Une ode aux femmes en 26 poèmes

Une ode aux femmes en 26 poèmes

Posté dans : Culture, Lausanno-lausannois 0
Florian Poupelin, ancien et regretté blogueur au Lausanne Bondy Blog, n'a heureusement pas posé la plume après son passage chez nous. Au contraire, il a depuis complété un recueil de poésie, d'une si belle qualité qu'il a pu convaincre les éditions du Madrier de publier l'ouvrage. Ayant appris cette affaire, j'ai décidé de lire le recueil puis de rencontrer Florian autour d'un verre pour en discuter.
La couverture du recueil (©2018, Lionel Hotz et Florian Poupelin)
La couverture du recueil (©2018, Lionel Hotz et Florian Poupelin)

D’Amer et d’Amour. C’est l’intitulé fort bien trouvé du recueil que j’ai le plaisir de vous présenter, et dont l’originalité ne s’arrête pas au titre. Il recèle en effet 26 poésies qui nous parlent de 26 femmes, une pour chaque lettre de l’alphabet. Des poésies toutes rédigées sur le même modèle : des vers qui riment, de neuf pieds chacun, et groupés dans une formation 2-4-4-4-4-2.

D’Amer et d’Amour : deux revers d’une même médaille

Mais quelle est donc l’origine d’une telle idée, cette idée d’écrire sur des femmes, et sur l’amour et parfois l’amertume qu’elle peuvent nous inspirer à nous autres pauvres hommes ? Tout d’abord de la souffrance née d’une douloureuse séparation, m’a expliqué Florian. C’est en effet noyé dans des douleurs de ce type, en 2013, que Florian a écrit le premier poème du recueil. Façon à lui de digérer, de cicatriser des plaies vives. Ce poème là a coulé plutôt facilement, car, Florian me l’a confirmé, rien de tel que des émotions fortes pour inspirer un poète, et les douleurs dues à une rupture sont parmi les plus fortes émotions possibles.

Ton terrible regard en poignard,

M’avouant qu’il était déjà trop tard. (1)

A ce premier poème souffreteux, Florian a eu cette remarquable idée de donner une descendance de 25 autres compositions, avec pour personnages d’autres femmes. Une forme poétique toujours reproduite à l’identique, pour un fond par contre très varié. Car Florian voulait aussi et surtout explorer l’autre revers de la médaille, tout le désir, toute l’admiration, toute l’affection que son cœur a pu ressentir pour des représentants du beau sexe. C’est en 2017 seulement, à l’occasion d’un grand tour du monde, qu’il a pu trouver le temps et l’énergie pour ce vaste projet.

Et peut-être de tes si doux yeux,

Lucie (©2018, Lionel Hotz)
Lucie (©2018, Lionel Hotz)

Suis-je sciemment tombé amoureux (2)

Des femmes connues, imaginées et célèbres

Le poète a donc écrit sur des femmes qu’il a lui-même connues dans sa vie. La toute première rencontrée fut sa mère bien-sûr… Annie, dont la première lettre du prénom est comme un clin d’œil du destin au projet de Florian, car le poème d’Annie, vous l’aurez compris, correspond à la lettre A et se trouve logiquement en première place du recueil. Plus loin, le poète parle aussi de sa sœur. Et bien-sûr d’autres femmes en dehors de son cercle familial, dont on devine qu’il a pu en tenir quelques unes dans ses bras.

Bien plus qu’une femme, tu es mère,

L’entière, la première et dernière. (3)

Florian n’exhibe pourtant pas ici, bêtement, son «tableau de chasse». Tout d’abord son admiration et son respect pour les êtres féminins qu’il a rencontrés sont entiers, et, comme déjà évoqué plus haut, il a lui-même sans doute autant souffert qu’elles des séparations ou des rendez-vous manqués, sinon plus. Ensuite, Florian a également tenu a élargir son propos de personnages tout à fait imaginaires. J’ai moi-même beaucoup apprécié les vers sous l’intitulé X.

Vous avalez l’amour pénétrant,

Faible chair des vulgaires écrans. (4)

Dans une dernière catégorie, Florian a voulu mentionner des femmes célèbres, des figures historiques (Zhan Zhixin), légendaires (Ondine) ou littéraires (Esmeralda). A ma demande, Florian m’a révélé que son poème qu’il estime le plus réussi et celui sur Rosa Parks, cette fameuse activiste ayant osé s’assoir sur un siège d’autobus réservé aux blancs en 1955 aux USA.

Et c’est ainsi, en une seconde,

Que tu redonnas espoir au monde. (5)

Wilhelmina (©2018, Lionel Hotz)
Wilhelmina (©2018, Lionel Hotz)

Un point de vue, une sensibilité toute personnelle à l’égard des femmes

Florian l’a à plusieurs reprises souligné durant notre entretien, les poésies qu’il a écrites expriment simplement son point de vue très subjectif. Mais en aucun cas des vérités qu’il croirait avoir comprises concernant les femmes, encore moins des vérités qu’il voudrait diffuser en paroles d’évangile. Il s’est d’ailleurs demandé par moment si sa démarche d’écrire sur le sexe opposé était légitime, s’il n’y avait pas de risque de faire montre là d’un brin de sexisme.

Personnellement, je crois que Florian a très bien su éviter cette ornière là, car ses vers sont non seulement respectueux, mais bien plus, représentent souvent un véritable hommage, sans non plus tomber dans l’idolâtrie excessive. Par ailleurs, des poèmes entiers sont consacrés à de grandes femmes, dont la féministe avant l’heure George Sand. Titillé par mes soins sur le sujet, très sensible, du féminisme qui trouve un nouvel élan depuis l’affaire Weinstein, Florian l’a admis : il a bien-sûr été impacté dans son écriture par tout cela, et il lui a paru naturel, non pas de défendre les femmes, ce qui serait encore faux venant d’un homme, mais au moins de leur donner leur juste place.

Aux femmes matées, tu as donné

La pleine idée de leur liberté (6)

Car pour Florian, pas de doute : les hommes et les femmes devraient être égaux en droit. Est-ce à dire qu’ils sont en tout point pareils, comme peut me semble-t-il le donner à penser certains discours actuellement ? Est-ce à dire que hommes et femmes ont tout à fait la même psychologie à la base, le même cerveau, et que les différences constatées ne résultent que du conditionnement de la société ? Là, Florian ne sait pas, ne sait plus. Il pense que le conditionnement joue certainement un rôle très important. Toutefois un être humain est fait non seulement d’un esprit mais aussi d’un corps, tous les deux étant en interaction l’un avec l’autre, et il n’ira donc pas jusqu’à affirmer l’unicité de l’esprit humain, qu’il soit homme ou femme.

Il me paraît néanmoins important de souligner que les hommes aussi ont des éléments à revendiquer, des anciens interdits à franchir. Et, sans le vouloir sûrement, Florian le fait dans ses poèmes. On sent en effet par endroits l’homme sensible, l’homme qui pleure, l’homme qui souffre et appelle à l’aide. Autant d’éléments interdits à nos aïeux masculins.

Esmeralda (©2018, Lionel Hotz)
Esmeralda (©2018, Lionel Hotz)

Et j’ai si peur, seul dans cette douche,

Que plus jamais tes mains ne me touchent (7)

Enfin, histoire d’éviter de tomber dans l’angélisme, Florian évoque aussi certains aspects sombres et terribles qu’il a pu découvrir en certaines femmes. Celles surtout qui deviennent trop conscientes de l’emprise qu’elles peuvent avoir sur les hommes, qu’elles peuvent à l’occasion vampiriser ; à ce titre se dégage notamment l’excellent poème Wilhelmina.

Ses crocs au creux de ton tendre cou

Tes yeux pulsant au flux de son pouls. (8)

Voir et entendre la poésie de Florian

Très peu habitué à lire de la poésie, j’ai réellement apprécié ce recueil, ces vers au sens tantôt limpide, tantôt plus mystérieux et laissant donc la place à la réflexion et à l’interprétation. Au delà de la pure signification des mots véhiculés par Florian, c’est parfois simplement le rythme, la sonorité des vers qui m’ont happés. Comme toute bonne poésie, celle de Florian s’appréciera donc d’autant mieux lue à haute voix.

Par ailleurs, en l’occurrence, la poésie peut aussi se voir, au travers de belles illustrations, toutes des images de femmes inspirées à l’illustrateur Lionel Hotz à la lecture des poèmes. On s’en rend déjà compte avec les quelques spécimens ci-dessus, ces images sont faites en des styles très variés et l’on peine à croire que toutes proviennent du même artiste !


Pour les intéressés

  • Vernissage du recueil D’Amer et d’Amour ce mercredi au Sémaphore dès 18h00 : possibilité d’admirer les illustrations originales de Lionel Hotz, possibilité aussi de se procurer un exemplaire du recueil. Ouvert au public, événement facebook par là.
  • Pour ceux qui n’auront pas la possibilité d’aller au vernissage, D’Amer et d’Amour sera disponible au minimum chez Payot place Pépinet à Lausanne lors de la rentrée littéraire en septembre, et peut-être en d’autres villes. Pour les impatients, possibilité aussi de se le procurer de main à main, en contactant Florian par ce biais : http://www.florianpoupelin.com/contact.html
  • Ne voyant pas très bien l’intérêt de la paraphrase, j’ai renoncé à reproduire ici une bio très détaillée sur Florian Poupelin. Sachez simplement qu’il en est à sa première publication d’un recueil poétique, mais qu’il s’est auparavant illustré dans la réalisation de courts métrages et de clips, dont certains ont obtenu des prix. Plus de détails sur son site internet.
  • Par ailleurs Florian a fait un passage de plusieurs années au Lausanne Bondy Blog, retrouvez tous ses articles ici. Il a même fait un petit retour sur notre blog il y a quelques semaines pour présenter la websérie diffusée sur la RTS #Seniors.
  • Le site web de l’illustrateur Lionel Hotz.

Citations tirées du recueil D’Amer et d’Amour

(1) Blanche, p. 18

(2) Nathalie, p. 61

(3) Annie, p. 15

(4) X, p. 96

(5) Rosa, p. 78

(6) Georges, p. 36

(7) Lucie, p. 56

(8) Wilhelmina , p. 93

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