Pour une tentative de trait d’union entre femmes et gynécologues

Pour une tentative de trait d’union entre femmes et gynécologues

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Au Lausanne Bondy Blog, on traite de sujets divers et variés, mais j’essaie depuis quelques temps de parler de santé sexuelle et de sexualité. Pas pour faire du clic, on est pas Konbini, mais bien parce qu’il y a un grand vide quand il s’agit de se renseigner et de s’exprimer sur le sujet. C’est ce qu’a constaté Angélick Schweizer, docteure en psychologie de la santé et première assistante à l’Université de Lausanne. Nous avons parlé de sa recherche lors d’un bref entretien.
Angélick Schweizer que nous avons consultée pour parler des consultations…

L’université trouve souvent sa place dans les médias, mais beaucoup de travaux publiés ne sont pas disponibles au grand public. C’est l’occasion de faire parler une chercheuse de son travail. Angélick Schweizer a étudié la psychologie à l’Université de Lausanne, en y faisant son bachelor, son master et sa thèse. Durant la réalisation de cette dernière, elle a aussi mis un pied dans la sexologie. Elle a d’ailleurs obtenu un certificat de formation continue universitaire (CAS) dans le domaine, même si elle a plus d’affinités pour des approches alternatives comme la sexothérapie ou sexocorporelle qui s’éloigne de la vision classique à la Masters et Johnson. Un des reproches fait à la sexologie est que la discipline se concentre sur les réactions physiologiques et laisse peu de place aux autres dimensions liées à la sexualité, comme la psychologie, l’intime…

L’intime ne trouve pas vraiment mieux sa place dans le cabinet d’un-e gynécologue. La thèse d’Angélick Schweizer, soutenue fin 2014, se concentre plus précisément sur la relation les gynécologues et les femmes qui se retrouvent dans  leurs cabinets. J’évite à dessein le terme « patiente », parce qu’on ne se rend pas chez le gynéco que lorsqu’on est malade, mais aussi lorsqu’on est bien portante. La thèse d’Angélick Schweizer se cantonne aux femmes cisgenres.

L’approche de la chercheuse s’intéresse à cette relation et aux attentes lors de la consultation. Si on y pense, la consultation chez le gynécologue se concentre sur la médecine sexuelle, et laisse de côté les autres questions de sexualité connexes. Pour illustrer la problématique, nous pouvons faire le parallèle suivant : après un dépistage positif d’une infection sexuellement transmissible (IST), un médicament va être prescrit, mais est-ce que la sexualité sera abordée ? La femme concernée se demande peut-être s’il possible d’avoir des rapports tant que l’infection n’est pas guérie, si elle peut avoir les mêmes pratiques qu’avant, si elle doit prendre des précautions particulières auprès de son partenaire, et lesquelles. Elle se demande peut-être aussi si elle peut se masturber, ou comment parler de l’IST à son partenaire.

La question se (re)pose : est-ce que c’est le-la gynécologue qui répondra à ces questions ? Et sinon, à qui s’adresser ?

Ton gynéco et toi, une grande passion ?

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Des profils qui ne matchent pas

Durant son doctorat, la psychologue a mené une enquête qualitative auprès de gynécologues romands puis auprès de femmes qui consultaient ce type de médecins. Ensuite, elle a récolté des données quantitatives via un questionnaire qui a obtenu plus de 400 réponses. Le premier constat est que les perceptions ne matchent pas : il existe une différence entre la sexualité biomédicale telle qu’enseignée aux médecins et la sexualité vécue en tant que femme. D’autre part, il y a un décalage dans le rôle attribué aux gynécologues. La majorité des gynécologues interrogé-e-s pensent qu’ils laissent l’ouverture à la discussion. Mais ils pensent aussi que ce n’est pas vraiment leur rôle d’aborder la sexualité et l’intime. Les femmes identifient pourtant leur gynécologue comme la personne qui devrait aussi pouvoir être à même de leur apporter un éclairage sur ces questions-là.

Si nous allons plus loin, la consultation gynécologique, considérée comme un passage obligé (et parfois désagréable) par beaucoup de femmes, est institutionnalisée. Ainsi, les consultations régulières pourraient être une occasion d’aborder la thématique de la sexualité pour celles qui le souhaitent. Dans un monde idéal, l’accès à un-e gynécologue permettrait aux femmes de poser toutes les questions qu’elles ont lors d’une même consultation : les « classiques biomédicales » et les questions de sexualité, sans devoir directement passer par un rendez-vous avec un autre spécialiste, comme un-e sexologue ou un-e conseiller-ère en santé sexuelle. Démarche supplémentaire qui engendre aussi des frais.

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Le masque du médecin, mesure d’hygiène ou d’omerta? (Image : CC_BY Kate Bunker)

Distiller à la racine

Du boulot, il y en a. D’abord, une prise de conscience de la part des gynécologues permettrait d’ouvrir la discussion. Angélick Schweizer travaille d’ailleurs à la mise en lumière de sa recherche sous forme de livre, en plus de présentations lors de conférences et congrès. La chercheuse pense qu’il faudrait pouvoir mieux former les médecins à la communication avec leurs patients, et donc les femmes qui se rendent en consultation gynécologique. Cela permettrait de travailler sur l’écoute ainsi que sur les biais normatifs que les médecins peuvent véhiculer de manière inconsciente dans les questions qu’ils posent ou celles qu’ils ne posent pas. A Lausanne, la Faculté de biologie et de médecine inclut déjà de telles notions dans le cursus qui forme les futurs médecins. D’autre part, une formation à une approche plus large de la sexualité pourrait permettre aux gynécologues d’aborder ces questions de manière plus naturelle. Pour l’instant, Angélick Schweizer a eu l’occasion d’intervenir dans le cadre des colloques de formation interne au Département de gynécologie obstétrique et génétique du CHUV, auprès d’une vingtaine de personnes.

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Parler parler parler

Au cœur du travail de l’universitaire, il y a un désir de remettre les questions de sexualité dans les mains du grand public et de créer des espaces d’expression autour de ce sujet. L’échange entre personnes concernées, accompagné d’expert-e-s, c’est le principe sur lequel se basent les «Cafés Papillomavirus», organisés au CHUV. Le but est de favoriser la prise de parole et l’accès à des informations correctes. Le prochain café aura lieu le mardi 29 août 2017, de 18h à 20h et concernera plus particulièrement la thématique de la vaccination contre le papillomavirus, plus d’informations sur le site du CHUV.


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