Pourquoi les Chinois font-ils du fric?

Posté dans : Rien à voir 2
Les communautés chinoises immigrées connaissent tendanciellement une réussite économique plus importante que les autres minorités ethniques. Parmi diverses façons d'expliquer le phénomène, le Lausanne Bondy Blog risque une interprétation sociologique.

A l’heure actuelle, le phénomène le plus significatif à l’échelle mondiale semble être la montée en puissance de la Chine, que beaucoup considèrent déjà comme la future régente du système capitaliste mondialisé.

En effet, depuis un petit moment, la Chine n’est pas seulement en Chine, mais partout : elle fait la une de tous les magazines, que ceux-ci traitent d’économie, de société, de culture, de gastronomie, de sport ou de sciences naturelles. Les produits d’usage courant autant que ceux dotés d’une forte plus-value technologique sont aujourd’hui de fabrication chinoise. Les restaurants et les épiceries spécialisées poussent dans les villes comme les champignons dans les bois, et viennent damer le pion des restaurateurs et commerçants autochtones. Les étudiants chinois infiltrent les meilleures universités, les sportifs chinois raflent les médailles, les baguettes viennent progressivement remplacer les archaïques couverts.

Tout le monde a les yeux rivés sur la Chine, avec un mélange de crainte et d’admiration, de stupeur et d’ingénue réjouissance. Si la pratique du tai-chi et l’art de la calligraphie nous paraissent des plus séduisants, la perspective de voir son chien mariné à la sauce soja nous semble plus effrayante.

Mais néanmoins, bon sang, comment se fait-il que la Chine soit à ce point omniprésente ? Comment font les Chinois pour connaître une telle croissance économique dans leur pays et, simultanément, une telle réussite dans les pays où ils émigrent ? Et comment réalisent-ils ce tour de force sans attirer l’ire de ceux-là mêmes qu’ils dépasseront bientôt ?

Une réponse à ces questions peut être trouvée dans les écrits de Richard Pottier, professeur en ethnologie à l’Université de Lille. En effet, selon ce dernier, la réussite économique des immigrants chinois n’est pas imputable au fait « qu’ils aiment le fric » ou « que ce sont des gens qui bossent dur », mais s’explique plutôt par le rôle central joué par leur famille.

La famille, en effet, est fondamentale car les réseaux d’entraide, au niveau communautaire, se constituent toujours sur la base des relations de parenté ou d’alliance. Lorsque l’insertion professionnelle s’effectue sur une base familiale, comme c’est souvent le cas lors des premières étapes de l’intégration, la famille constitue l’unité de production, de sorte que l’adaptation apparente à la société industrielle n’est, en réalité, que la reproduction d’une structure sociale traditionnelle.

Comme le dit Pottier, « [l]a discipline librement consentie au sein de l’entreprise familiale repose autant sur des liens affectifs que sur l’adhésion à des normes partagées, et la morale confucéenne, en développant le goût du travail, et le sens du sacrifice, est un principe de l’efficacité économique ».

La famille apparaît en définitive comme l’une des clés de la réussite ou des échecs des immigrés asiatiques. D’autres paramètres seraient, bien sûr, à prendre en compte, mais l’explication de Pottier a le mérite de ne pas essentialiser ou naturaliser des différences de comportement qui n’ont rien de génétique.

Articles similaires

Francis

2 Responses

  1. Avatar
    samuel
    | Répondre

     Peu de gens se rendent compte de la puissance croissante de la Chine et de la perte d’importance de l’Europe sur l’échiquier mondial. Il est pourtant clair que les choses ont énormément changé.
    La Chine possède la plus grande armée du monde (en terme de personnel) et le budget militaire chinois est le deuxième plus important après celui des Etats-Unis. Elle dispose de matières premières qu’elle pourrait du jour au lendemain décider d’exploiter seule… De plus, elle dispose d’une main d’oeuvre en quantité presque infinie et diablement efficace car en Chine la possibilité pour les travailleurs de faire ne serait-ce qu’une seule revendication sociale est nulle. En effet la répression est si terrible qu’elle décourage les plus audacieux. 
    On l’a vu à Copenhague puis encore récemment dans l’irrespect de principes économiques fondamentaux, la Chine n’en fait qu’à sa tête, consciente de son poids sur l’économie mondiale. La Chine se permet désormais de faire ce qui l’arrange sans trop se préoccuper des conséquences. 

    Quel poids avons-nous encore face à la Chine ? Nous sommes bien malgré nous victime de notre humanisme, nos libertés sont certes l’aboutissement d’un long combat mais elles nous empêchent aujourd’hui d’être compétitifs face à un géant sans scrupule. Quand les Français font la grève, le travailleur chinois ne s’arrête pas une seconde. Je ne veux en aucun cas revenir en arrière en ce qui concerne nos libertés, mais juste faire remarquer que l’on ne doit pas s’étonner de la différence d’efficacité et de rentabilité entre l’occident et la Chine.

    “Chacun son tour” auraient envie de dire certains…. personnellement je ne suis pas de cet avis.

    Je me suis un peu étalé et pourtant j’ai fortement résumé, mis à part cela ton article est intéressant!

  2. Avatar
    romuald
    | Répondre

    Très intéressant cet article, d’autant que je suis d’origine viet et que je retrouve ces valeurs que sont la famille, le travail.

    En ce qui concerne la Chine, j’avais un jour que les jeunes Chinois étaient animés par une sorte de national-confucianisme, le régime chinois voudrait prendre sa revanche sur l’Occident qui l’a fait plier, au milieu du XIXème siècle ?

    Comme il ne peut pas le faire militairement, malgré ses légions de millions d’hommes, il le fait économiquement.

    Ce qui est certain, c’est que la réussite des Chinois irrite ça et là.
    J’ai lu en parcourant des sites d’infos algériens que les entreprises chinoises commençaient à plier bagage de ce pays, à cause du racisme, des difficultés mises en place par le régime algérien.

    En Afrique, ils ne sont pas considérés comme des néo-colonisateurs car ne sont pas animés d’une mission civilisatrice; en revanche, des voix s’élèvent parce qu’ils se mettent à vendre à des prix compétitifs des objets artisanaux normalement produits localement. Ce qui forcément provoque une concurrence déloyale pour le petit commerce.

    Il y avait également eu des émeutes à Los Angeles (je ne sais pas s’il s’agissait de Chinois en fait, mais d’Asiat en tout cas), car d’autres étaient semble-t-il jaloux de leur réussite..

    Et sur Paris, près de 10.000 Chinois ont défilé au début de l’été dans le quartier Belleville de Paris, pour protester contre les agressions dont ils font l’objet depuis des années, sans que les autorités locales ne réagissent.
    Il faut dire qu’un paquet sont en situation clandestine, et ne peuvent évidemment porter plainte.
    Reste les autres, pas assez costauds face aux malabars qui les tabassent et les détroussent…

    Réussir provoque jalousie, haine.

    Bizarrement, la réussite des Chinois et leur capacité à s’adapter, s’implanter, prospérer me fait penser à celle des Juifs qui, eux aussi, ont participé au développement de l’Europe malgré les discriminations, la haine qu’ils subissaient (les rois de Pologne avaient accueillis les Juifs rejetés dans le reste de l’Europe; la Pologne a alors prospéré).

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.