Quand le porno se réinvente

Quand le porno se réinvente

Posté dans : Société 1
Big up aux programmateurs, les visions furent bien réelles.
Nyon. Samedi soir. Je me baladais sur l’avenue, le cœur ouvert à l’inconnu, j’avais envie de dire bonsoir à n’importe qui. N’importe qui et par pur hasard, ce fut la caissière du cinéma, il suffisait qu’elle m’apprivoise pour que je prenne un ticket. Le sésame en poche et la mélodie en moins, je me présentais dans la file d’attente encore mince quelques 30 minutes avant l’expérience collective. Le nom du film : Dirty Diaries. Le genre : pornographique.
Ainsi, il suffit donc d’organiser un festival du film intello pour que le porno attire la foule des grands jours. Vraiment, j’ai cru me retrouver à New York ou Paris dans les seventies pendant l’âge d’or du genre. Et attention, l’œuvre n’était pas confiné dans une salle de la taille du Zinéma. A vue de nez fouineur, il devait bien y avoir la moitié des habitants de Nyon. Certains n’ont même pas pu rentrer ! Encore plus déstabilisant, le profil sociologique de l’attroupement ne correspondait pas forcément à une cohorte d’hommes en rut. Dans la chaleur de l’attente, j’ai vu tous les âges, des anciens, des enfants (humour), des couples, des groupes d’hommes, un évêque (humour), de petites tribus féminines et des solistes intrigués.
Après m”être faufilé, je réussis à pénétrer dans la salle en bonne position. Je me place au fond de manière à bien voir l’écran et l’ensemble de la salle, au cas où. Mon voisin d’expérimentation est sympa mais ça reste un homme. La lumière fléchie, je me cramponne à mon siège, ca va commencer !
Quelques applaudissements. Une musique étrange met en alerte mes oreilles et je sens le kitsch montrer le bout de son nez. Mes craintes ne seront pas réalisées car la première scène est magistrale de montée en intensité et de sensualité. Du jamais vu à l’écran. Les deux protagonistes s’en sont données à cœur joie. Ils étaient beaux, sans fards et naturellement excitants. Pardonnez l’emploi de l’expression mais ce fut bandant à voir.
Dirty Diaries est plus qu’un long métrage, c’est une succession de douze courts métrages réalisés par des suédoises féministes. Tous les genres du genre, genrée ou non, ont été mis en scène. De l’exhibition dans le métro à la masturbation par téléphone en passant par les gros plans anatomistes, je constate que ces suédoises ont de l’imagination. Certaines scènes furent excitantes, d’autres dérangeantes, quelques une vraiment drôles et une ou deux très cinéma underground.
La scène la plus applaudie fut le film d’animation dildoman, particulièrement cocasse. Un homme se masturbe, des gouttes lui tombent dessus. Le plan s’élargit, c’est le vagin béant et géant d’une femme le responsable. Tout à coup, la main féminine s’empare du bonhomme devenu minuscule. Elle l’introduit dans son entrecuisse et le fait aller et venir. Les deux n’en peuvent plus, l’homme rend l’âme d’épuisement au moment précis ou la femme atteint son nirvana. La salle entière s’esclaffe.
Ces films distillent une large étendue visuelle des possibilités qu’offrent nos corps d’humains : des fellations goulues, du SM soft, des positions acrobatiques, des yeux de bronze en très gros plan, des cunnilingus très humides, des langues aimantées, des dildos en veux-tu en voilà, un fist-fucking exécuté avec amour, du catch lesbien et de la tendresse partagée. A ma grande surprise, le seul absent de marque fut le sperme. Pas une goutte “d’eau du pénis” n’a été visible à l’écran. En revanche, son alter-égo féminin, la cyprine, a coulé à flot, signe évident d’une volonté de défier et se détacher des poncifs habituels.
Le film se termina aussi bien qu’il avait commencé. Le court-métrage come together consistait à filmer en gros plan le visage de quelques filles en train de se masturber. A vrai dire, la scène semblait assez absurde. Les portraits nous renvoyaient notre propre image, qu’est ce qu’on peut avoir l’air ridicule quand on jouit ! N’est-ce-pas ?
Plus que nous interpeller, en nous humanisant, cette contribution collective est une ode à la liberté sexuelle et une démarche féminine et féministe innovante dans le monde du porn art.
Après tant d’émotions vécues, je ne cacherai pas que j’ai eu du mal à trouver le sommeil, seul, dans mon grand lit froid.

Loris

  1. Avatar
    yann_schrag
    | Répondre

    Bukowski serait fier de toi :))

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