Pourquoi l’UDC cartonne

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Le succès de l'Union démocratique du centre (UDC) est un modèle pour tous les partis populistes européens. Le Lausanne bondy blog tente de comprendre les raisons d'une telle réussite

Souvenez-vous, le 26 septembre 2004, le peuple suisse refusait en votation populaire d’accorder la naturalisation facilitée aux jeunes de la seconde génération d’immigrés (pour autant qu’ils aient un permis d’établissement et une scolarité en Suisse d’au moins cinq ans) ainsi que l’acquisition de la nationalité à la naissance pour la troisième génération. Plus près de nous, le 29 novembre 2009, le peuple et les cantons acceptaient l’initiative « contre les minarets » et exprimaient par-là même, de manière « préventive », le refus d’une quelconque islamisation de la société suisse.

Ces « victoires » de l’UDC sur le Conseil fédéral, le Parlement et la grande majorité de la classe politique, posent néanmoins quelques questions de fond quant à l’ombre que fait peser sur notre démocratie la force confirmée de ce courant. En effet, comment expliquer que nos concitoyens, fiers pour la plupart de vivre dans une Suisse multiculturelle, multiconfessionnelle et multilingue, adhérant aux notions de modernité politique et de démocratie, votent majoritairement pour un parti populiste qui brandit systématiquement l’étendard de la « préférence nationale », joue plus ou moins subtilement avec des sentiments racistes et stigmatise brutalement la différence ?

 
Le populisme révélateur d’une crise de la citoyenneté
 
Depuis que nous sommes rentrés dans le 21e siècle, force est de constater que les choses ne sont pas allées en s’améliorant : amplification des déséquilibres économiques au niveau mondial et des phénomènes migratoires, perte de pouvoir des Etats-nations, décalage des échelles politiques par rapport aux enjeux économiques, crises financières mondialisées, crise de la représentation politique et précarisation de l’Etat social.

Dans un tel monde, il n’est pas étonnant que les citoyens, inquiets pour leur propre souveraineté, trouvent un écho favorable à leurs doléances auprès des mouvements populistes. Plus précisément, les inquiétudes des citoyens se traduisent dans différentes thématiques, qui sont reprises et instrumentalisées par les partis populistes à des fins électoralistes.

Premièrement, il faut mentionner la crise de la légitimité politique, qui exprime la fracture existant entre la société et la classe politique traditionnelle. Cette crise de la représentation politique, qui résulte bien souvent de la complexification des questions de société, est habilement reprise et mise à profit par l’UDC qui dénonce la « classe politique » indifférente aux véritables problèmes du peuple.

Deuxièmement, l’on peut citer le thème de l’insécurité, qui articule trois types de préoccupations de prime abord hétérogènes : les inquiétudes socio-économiques (la peur de perdre son travail), les craintes liées aux thèmes de l’asile et de l’immigration, et l’insécurité civile traduite par un sentiment d’insécurité largement alimenté par la focalisation des médias sur les actes de violence et d’incivilité. La fusion de ces trois préoccupations dans le même sentiment de rancœur appelle ainsi légitimement le gouvernement d’une autorité forte telle que celle que prétend incarner l’UDC, autoproclamée « championne de la démocratie ».

Enfin, la thématique de l’identité, qui revient à proposer une priorité aux nationaux et à focaliser le mécontentement populaire sur l’immigration, accusée de précariser l’emploi des autochtones et de surcharger l’Etat-providence. Une illustration de ce constat peut être trouvée dans les amalgames effectués entre terrorisme et musulmans, qui créent un climat de méfiance et d’angoisse au détriment d’une communauté, en réalité multiple, dont on sous-entend qu’elle représente un danger pour l’Etat de droit.

Le 28 novembre prochain, l’initiative populaire « pour le renvoi des étrangers criminels » devrait, selon les prévisions actuelles, récolter l’assentiment de la majorité des votants. Ce constat, que d’aucuns pourraient légitimement trouver déplorable, l’est certainement à double titre. D’une part il témoigne du succès grandissant d’un parti qui utilise la démocratie directe comme machine électoraliste et réduit la complexité du réel à de simples dichotomies. D’autre part, il nous renseigne sur le degré de cohésion sociale qui règne au sein de notre société : la confiance envers autrui semble avoir laissé la place à la méfiance et la défiance, tandis que le catastrophisme vient supplanter l’idée positive de progrès.

 

Francis

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