TL: une bien triste réalité

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Petit post après un épisode plutôt révoltant dans le bus 18 Flon-Timonet

La convention des Nations Unies relative aux personnes handicapées est entrée en vigueur en mai 2008 et le comité y relatif s’est réuni pour sa première session en février 2009 à Genève. Bien que cette convention n’ait pas encore été ratifiée par la Suisse, notre Constitution interdit les discriminations notamment « du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique » ; elle s’efforce, à l’alinéa 3 du même article, de garantir l’égalité de traitement à l’égard des personnes handicapées par le biais des lois élaborées par notre Parlement. Cependant, en ce jeudi d’avril, preuve a à nouveau été faite que le droit a beau être (parfois) admirable, tant que les mentalités n’ont pas changé, rien ne bouge.

Jeudi matin. Il pleut, il fait gris, mais au moins le thermomètre n’est pas descendu en dessous de 14 degrés et donc il ne fait pas trop froid. Je sors du boulot, petit job d’étudiante, et ai eu ma dose de mépris pour aujourd’hui. Autant dire que la vente de services par téléphone n’est pas ce qui enchante le plus les patrons de PME… Enfin, midi a finalement sonné et il est temps de rentrer à la maison, de se préparer un petit dîner à manger devant la téloche en regardant Jean-Luc Reichmann poser la question-co, la question-quine, la question coquine ! à ses invités ma foi sans pudeur aucune. J’entre donc dans le bus 18 déjà réjouie de la suite de mon après-midi…

C’est quelques arrêts plus loin, à « Couchirard » plus précisément (c’est fou ce que les noms des arrêts de TL sont sexy…), que l’évènement s’est déroulé. Un vieux m’sieur en chaise roulante souhaitait monter à bord du bus, quoi de plus normal ? Eh bien ça n’est sûrement pas ce qu’a pensé le conducteur puisqu’en regardant dans son rétroviseur, sa première réaction a été de balancer un « Eeeeeh merde » sans équivoque. Comment ça merde ? Parce qu’on est déjà sur deux roues on n’a pas besoin de circuler en transports publics ? C’est une blague j’espère ? En réalité, ledit conducteur n’avait probablement jamais été confronté à la situation. Il lui fallait un « crochet » comme il le grognait, afin de déplier une petite rampe destinée à faciliter l’accès aux personnes handicapées. Or, ce crochet restait introuvable et le vieux m’sieur en chaise roulante de s’indigner « Ben quoi, z’allez me laisser là ??? »

C’est alors, tandis que le chauffeur s’affairait dans sa cabine, qu’une vague de solidarité citoyenne s’est manifestée autour de ce bon monsieur : une femme africaine s’est levée de son siège pour venir lui parler, un businessman en costard chic s’est levé et a proposé de le porter avec un autre homme et une autre personne à l’extérieur est allé chercher un tournevis pour pouvoir déplier cette fameuse rampe. La scène dura sept bonnes minutes et fut couronnée de succès puisque le m’sieur a finalement pu entrer : « tout est bien qui finit bien » …

Voir tous ces gens s’activer autour de cet homme a cependant fait naître en moi deux sentiments : la gratitude, car finalement ils avaient spontanément pris la décision de l’aider et non de faire comme s’ils n’avaient rien vu, comportement pourtant très prisé des groupes d’individus ; mais aussi beaucoup de déception quant à la médiocrité de l’adaptation des transports publics vis-à-vis des personnes handicapées. En effet, comment explique-t-on qu’en 2009 à Lausanne, ville qui se dit pourtant à l’écoute de tous ses citoyens, les chauffeurs de bus n’aient pas reçu de formation adéquate quant à ce genre de « cas » ? Je trouve inadmissible et surtout honteux de mettre une personne infirme, et donc déjà dans une condition peu valorisante, dans une situation si dégradante : à la merci des gens valides qui ont « bien voulu » lui rendre service…

Le trajet a ensuite été bien silencieux, moi qui pensais avoir été méprisée aujourd’hui, j’ai vraiment compris le sens du mot « relativiser ». Deux arrêts plus loin, une femme, en entrant dans le bus, n’a pas pris garde, malgré les avertissements du m’sieur, à ne pas marcher sur l’anse permettant de redéplier la rampe (le conducteur n’aurait-il pas pu simplement fermer cette porte quitte à, pour une fois, désavantager les autres ?) S’est-elle excusée ? Non, elle s’est contentée de rire. Gênée ? Surtout inintéressée par la situation…

Je suis descendue avant le m’sieur. Franchement dégoûtée. J’espère qu’il a pu sortir du bus sans encombres et l’encourage vivement à adresser une lettre incendiaire aux TL afin de se plaindre de ce très désagréable évènement. Et finalement, en tant que « valide », je m’excuse envers toutes les personnes handicapées pour le manque d’attention dont certains d’entre nous peuvent témoigner à ceux qui n’ont pas été épargnés…

Laurinda Konde

Laurinda Konde

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