Une ville, des apps !

Une ville, des apps !

Les yeux levés au ciel, le regard sur la pointe des immeubles, un concept éculé. Fiction connectée expérimentale.

J’alterne les coups d’œil entre l’écran de mon téléphone et le sol juste pour savoir où je mets les pieds. Quoi de plus magnifique qu’une ville dont on s’échappe à coup d’apps ? S’échapper ou réunir le plus d’informations possible, je ne sais pas ce qui me fait le plus kiffer.

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Coucher de soleil, cathédrale et filtre Instagram.

07h00 : réveil. Premier clic, pour lancer RTSradio et m’abreuver des nouvelles locales et internationales. Après le journal, le bulletin météo. Pour plus de précisions sur le temps, je consulte MeteoSwiss qui m’informe des précipitations et de la température. Une fois prête, je combinerai cette information avec celle recueillie sur l’application des transports publics lausannois pour savoir si c’est à pieds ou en bus que je me rendrai à la station de métro la plus proche. Dommage que l’application des TL ne permettent pas de connaitre les temps prévus pour arriver au prochain arrêt, ni les correspondances… Je suis face à un degré d’incertitude presque inconfortable. Je me lance à pied, aucune envie de piétiner trop longtemps à l’arrêt de bus. Casque sur les oreilles, ma sélection de morceaux va m’entrainer sur ma route.

Métro, je me cale et change de flux auditif avec Stitcher, l’application qui me permet d’écouter mes podcasts anglo-saxons préférés. Je n’entends plus les arrêts qui s’égrènent à mesure que le métro monte. Des critiques new-yorkais parlent de cinéma et j’évite de regarder les visages blafards des passagers.   

08h30 : Time off, après métro, c’est boulot. On évite les égarements. Les quelques messages Whatsapp envoyés lors de la pause agacent déjà quelques-uns de mes collègues rétrogrades.

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Au bout des doigts…

17h50 : Reconnexion. Rebelotte sur la musique. Je reçois un message qui me donne rendez-vous dans un restaurant que je connais pas : Google Maps est une évidence pour m’y rendre, mais la clé du succès reste de lire avidement les commentaires des gourmets de TripAdvisor…  Je saurai ainsi à l’avance si je dois être déçue ou non, et n’aurai pas besoin de demander au serveur sa suggestion pour un plat. Pas possible de rater ce coucher de soleil sur la Cathédrale de Lausanne – je la prends en photo, j’instagrammerai plus tard. 

19h00 : Mon pote est en retard, vive internet ! J’ai désinstallé l’application Facebook parce qu’elle faisait fondre ma batterie – déjà faiblarde – trop vite. Rien ne m’empêche de checker ce qui se passe autour de moi grâce à mon navigateur web. Pour vraiment être locale, dépasser mon petit cocoon/réseau social, faudrait que j’aie installé l’application du 24 Heures ou de la Ville de Lausanne

22h00 : Après le souper, sur Google Play, j’essaie de trouver une app qui me permet de calculer le volume d’alcool que j’ai dans le sang avec ce que j’ai consommé.

00h00 et des poussières : Entre les taxis lausannois et Uber, j’hésite. Les deux applications permettent a priori d’être localisé et de voir son véhicule se rapprocher. Seule certitude, je veux pas traverser Lausanne à pied pour rentrer. Pendant la course, je feins d’être absorbée par mon écran – il me pète juste les yeux, mais mieux vaut être parée au cas où le chauffeur aurait une envie de dialoguer.

Je rentre, je le branche à sa prise, lui jette un dernier regard.


Sérieusement ? Elle a encore allumé l’écran au moins deux fois cette nuit… Pour « regarder l’heure », soi-disant. Elle se dessèche les yeux juste pour avoir son fixe de connexion. Déjà qu’elle me triture toute la journée, en tous lieux. Pas de patience : si une application démarre lentement, elle force sa fermeture. Elle change d’avis toutes les deux secondes, rafraîchit la page, m’éteint, me rallume. Un truc ne marche pas, redémarrage. A ce degré d’addiction, il faut que je sois rechargé deux fois par jour. Maintenant, j’ai même droit à ma batterie externe, au cas où l’interne flancherait au mauvais moment. Si seulement elle pouvait faire preuve d’un peu d’autodiscipline, tous les deux on en vivrait mieux. J’avais espoir qu’un jour elle comprenne qu’il ne suffisait pas seulement d’installer une app de méditation pour se détendre un peu. Je crois que je n’ai plus qu’un seul recours, m’éteindre définitivement. Ainsi, quelques jours durant, elle pourra profiter d’être vraiment là où elle est. Avant de se rendre dans un commerce de la place pour acheter mon successeur, plus performant. Quoique, avec tout ce qu’elle lit, elle doit bien savoir que le cobalt que j’ai dedans est extrait par des enfants.


NB: Ce billet est optimisé pour Android

Image à la une : CC_by Nicolas Nova sur Flickr.

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