour ton meilleur ami, et tu te moques toujours de moi.
-Attends une seconde, je crois comprendre… Ton boulanger, là, il s’est pas fait cambrioler récemment ?
-Bah euh… Si ?
-OK, tout s’explique. Quand tu y vas, il y a toujours quelqu’un ?
-Non, des fois, je dois frapper à la porte. Apparemment sa boutique est toute petite et tout, et puis il est tout seul, alors ça aide pas.
-Il me semble, mon cher, qu’on parle de ton « boulanger » dans tous les journaux en ce moment.
-Forcément, il est trop cool.
-Dieu du Ciel, il est bête comme les enfants de l’étude PISA 2000…
-PISA ! PIIIIIISSSSSSAAAAAA !
-Tais-toi donc ! Ton boulanger, d’une part il était pas boulanger, y a des tas d’artisans qui ne sont pas boulangers. Et d’autre part…
-Alors pourquoi il m’a quand même vendu du pain, ha !
-Et d’autre part, c’est un type qui avait transformé ses locaux en serre pour faire pousser des plantes qui font rire.
-Tu veux dire des passiflores, c’est vrai que c’est drôle, ces grosses fleurs rondes. Il est fleuriste, alors ?
-Non, bougre d’âne, il est pas fleuriste, il avait une plantation de Marie-Jeanne, le type, et les graines dans ton pain, c’est des graines de cannabis !
-Sérieux ?
-Sérieux.
-Alors je suis tout aussi névrosé qu’avant, je n’ai pas avancé dans ma tête, c’est juste que je suis stone depuis des semaines ?
-J’en ai bien peur.
-Ah.
-Mais tout va bientôt rentrer dans l’ordre, va.
-Je me disais aussi, la première fois que j’ai frappé chez lui, il m’a dit qu’il avait plus de pain, mais que je pouvais revenir le lendemain. J’ai même dû lui donner 20 balles en avance… Il avait un drôle de sourire de conspirateur. Je me suis dit qu’il me trouvait sympa et qu’il allait m’arranger un bon plan pour du bon pain pas cher.
-Ca arrive rarement dans les vraies boulangeries, ce genre de chose, tu sais.
-Maintenant que tu le dis… C’est juste que j’ai mis tellement de temps à déchiffrer « artisan » que je ne suis pas allé beaucoup plus loin, j’étais fatigué.
-L’école publique en Suisse en 2000… N’en dis pas plus, il m’est déjà arrivé la même chose.
-Ca va être compliqué si les jeunes d’aujourd’hui sont déjà meilleurs que nous, et qu’en plus nous on est stone.
-Peut-être que c’est grâce à eux qu’on partira dans l’espace.
-J’espère ! Oh regarde ! Un autre bout d’aluminium ! Allô ? Allô ? Mon reflet ? Tu m’entends ? Attention au pain qui rend fou !
-…

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