Réflexion sur un jeudi soir (pas) comme les autres

Posté dans : Politique 1
Une manifestation "non-autorisée" contre les morts de l'Etat permet d'ouvrir la discussion sur des points importants concernant les mobilisations en Suisse.

Quelques jours seulement après la fameuse manifestation du 1er mai, Lausanne fut à nouveau le théâtre d’une mobilisation, cette fois-ci dans le but de s’exprimer contre les morts de l’Etat (le détenu Skender ainsi que le jeune homme abattu au volant d’une voiture volée.)* À contrario de celle du 1er mai qui ne fit que peu d’émoi dans nos chères contrées tant par son faible nombre de participants que par l’absence d’événements croustillants à se mettre sous la dent – la plume à choisir – pour les médias, la manifestation du jeudi 6 mai dernier fut un peu plus séduisante de ce point de vue-là pour les lecteurs et téléspectateurs avertis que vous êtes. En effet, à défaut de la comparer avec les récents et imposants rassemblements grecs ou autres G8 lémaniques, elle avait tout d’une manifestation suisse réussie: une vitre cassée (oui une seule), une surreprésentation policière, une paralysie du centre-ville qui dérange plus que n’émeut la population et enfin, bien entendu, une prise d’identité d’une majorité des manifestants (faut quand même y trouver une utilité pour les forces de police).

En passant outre certaines caractéristiques relativement insignifiantes, il peut être intéressant de se poser la question si un tel dispositif de police était réellement nécessaire? Jean-Philippe Pittet, porte-parole de la police lausannoise, explique, dans l’édition du 7 mai du 24 heures, que ” la question est légitime, mais on ne savait pas à quoi s’attendre” (24 Heures). Certes, mais lorsqu’a eu lieu quelques jours auparavant une manifestation du 1er mai réunissant si peu de monde, est-ce vraiment raisonnable de mobiliser à nouveau autant de policiers-robocops équipés de leur attirail de combat soutenu par une vingtaine de camions d’interventions? Je me le demande. De plus, on entend inlassablement que la police est en sous-effectif mais alors pourquoi rassembler un nombre si important de policiers pour un événement si minime alors que ces nombreux effectifs peuvent être utilisés à meilleur escient? J’imagine bien que les récents événements du G8 chez le voisin Evian et ses dommages collatéraux engendrés ici et là restent dans les mémoires des forces de l’ordre, cependant j’ai de la difficulté à comprendre une telle mobilisation des forces de police et non du peuple. Bien entendu, ce n’est pas comme si c’était une façon de faire inédite, néanmoins une telle démonstration de force laisse songeur.

En me rendant sur place au moment des faits, j’écoutais d’une oreille attentive les nombreux commentaires faits par les passants ce soir-là. Ils peuvent se résumer en grande majorité par des phrases telles que: “je trouve ce dispositif tout à fait justifié, qu’est-ce qu’ils ont encore à nous emmer*** avec leurs manifs!” ou bien “encore une manif?! Et en plus, on peut plus circuler en centre-ville”. Toutefois, certaines personnes n’étaient pas si indifférentes face à cette situation: “mais pourquoi réunir autant de policiers pour cette poignée de manifestants?” ou bien une connaissance participant à la manifestation: “où est la liberté d’expression en Suisse ? On autorise toutes les manifestations mobilisant des minorités mais lorsqu’on se mobilise contre les actions de l’Etat, celui-ci nous empêche d’exprimer quoi que ce soit ! C’est un signe d’Etat-policier”. Bien qu’il n’y ait aucune raison à jalouser les minorités (je reprends son terme), cette opinion évoque un thème important: celui de l’autorisation ou non à manifester. Comment cela se fait-il que des groupes ou des thèmes soient autorisés à se prononcer et d’autres non? Je ne vais pas tenter d’en débattre ici – par manque de connaissance du sujet – mais il est important de soulever cette question.

Finalement, cet étalage non-exhaustif de réactions peut permettre de relever une chose : la Suisse n’est vraiment pas un pays de mobilisation – cela, on en était plus ou moins convaincu. Cependant, il y a quand même une part de la population, bien que décroissante à mon sens, qui tente encore de se mobiliser. Pourquoi n’y a-t-il qu’une part si infime de la population qui ose exprimer ce qu’elle pense alors qu’une majorité grandissante critique la société actuelle – un coup d’œil dans le courrier des lecteurs d’un journal ne peut que confirmer cette impression – et reste immobile. Mais pourquoi tant d’apathie face à une réalité toujours plus décriée ? Encore une question ouverte que je laisse pour espérer pouvoir nourrir la réflexion de lecteurs potentiels.

* Afin d’aller plus loin dans l’objet de la manifestation du 6 mai : Mourir en manifestant – Répressions en démocratie. Le 9 novembre 1932 en perspective

Régis

  1. Avatar
    romuald
    | Répondre

    N’étant pas Lausannois ni même Suisse, j’ai dû chercher sur l’ami Google qui était ce fameux Skender dont il est question dans l’article.

    Je suis tombé sur une lettre d’un ancien directeur de prison, également membre de l’UDC Valais Romand…
    Comme je ne peux me contenter de cette version, j’en ai trouvé une autre sur le site Bakchich.

    Difficile en tout cas de déterminer si oui ou non il y a eu négligence du personnel pénitentiaire, complicité de l’Etat etc.

    Si la responsabilité de l’administration pénitentiaire est engagée, des têtes doivent tomber.

    Ce qui me choque par contre, c’est que dans les « morts de l’Etat » concernent également la mort de ce jeune homme abattu au volant d’un véhicule volé.
    Là encore, je ne sais de quoi il retourne, et je susi tombé sur cet article http://www.tsr.ch/info/suisse/1787988-les-proches-du-jeune-tue-sur-l-a1-crient-leur-douleur.html

    Je ne connais pas la législation suisse relative à l’utilisation des armes de service; et ne sais donc pas si la doctrine d’emploi des armes est cantonnée à la seule légitime défense, ou autorise à faire feu en direction d’un véhicule qui tenterait de forcer un barrage policier – comme ce fut le cas.

    Si l’ouverture du feu est légale, ce n’est pas avec une seule balle qu’un policier peut parvenir à stopper un véhicule lancé à toute allure; d’où les 7 bastos tirées.

    Un individu qui, à bord d’un véhicule volé, tente de forcer le barrage s’expose forçément à des risques que lui seul peut endosser.
    Le policier, auteur des coups de feu, doit être suspendu le temps de l’enquête, mais s’il s’avère qu’il a tiré dans un cadre légal, je ne vois franchement pas pourquoi l’Etat devrait être tenu responsable de la mort du casse-cou à l’attitude… suicidaire.

    Je comprends la douleur de la famille, mais à un moment, faut arrêter de défendre l’indéfendable surtout lorsqu’on lit (cf l’article de tsr.ch) que la mère éplorée déballe que son chérubin n’a rien fait de répréhensible…..

    Non non, voler une bagnole et tenter de forcer un barrage, cest d’une banalité !

    Au passage, le policier doit être un sacré tireur d’élite pour, selon la mère, avoir tiré à 7 reprises dans la tête de son fils, alors qu’il roulait à vive allure…..

    On a en France régulièrement des émeutes suite à ce genre de faits divers, à savoir des jeunes qui se tuent à bord d’engins à moteur divers (scooter, motos, véhicules etc) volés, alors que se trouve dans les parage la police.
    Une rumeur éclate comme quoi la police a tué le mineur et paf, émeute…

    – Woippy tout récemment : 3 mineurs sur une moto volée, de nuit, suivis et non poursuivis par la police municipale; la moto a chuté, l’un est mort et la rumeur a couru comme quoi la PM avait exprès percuté la moto.. Résultat, émeutes)

    – Romans sur Isère : un mineur a volé une décapotable un dimanche soir, pris en chasse par la brigade anti-criminalité, il percute un mur et meurt Le lendemain, sa mère et sa soeur hurlent « police assassin » sans même se demander ce que foutait leur fils et frère à 1h du mat un dimanche soir, veille de l’école

    – Aulnay sous Bois en 2007 : un jeune, sortant du trbunal pour enfants pour vol de scooter, vole l’après-midi une moto avec un pote. Ils vont sur Paris, molestent un quidam qui donne leur signalement. Pris en chasse par des motards de la police, ils roulent sur l périph pour rentrer sur Aulnay.
    A une bretelle de sortie, ils percutent un rail de sécurité et l’un tombe dans le coma. La rumeur a couru dans la cité qu’il habitait que les policiers ont poussé la moto contre la glissière de sécurité. Résultat, encore, émeutes…. 

    Etc etc……

    Et l’Etat devrait être considéré comme meurtrier dans ce genre d’affaires ??!

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