Si la barbe donnait la science, les chèvres seraient toutes docteurs…

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…Ou pourquoi le poil est une affaire sérieuse et comment le refus du bouc a pu me mener chez de vieilles biques.

A la puberté, en plus d’une mue incontrôlable et d’une excitabilité telle que la vue d’un mannequin en plastique dans une vitrine de vêtements est source d’émotions, le jeune homme découvre fièrement que sa lèvre supérieure et son menton se couvrent d’une fine pilosité. Pour peu que Dame nature soit généreuse et que le jeune homme se soigne l’acné, cette expression de la virilité va rapidement amener avec elle une nouvelle corvée : l’entretien de la barbe.

Hormis quelques beatniks, pasteurs ou paysans fribourgeois, la majorité des hommes se refusent avec raison à porter le collier. Et bien que la technologie des lames jetables vendues à coup de millions par un mari adultérin et un joueur de hand qui joue au foot facilite l’éradication de ces tiges pilaires, en ce qui me concerne, se raser reste une obligation ennuyeuse.

C’est pourquoi depuis quelques années, je ne manque pas une occasion de me faire raser la couenne par un barbier : profession encore exercée par quelques vieux Messieurs qui, dans la région lausannoise, se comptent sur les doigts d’une main de lépreux. Habituellement, je vais chez mon vieux coiffeur pour hommes qui a la politesse de ne pas parler à ses clients, à l’opposé de la traditionnelle logorrhée de la profession.

Le rituel est toujours le même. Prendre place dans le fauteuil basculé à l’horizontal. Puis, bien savonner pendant quelques minutes : « une barbe étuvée est à demi rasée ». Ensuite, le rasage et le bruit du « coupe-choux » défricheur de poils. Enfin, l’opération s’achève par l’application d’une serviette chaude sur le visage, suivi d’un rafraichissant après-rasage.

Raser est un art et se faire raser implique d’avoir une confiance absolue dans son barbier car le rasoir à main est un instrument redoutable. J’ai goûté à cet art en Europe, aux États-Unis et au Japon : seule la surface à raser diffère. Par exemple, chez les phanérophobes nippons, le service inclut l’espace entre les sourcils, le duvet sous les yeux, sur le front et le lobe des oreilles.

C’est donc avec ma passion du rasage à l’ancienne, et pour la gloire du LBB, que j’ai laissé pousser mon poil soyeux et bien brillant (j’ai été élevé au grand-air) pour l’abandonner chez le prétendu plus vieux barbier de Lausanne. En arrivant dans le salon avec ma barbe de trois jours et ma liste de questions, je ne me suis pas méfié de ces femmes trop maquillées, des écrans high-tech aux clips tapageurs crachant de la soupe à plein volume et surtout, de l’absence de vieux Monsieur. Je me suis quand même retrouvé à l’horizontal sur le fauteuil (étape 1) mais le traditionnel rituel du rasage s’est arrêté là. Pas de blaireau mais une bombe de mousse ; pas de coupe-choux mais un BIC® deux lames pour aisselles en friche… Au final, aucune différence notable avec ce que je peux faire moi-même dans ma salle de bain, excepté que j’ai payé 20.- pour 15 minutes et que je ne porte pas d’ongles french manucurés en résine contrairement à la coiffeuse.

L’expérience est donc un échec cuisant. Mais malgré cette mésaventure, je recommande à tout homme d’essayer le rasage à l’ancienne. C’est un plaisir aussi délectable qu’un grand cru à la bonne température, n’importe quel disque de Miles Davis ou une boîte-à-gants bien rangée. Il faut juste ne pas se tromper d’échoppe. Alors pour les amateurs, prenez rendez-vous avec Monsieur André Zurcher, rue de Crissier 2, Renens, vous ne serez pas déçu.

 

Crédit photo

 

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serge

2 Responses

  1. Avatar
    SamuelThétaz
    | Répondre

    Merci pour l’information, je ne manquerai pas d’essayer le rasage à la rue de Crissier.

    Je dois dire que M. Zurcher est également mon coiffeur, et qu’à chaque fois que je m’y rends, c’est un plaisir que d’être dans les mains de ce vieux monsieur portant chemise et cravate (où voit-on encore cela ?), qui manie le ciseau avec une précision d’horloger et qui, de surcroît, ne nous ennuie pas en nous demandant de raconter notre vie – ou pire, en nous déballant ses problèmes et en commentant la météo de la semaine.

  2. Avatar

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