Le samedi matin à Lausanne, hormis le marché et les embouteillages, un autre fléau parcourt les rues de la ville : le vieux. Pas le vieux beau aux tempes grisonnantes qui court après sa jeunesse passée non, je parle du vrai vieux. Celui qui marche lentement parce que ses jambes sont rongées par l’arthrite. Le vieux qui sent bizarre et qui a les cheveux mauves.
Mais méfiance car sous cet aspect improbable se cache un redoutable et pervers prédateur. Sinon comment expliquer pourquoi quelqu’un qui a toute la semaine pour faire les magasins attend le samedi matin pour quitter son 5 pièces à 450.- par mois aux murs noircis qui sent le renfermé ?
Une fois dans la nature, le vieux prend son temps puisque c’est tout ce qu’il lui reste. Et il est là, devant toi à la caisse quand tu ne penses qu’à vite en terminer avec ces maudites courses pour profiter enfin de ces deux jours d’accalmie et faire ces simples choses comme avoir une vie sociale ou amoureuse. Le problème c’est que le vieux paye TOUJOURS en pièces de 20 centimes. Il a le temps.
Pire encore, il est derrière toi et te mendie la permission de passer devant toi avec son panier qui semble peser une tonne mais qui ne contient qu’une boîte de biscottes et une demi-bouteille de rouge. Comment accepter une telle demande ? D’autant plus qu’elle est formulée avec l’horrible bruit de succion du vieux dentier trop grand de son épouse car, comme il n’y voit plus très bien, ce matin il s’est trompé de verre à dent.
Il y a aussi le vieux que nous appellerons « pâtissier », celui qui te grille discrètement la politesse dans la file d’attente et qui s’offusque autant que si tu l’avais traité de Nazi parce que tu as l’outrecuidance de lui faire remarquer que tu étais là avant lui alors que la pâtissière hurle à la ronde : « c’est à qui le tour ? ».
Tout ça en un samedi matin, ça te persuade définitivement que le vieux est nuisible. Et puis après tu te dis que ça ne donne pas envie d’y arriver, que ça ne doit pas être facile d’être aussi vieux, aussi longtemps et aussi seul.
Dans 25 ans, si je ne souffre pas trop de dégénérescence maculaire liée à l’âge, je relirai ce texte et je verrai bien où je me situe. Ce qui est certain c’est que je mettrai un point d’honneur à appliquer ces mots de Jacques Brel qui chantait :
Quand je serai vieux je serai insupportable
Sauf pour mon lit et mon maigre passé
Mon chien sera mort, ma barbe sera minable
Toutes mes morues m’auront laissé tomber
Jacques Brel
LA… LA… LA…
1967
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serge –
2 Responses
Martine_a_la_montagne
le muscat du dimanche ne les fait plus chanter alors que nous, bien que retraités des boites de nuit, on continue à se pochtronner peinard à domicile les we (pas trop non plus, faut éviter la dépression post-murge et il y a réunion lundi).
LOL
xxxxx
Martine
Martine_a_la_montagne
le muscat du dimanche ne les fait plus chanter alors que nous, bien que retraités des boites de nuit, on continue à se pochtronner peinard à domicile les we (pas trop non plus, faut éviter la dépression post-murge et il y a réunion lundi).
LOL
xxxxx
Martine