Université de Lausanne: quand l’addition se fait salée, le repas se fait amer

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Sous les feux des projecteurs, elle se la joue starlette du JT, fait les gros titres des quotidiens, se lit sur bon nombre de lèvres et se travestit en cauchemar, sans même attendre l'heure du coucher. Oui, la CRISE s’affiche partout. D'ailleurs, l'Université de Lausanne semble être tendance puisqu'elle a, elle aussi, revêtu le manteau automne-hiver, couleur grisaille financière. Voyez plutôt...

Chacun a pu constater, en ce début d’année académique, qu’une crise insidieuse arpente couloirs et auditoires, avance à pas feutrés jusque dans les cafet’ bondées d’étudiants et squatte les prix des repas du microcosme des Hautes Etudes. Explication caricaturale d’une non économiste rencontrée sur le parvis de l’Anthropole : « cherté du pétrole et des importations, augmentation des salaires, subprimes aux USA, et, au final, c’est le café et le plat de pâtes de bibi, durant la pause estudiantine, qui se voient taxer encore de “quelques” centimes ».

Cette hausse des prix n’a pas laissé indifférents les responsables de l’Unil. Vivement encouragé par le Département de la Formation et de la Jeunesse, le vice-recteur, Monsieur Dépraz, élabore alors un nouveau système de paiement. But affiché : répercuter le moins possible cette inévitable augmentation des coûts sur ces individus qui consacrent une bonne partie de leur temps à une activité non lucrative et tellement prenante : étudier. La mesure de la direction apparaît à priori pleine de bon sens, car elle vise à établir des prix différents pour les professeurs et les étudiants. Les premiers, très bien rémunérés, doivent donc davantage ouvrir leur porte-monnaie, pour satisfaire leur estomac, que les seconds dont la majorité n’a pas ou peu de revenus fixes. Belle initiative ! C’est dans ces moments-là que de pauvres utopistes osent rêver d’une Université solidaire et éclairée.

Campus Card : des avantages ? désavantages ?

Mais trêve de rêverie, tout se complique lorsque pour se nourrir à prix étudiant il faut payer avec sa Campus Card (carte d’étudiant) et donc la charger dans l’une des très rarissimes (cinq au total) bornes du site universitaire. Du coup, pour les jeunes qui n’auraient pas de liquidités sur eux, il s’agit tout d’abord de faire la file devant LE bancomat du bâtiment HEC. Puis une fois le(s) billet(s) en mains, il faut attendre sagement son tour pour atteindre la borne. A cette étape, il est nécessaire de croiser les doigts pour que la carte soit effectivement bien chargée, une fois la thune avalée par la machine. Dans le cas contraire, l’étudiant malchanceux devra envoyer un mail aux responsables de ces boîtes bouffeuses d’épargnes pour qu’ils remédient à cette défaillance technologique dans les jours qui suivent. Dans l’immédiat, s’il ne veut pas jeûner, il n’aura pas d’autres choix que de repasser par le bancomat ou de demander l’aumône à ses potes. Finalement, celui qui a réussi à remplir sa Campus Card, pourra aller gaiement s’acheter son repas, puis faire, une fois encore, la queue devant les caisses avant de pouvoir enfin grailler (enfin…si le temps est encore suffisant avant le début du cours).

Toute patience a des limites. La direction l’a bien compris. Alors, pour éviter aux jeunes de péter les plombs suite à ces longues attentes devant les “machines à recharger”, elle suggère de déposer directement une grande somme dans la carte campus (un minimum de 100 CHF.), ce qui, du coup, raréfie également les recharges hebdomadaires. Le problème de cette “ingénieuse” idée à la Crésus est qu’une large majorité d’étudiants ne veut ou ne peut pas bloquer 100 CHF.- . Lorsque le montant est bloqué, c’est une lapalissade, il ne peut pas être utilisé pour d’autres prestations, donc, en fait, l’argent est versé à l’université avant même d’avoir acheté et consommé les repas qu’elle nous propose. De plus, ayant “étonnamment”  une vie en dehors de l’Unil, les étudiants ne peuvent pas payer leur ticket de métro, leurs livres chez Payot, leurs bières dans les bars lausannois ou leur produit à lessive, avec la Campus Card. C’est pourquoi, certains sont tout simplement forcés de passer à la fameuse borne chaque jour pour y placer les 20 ou 10 CHF.-. destinés à leur nourriture. En ne choisissant pas ce mode de paiement électronique, les étudiants doivent payer leur repas au même prix que celui de leurs professeurs…

Ce système “card”  agace aussi par son côté quelque peu discriminatoire. Il faut être étudiant de l’UNIL, pour charger sa carte et pour pouvoir bénéficier du prix plus avantageux. Les universitaires de l’EPFL ou ceux de l’Université de Genève ou de Neuchâtel en mobilité se voient contraints à taxer autant que les profs. Quelle arnaque! Du coup, ça coupe un peu l’appétit tout ça. Et tant pis pour les étudiants non universitaires qui viennent parfois travailler à la bibliothèque de l’uni avant de manger sur place : les lycéens par exemple, paient le prix “visiteur” un point c’est tout ! En fait, ils doivent débourser plus qu’un prof d’université… L’indigestion guette.

Filer doux et faire la file ou simplement choisir sa file

La résistance à la nouveauté Campus Card était galopante au début, mais s’est vite essoufflée. Malgré les actions de la FAE (Fédération des Associations d’EtudiantEs), telles que des tentatives de dialogues avec les représentants de la direction ainsi que la récolte en quelques heures de 2’000 signatures pour signaler le mécontentement face à ce système inégalitaire, rien n’a vraiment changé. Les étudiants grincent des dents, mais rares sont ceux qui montrent les crocs. Beaucoup se contentent de filer doux même quand on les caresse à rebrousse-poil. L’agitation et les péroraisons priment sur l’action. Le boycott n’est pas envisagé, du moins pour l’instant, puisqu’il faudrait motiver des milliers de personnes à ne plus manger dans les cafétérias à prix différenciés. Celles-ci sont d’ailleurs gérées quasi-exclusivement par un même restaurateur. Lui peut avoir la banane car sa « petite entreprise ne connaît pas la crise ». Pendant ce temps, bien des universitaires rient jaune en mangeant leur pain gris.
 
Il est encore possible d’échapper à ce système de paiement farfelu, en choisissant, par exemple, de se sustenter toute l’année avec des sandwiches à Zélig, (le bar tranquille de l’unil géré par des étudiants), ou des pâtes et des salades à Méditerranée, (petit snack universitaire sympa). Mais le bruit court que la manière de fonctionner de ces “ravitailleurs” est peut-être en danger. Ici comme ailleurs, la tendance est à la “ mondialisation ”. Alors, au pire, il faudra prendre son pique-nique depuis la maison et tenter de réchauffer nos plats dans les quatre micro-ondes à disposition pour environ 12000 personnes. Là encore, le risque de la file n’est pas à exclure! De toute façon, on a l’habitude maintenant, non?

Florence Métrailler

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Florence

2 Responses

  1. Avatar
    Blond'As
    | Répondre

    Trop juste cet article, en plus j’adore vraiment ta manière d’écrire, tu as l’art de manier la plume (ou le clavier ). Sérieusement je trouve que le sujet vaut la peine d’être abordé, d’autant plus que ce n’est pas seulement les prix différencié et l’obligation de payer avec la carte mais aussi l’augmentation de TOUS les prix…bon alors à quand le sitting devant la banane?

    • Avatar
      uneétudiante
      | Répondre

       …Sans compter que la Campus Card semble avoir des ratés, et pas des moindres: plusieurs étudiants se sont en effet plaints du fait qu’ils se sont fait débiter leur argent plus vite que leur ombre, d’où une grande question: les bornes sur lesquelles on pose nos porte-monnaies aux caisses sont-elles vraiment fiables?! Un système bien peu vérifiable, un sacré boxon pour les étudiants, bref, encore une fois tout a été fait pour nous rendre la vie plus simple!……

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