Zoom sur la vidéosurveillance à Lausanne

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Récemment, l'initiative du parti Libéral-Radical « Pour renforcer la sécurité » a été acceptée à Renens. La ville installera 6 caméras de surveillance sur la place publique de la gare et dans d'autres lieux dits « sensibles », une actualité en résonance avec une généralisation du recours aux systèmes vidéos pour surveiller l’espace public. Le Bondyblog se questionne, qu'en est-il de la vidéosurveillance à Lausanne ?

Mercredi 06/07/2011 | Posté par Fiona – Photo CC freefotouk

Peut-être était-ce à cause des votations de Renens, peut-être un curieux hasard, mais depuis quelques semaines je remarque ces petites boîtes blanches et allongées dans certains endroits de Lausanne. Elles se trouvent, par exemple, devant l’Eglise St-François, le pavillon thaïlandais, ou le Mudac. Avec leur œil rond et noir, elles semblent me fixer, moi. Enfin peut-être. Après tout, ce sont elles qui voient, moi je ne sais pas ce qu’elles surveillent.

A l’heure de la révolution numérique, cette technologie qui redéfinit les règles du contrôle social est prônée par certains partis qui vantent ses avantages. Le premier serait surtout économique, car ces dispositifs techniques permettent de remplacer des effectifs de policiers humains par un disque dur stockant les allées et venues des potentiels délinquants.  Cette substitution opérée par la technologie modifie aussi la façon dont se comporte l’humain qui se sait observé par une caméra.

Ordinairement, un certain « ordre public » peut-être assuré par la co-présence, parfois, des citoyens et des forces de l’ordre dans l’espace public. Selon le géographe Jean Ruegg, spécialiste de la surveillance en milieu urbain, un jeu relationnel  du « voir et être vu » s’instaure entre les usagers de l’espace public. Celui-ci est propice à l’émergence d’une co-surveillance. Les usagers de l’espace public vont s’adapter aux règles et respecter des codes sociaux, car ils se savent observés par leurs pairs. La vidéosurveillance, elle, instaure une distance qui altère ce jeu du « voir et être vu » puisque l’opérateur humain ou automatique derrière la caméra « voit sans être vu ». Cette distance permet à l’organe de surveillance d’exercer un contrôle social sans être exposé aux citoyens. Les dérives d’un recours généralisé à un tel usage sont bien entendu nombreux.

A Lausanne la municipalité tente de résister à un usage excessif de la vidéosurveillance et ne souhaite pas développer son étendue. Cependant, le PLR lausannois veut installer des caméras sur des places que nous empruntons tous, à la Riponne, Bel-Air, Chauderon, la Gare, St-Laurent, etc. Le PLR avait dans ce but lancé l’année dernière une motion commune dans sept villes romandes (dont Lausanne et Renens) visant à promouvoir la pose de caméras, après avoir quadrillé certaines « zones sensibles ». A Renens, après un refus du conseil communal, le PLR a transformé avec succès sa motion en initiative communale, tout comme l’avait fait en 2008 la section UDC d’Yverdon. Le PLR aurait-il retenu les leçons de l’UDC en menant à son tour des initiatives sur le thème de la sécurité? Cette ligne politique ne serait-elle pas en contradiction avec certaines « valeurs » scandées par ce parti qui déplore sur son site internet que « la liberté individuelle, la responsabilité et la solidarité perdent chaque jour davantage de terrain »? A méditer…

Une chose est sûre, le « soutien » du peuple à de telles initiatives est souvent au rendez-vous, lorsque ces derniers se donnent la peine d’aller voter.  Dans le cas de Renens, c’est le nombre spectaculaire de 26.81% d’habitants qui se sont déplacés pour se prononcer sur la question de la vidéosurveillance. Ce sujet est manifestement banalisé et peu attrayant, le débat étant déplacé de celui de la surveillance ou du traitement de nos données personnelles vers des questions déjà excessivement discutées de protection et de sécurité. Par exemple on ne parle plus de vidéosurveillance mais de  « vidéoprotection ».

En publiant au début de la guerre froide son roman d’anticipation 1984, George Orwelle avait-il raison?  Un régime totalitaire à la « Big Brother » est-il prévu pour demain? Dans son roman, Orwell pense que la surveillance généralisée est l’aboutissement d’un état totalitaire inspiré du soviétisme. Cependant, aujourd’hui il s’agit bien de notre société capitaliste, au crédo néo-libéral, qui prône ces techniques de surveillance. Des techniques dont ne fait qu’entre autres partie la vidéosurveillance. Car à cela nous pouvons ajouter les paiements par carte de crédit, la traçabilité des téléphones portables, les caméras à reconnaissance faciale dans les aéroports, les passeports biométriques, la carte à puce que les CFF prévoient pour demain…

Selon Jean Ruegg, nous accepterions inconditionnellement le contrôle car le refuser serait admettre que l’on a quelque chose à se reprocher. L’idée de conformisme social prime sur le sentiment d’être surveillé. Aux citoyens pourtant de décider s’ils veulent être acteurs ou spectateurs de leur politique communale en matière de vidéosurveillance. Le paradoxe étant qu’à force d’être passif et spectateur, le citoyen risque de devenir l’acteur d’un rôle codifié et surveillé sur des écrans plats.

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