Quand une quinqua fume le kéké

Posté dans : Société 2
Au diable le vieil archétype du fumeur de joints, représentant une jeunesse un peu "loque aux dreadlocks" ! Transcendant catégories sociales et classes d'âge, la beuh trouve même ses adeptes chez des fonctionnaires quinquagénaires. Interview des plus stupéfiantes d’une grand-mère de 51 ans, professeure dans la région lausannoise.

Précoce, Marie-Jeanne* avait 13 ans lorsqu’elle a goûté son premier bédo en compagnie de ses frères. Rien de choquant pour elle, à la fin des années 60 « c’était presque normal de fumer ». D’ailleurs, tous ses amis, sans exception, étaient des amateurs de cannabis. Avec le temps va, tout ne s’en va pas. La cinquantaine aujourd’hui, mon interviewée prend encore du plaisir à tirer quelques lattes. Apparemment, cette maman et grand-maman n’est pas une exception, elle raconte connaître encore un bon nombre de personnes de sa génération restée en mode Marley. Selon elle, pas de quoi sauter au plafond, « un petit joint, c’est comme boire un verre de vin ». 

Pourtant, lors de notre conversation, cette Lausannoise établit une nette distinction entre lever le coude de façon excessive ou se rouler des cônes toute une soirée. Les grands buveurs auraient, selon elle, tendance à dire n’importe quoi, alors que les grands fumeurs resteraient sensés et ne deviendraient pas cons (comme les gens bourrés) mais « plus tranquilles ». L’hydratation aux distillés serait donc plus perverse que l’inhalation des fumées de chanvre(?).
 
Deux à trois joints hebdomadaires permettent à cette prof de décompresser après une longue journée ou, face à des petits tracas ou évènements quotidiens, de « voir les choses différemment ». Pas question d’avoir recours à ses cigarettes au THC n’importe quand, les week-ends et les soirées restent ses instants de prédilection. Pas d’herbe donc au saut du lit ou à la pause de midi, car pour Marie-Jeanne, fumer ne rime pas avec travailler, la concentration s’envolant quelque peu avec les volutes de fumée. Que les choses soient claires, les joints sont à inscrire dans la case loisir et à proscrire dans celle boulot ! Cette enseignante assure que pour son cas, la fumette reste bien une détente et non une dépendance : « Je peux partir deux semaines en camp avec mes élèves et je ne fume pas. D’ailleurs ça ne me manque même pas et je n’y pense pas du tout ». 

Prof et maman, Marie-Jeanne propose-t-elle à ses élèves quelques “petites pauses ” d’un genre bien particulier ? Partage-elle avec ses enfants des “moments détente ” ? 

Même si elle reconnaît qu’elle-même a commencé très tôt, mon interlocutrice est catégorique : les jeunes ne devraient pas fumer. Elle approuve l’interdiction du cannabis chez les ados comme moyen pour ne pas favoriser chez certain(e)s le risque de dépression voire de schizophrénie. Mais elle insiste surtout sur le fait que fumer et aller à l’école ou en apprentissage sont des choses assez inconciliables. A ses yeux, être laxiste vis-à-vis de la consommation du cannabis est risqué, surtout chez ces personnes (en herbe) sur le chemin professionnel. C’est pourquoi, dans ce sens, elle trouve positif que l’initiative populaire à ce sujet souhaite surveiller la jeunesse et sanctionner tout commerce ou consommation dans le périmètre de l’école. 

Quant à ses deux enfants, adultes aujourd’hui (28 et 24 ans), elle leur a toujours déconseillé de fumer le cannabis lorsqu’ils étaient mineurs, sans pour autant le leur interdire. Elle me confie que même si elle s’est fait un joint avec son fils très récemment, sa progéniture ne fume pas. Du moins, pas à sa connaissance… 

Avec son travail en milieu scolaire, Marie-Jeanne est, à sa grande déception, contrainte à ne pas cultiver. Une prof au balcon orné de plantes aux feuilles ciselées, ça ferait vite le tour de l’école et des histoires. Par chance, des amis habitant la région de la Gruyère, possèdent un terrain et un grand jardin où ils cultivent du chanvre pour… la beauté de la plante. Ses fournisseurs-potes ne fument pas, mais laissent Marie-Jeanne se servir pour ses besoins perso. En abordant l’initiative sur le chanvre, soumise en votation dimanche, mon interlocutrice souligne que si la majorité du peuple suisse vote OUI, la culture du cannabis pour son propre usage ne sera plus punissable. Un avantage selon elle, car « en cultivant soi-même on sait par la suite ce qu’on fume » et « [les consommateurs] auront sûrement un autre contact, peut-être meilleur, avec l’herbe qu’ils fument s’ils l’ont plantée eux-mêmes». 

Même si l’enseignante voit dans cette initiative plusieurs aspects positifs, elle n’imagine pas qu’elle sera acceptée par le peuple helvétique; contrairement à son propre avis, l’idée selon laquelle « fumer un joint est la première drogue avant l’héroïne » est fortement ancrée dans la population. Cependant, à entendre le discours de la prof, l’initiative sur le chanvre contient tout de même un bémol ou plutôt un paradoxe. Certes, grâce à l’édiction de réglementations au niveau de la culture, de la production et du commerce de cann’, elle mettrait fin au marché noir actuel. Toutefois, il ne faut pas se leurrer. Certaines personnes ne vont pas se contenter, comme le voudrait l’initiative,  d’une culture pour une consommation personnelle, mais risquent d’en faire leur fonds de commerce. Ce danger semble bien réel. Un « tourisme de l’herbe comme à Amsterdam ne serait peut-être pas à exclure… ». 

Pourtant, dimanche, Marie-Jeanne dira quand même: Yes we can…nabis! 

* prénom prédestiné 

Florence Métrailler

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Florence

2 Responses

  1. Avatar
    Candide
    | Répondre

    Stupéfiant l’interview!
    Vraiment, je suis sceptique  quand Marie-Jeanne prétend : “en cultivant soi-même, on sait par la suite ce qu’on fume et les consommateurs auront sûrement un autre contact, peut-être meilleur, avec l’herbe qu’ils fument s’ils l’ont plantée eux-mêmes”. (sic)
    Si on entend par là faire une culture bio, ok…c’est un avantage. Mais tous les amateurs de botanique n’ont pas les mêmes objectifs. Cette culture personnelle libre présente des désavantages certains pour les jeunes car elle permet d’augmenter la quantité consommée ainsi que le taux de THC.

    Les “fournisseurs-potes” de Marie-Jeanne cultivent pour …”la beauté de la plante”. Ce sont donc des fournisseurs-poètes…

  2. Avatar
    Safran
    | Répondre

    Marie-Jeanne, prénom prédestiné;
    Yes we can(nabis)

    Trop trop excellent! Bravo et big up miss Florence! 

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