Posté devant la gare à côté de son vélo qui porte fièrement le drapeau éthiopien, il règle son mini DVD, où défilent des paysages ardents d’un lointain continent. Beaucoup de passants sont interloqués par ce petit bonhomme qui semble promouvoir une grande cause. Les gens regardent d’un air interrogateur ce vélo customisé aux roues parées d’images, suspendant quelques instants leur course vers le prochain train. Le train, Girmay Mesfin ne le prend pas. C’est à la force du mollet qu’il a parcouru les quelques 4800 km qui l’ont emmené jusqu’à Lausanne. Un exploit sportif, un besoin d’aventure, un voyage initiatique? Rien de tout ça. «Si j’ai entrepris ce voyage, c’est pour mettre en lumière les richesses de l’Ethiopie, son histoire, sa culture, sa vie sauvage. Les gens voient en ce pays uniquement la famine et la guerre, je veux leur faire découvrir les trésors cachés de l’Ethiopie.» Le cycliste se lance alors dans une énumération passionnée des atouts de sa terre natale : épargnée par la colonisation, 80 tribus, 200 dialectes, 8 sites inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco, lieu de découverte de l’australopithèque Lucy.
Et un peu comme dans «Lucy in the Sky with Diamonds», la chanson des Beatles qui a inspiré le surnom du fossile aux chercheurs, la mélodie de Girmay est bien balancée. Pour les conférences de presse, on imagine que la présentation est au poil, effectuée à l’aide de son petit projecteur, son DVD et son ordinateur. Pas de doutes, Girmay a déjà bourlingué, et il sait comment s’y prendre. La promo passe, car on sent que ce jeune homme de 29 ans, diplômé d’une école de tourisme, vit son projet avec passion. Et sans sponsors, pour éviter d’être redevable. Il y croit. Il a envie d’agir pour la bonne cause. En faisant découvrir les beautés de son pays, il entend bien y promouvoir l’écotourisme. Aux intéressés, il propose d’ailleurs des tours, entre safari et cyclotourisme.
S’il compte encourager les touristes européens à venir muscler leurs mollets en Ethiopie, il a aussi pour but d’offrir aux écoliers éthiopiens la possibilité de se déplacer à bicyclette. Ainsi, de la France à l’Allemagne, en passant par la Hollande, il a choisi de recueillir des vélos d’occasion, pour ensuite les envoyer en Ethiopie. «En Suisse, j’ai déjà réussi à récolter 200 vélos». Un record pour Girmay, qui est encore étonné d’avoir obtenu un nombre si important de deux roues. Coopératifs les suisses, et hospitaliers avec ça. «Beaucoup de gens m’avaient dit, ‘non la Suisse c’est froid, n’essaie pas’. Mais j’ai été hébergé à Berne, à Zürich, à Zofingen… Au total, près de 80% de mes nuits, je n’ai pas eu besoin de les passer dans une auberge.» Et tac, un cliché de brisé. A Lausanne, Girmay a été hébergé chez un couple, et une semaine au restaurant éthiopien le Nil Bleu (où il a dormi et mangé à l’œil, solidarité oblige). Même si «pour faire du vélo, c’est pas terrible», son séjour dans la capitale vaudoise aura été agréable.
Après quatre mois passés en Suisse, ce cycliste chevronné, adepte du Tour de France, partira ensuite pour l’Italie puis l’Espagne, avant de revenir à Paris, fermant la boucle de son périple européen d’une année et demi. En guise de souvenirs, il garde pour l’instant l’hospitalité et l’ouverture des gens. Il se dit même «choqué, hein», comme s’il n’en revenait toujours pas, lorsqu’à Zürich un magasin de vélo lui a offert une remorque. Depuis, le transport de ses 80kg de matériel est bien plus facile. De journées pluvieuses, en pentes raides, il ne garde pour l’instant aucun coup dur, aucune mésaventures. Et l’avenir ? L’avenir, Girmay le voit aux Etats-Unis, au Canada, en Australie, voire même au Japon. En pédalant. Toujours.
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Sugalove
J’admire vraiment cette personne et son périple! Je trouve fantatique que certain ose ce que d’autre rechigne.