War on Mumbai

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Les attentats de Bombay vécus par notre bloggeuse. Récit de ses pérégrinations indiennes, à la frontière du Pakistan.

Les klaxons n’ont pas interrompu leur opéra dissonant, les motos, rickshaws, vaches et chiens n’ont pas cessé leur ballet tournoyant. Pourtant, l’Inde se réveille ce matin sous le choc des attentats. Il me faut cependant un coup de téléphone de la Suisse pour apprendre la nouvelle. Deux cents morts sont pour l’heure annoncés, des bombes au Sud, dans une gare, dans un train. A chaque minute, les chiffres se contredisent. Dans les ruelles d’Udaipur, je cherche en vain un journal ou une tv. Je tente de percevoir un changement d’ambiance, une inquiétude peut-être. Mais rien. Ce matin, alors que l’hôtel taj de Mumbai est en pleine prise d’otage, à plusieurs centaines de kilomètres, la vie indienne se poursuit.

Quelques heures plus tard, l’info est desormais sur toutes les lèvres. A l’hôtel, le réceptionniste me demande si j’ai entendu les nouvelles en m’expliquant son désespoir face à de tels événements. Après un biryani de légumes et quelques nans, seule à la table d’un resto déserté, le serveur m’aborde. Béret de commando sur la tête, il entame la discussion sur le sujet du jour. Sa crainte, me confie-t-il, se porte surtout sur le tourisme, activité si cher à ce pays chaotique. “ Aujourd hui, nous sommes pauvres, alors imaginez si les touristes ne viennent plus.”

Mon repas terminé, je le suis pour regarder la télé avec toute la famille des tenanciers du resto. Entourée des enfants, des cousins, et du père, je regarde les images de Mumbai defilant devant mes yeux. Une explosion à l’hôtel taj, le feu se poursuit, l’assaut continue, vingt policiers tués. Des envoyés spéciaux font le point sur une moitié de l’écran pendant que l’autre diffuse en live le symbole de la grandeur de l’ancienne Bombay s’envoler en fumée. Mes camarades indiens semblent hypnotisés par ces images pourtant redondantes. “Un homme, sa femme et ses deux enfants sont morts” me dit, consterné, le fils du patron. “C’est horrible, le pays est en deuil”.

Sur la télévision indienne, le gros titre permanent WAR ON MUMBAI donne le ton. En dessous, des sms d’auditeurs défilent sans interruption. Le peuple en appelle au changement, certains crient leur colère envers les politiciens, d’autres implorent simplement un retour au calme. Pendant que la police d’élite poursuit son assaut dans un des hôtels les plus luxueux du monde, la tv diffuse des scènes portant sur les corps des policiers déjà tombés. Des bribes de la vie du chef de la police antiterroriste tout juste abattu sont racontées. La veuve en larmes est filmée. Puis, flashback rapide sur l’image d’un homme, un des terroristes, avec pour sous-titre: “Face of terror”. La tv indienne n’oublie pas le sensationnalisme.

J’interromps mes partenaires de tv pour les questionner sur les risques ici au Rajastan, Etat où les musulmans se font nombreux: ”Aucun”, me lance immédiatement le serveur au béret en ajoutant tout de même que le plus célèbre palais d’Udaipur transformé en hôtel de luxe et appartenant au même groupe que le taj aurait renforcé sa sécurité. Il y a six mois, au coeur de cet Etat proche du Pakistan, des attentats semaient tout de même la mort dans deux villes. A quelques 50 kilomètres du Pakistan, Udaipur, la cité majestueuse, star d’un James Bond des années 70, s’endort une nuit de plus dans le vacarme en espérant que cette excitation demeure à jamais celle des coups de klaxons si chers aux Indiens.

Pascale Burnier, Udaipur

Pascale

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