Rien qu’une signature…

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Coup de gueule face au prosélytisme de certains récolteurs de signatures dans le cadre des initiatives populaires.

Ces événements se déroulent entre midi et une heure de l’après-midi. Je suis assis à la terrasse de la cafétéria de l’Université de Lausanne avec une bande de marlous dont les plus rebelles sussurent un clope pour mieux faire passer la piccata de poulet et les pommes mousseline. Une petite nana se pointe, papelard et stylo à la main, et entame un speech concerné sur les riches qui deviennent toujours plus riches et sur les pauvres qui crèvent sous les ponts mais ce monde s’en fout.  En bref, y’en a marre, fuck Bush, Sarko facho, c’est dégueulasse, et pour que ça le soit vachement moins, yaka être jeune, yaka être engagé et donc yaka parapher le merveilleux outil démocratique que constitue l’initiative populaire. Seulement voilà, moi, depuis plusieurs piccatas à la cafét’, j’en suis un peu revenu des martyrs de service qui portent le malheur du monde sur leurs épaules et veulent alléger leur fardeau avec un papier, et je m’en vais le lui expliquer.

J’en suis revenu grâce à un développement assez simple qui commence par le postulat suivant:  à cause des initiatives, je me retrouve assez souvent à voter pour des trucs dont je me tamponne les raisins modèle géant. Pas tout le temps, mais assez souvent, j’insiste là-dessus. En gros, j’ai beau me taper le message du Conseil Fédéral, les arguments et les contre-arguments, pour moi, ça se finit régulièrement par un “Bwoarf!” Jusque là, je ne crois pas être un cas isolé. Je ne pense pas que tous les gens que je croise dans la rue sont des super-héros au sens civique hyper aiguisé qui pèsent tous les enjeux, tous les pour et les contre, et tous les tenants et aboutissants du problème du BRUIT DES AVIONS DE COMBAT A REACTION DANS LES ZONES TOURISTIQUES avant leur vote final, pour reprendre un exemple qui m’a laissé échapper un petit “wow!” lors d’une précédente ouverture d’enveloppe. “Hey, Fred! T’es pour ou contre le bruit des avions de combat à réactions dans les zones touristiques, toi?” “Oh ben zut Jamy! J’adore les avions mais j’aime pas trop les bruits! Pffffff… Que faire?”  

Pourtant, ce qu’il faut lui expliquer à ce pauvre Fredo, tout démuni qu’il est devant sa case blanche, c’est que ce sont non pas un, non pas deux, non pas trois, mais bien cent miiiille pégus qu’il a fallu convaincre de signer l’initiative pour en arriver là. Alors, Jamy, comment on fait pour récolter cent-mille signatures sur un sujet aussi chiant? Et bien, c’est pas compliqué, on fait des petits stands sympas, on file des chocoly, on donne les arguments qui claquent en prétéritant les moins reluisant et surtout on va à l’Uni pour démarcher un max de jeunes au droit de vote tout frais qu’on va pouvoir aveuglément convaincre en utilisant un phrasé révolutionnaire ou en profitant du sentiment de culpabilité de ceux qui n’osent pas dire non, le tout dans une joyeuse ambiance de vente VRP sur le pas de la porte. Le développement se termine et montre toute sa vicelardise quand le pommeau qui a signé l’initiative et le type qui est emprunté, tout comme Fred, devant son bulletin de vote final se trouvent être une seule et même personne: toi.

Je me permets de citer ces personnes dont, à mon avis, on profite, puisque je suis moi-même passé par ces étapes avant d’arriver à dire que je me cognais de la plupart des initiatives qu’on me proposait. J’ai d’abord foncé tête baissée dans tous les plans alternatifs en posant des mortellement vides et dégueulasses: “Mais ouais, tellement vrai, mon gars!” Et fsschitt (bruit de la signature)! J’ai ensuite commencé à me poser la question de ce que je signais, mais il me fallait peu d’insistance de l’initiant pour craquer, finalement. Et refsschitt (re-bruit de la signature)! N’a-t-on pas tous écouté au moins deux fois les laïus des mecs de Greenpeace et consors à la gare avant d’apprendre à mystérieusement recevoir un appel à chacune de leurs apparitions? Enfin, pour les raisons citées plus haut, auxquelles je rajoute deux ans de droit constit’ qui m’ont fait comprendre, bien que n’ayant pas été une flèche en la matière, qu’un article de la constitution recèle beaucoup plus qu’un petit discours ou qu’une page A4 d’explications simplistes; pour ces raisons disais-je, je me suis dit que j’allais refuser de lui signer son machin, à cette miss. Alors je lui ai expliqué poliment que je ne maîtrisais pas le sujet et que de plus ça ne me touchait pas spécialement, désolé, merci. Ce qui devait arriver arriva, elle m’a regardé comme le mec chiant que je n’avais jamais oser être toutes ces fois ou j’ai accepté de signer, elle m’a filé la page A4 en disant qu’elle revenait et n’est jamais revenue.

Peu de morale à cette histoire à part un truc style: “Des fois, dans la vie, faut pas avoir peur d’être chiant”, mais bon, ça casse pas des briques. Je vais donc terminer en mentionnant que je me suis appliqué à décrire ironiquement certaines pratiques dans cet article, mais que mon but n’a bien évidemment jamais été de critiquer l’institution en elle-même, qui a plus que souvent débouché sur des changements nécessaires ou des contre-projets utiles. Je laisse le mot de la fin aux esprits les plus torturés de la Confédération en vous proposant un florilège des meilleures initiatives proposées à travers l’hstoire, toutes époques confondues, rejetées ou pas, contre-projetées ou pas, ayant abouti ou pas: “Pas d’hydravions sur les lacs suisses!”, “Pour une Suisse sans police fouineuse”,  “Pour la liberté de parole et la levée simultanée de l’interdiction du racisme” (pas assez de signatures, je vous rassure), “Pour l’élimination des excréments de chiens sur le domaine public”, “Les animaux ne sont pas des choses!”, “Contre le bruit des routes” (le combat des mecs, quoi…), “Interdiction des décorations”, “Suppression de l’heure d’été”. Les amateurs se rendront sur www.admin.ch pour continuer la quête.

Yann Marguet

Yann Marguet

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