Pour Sévelin, c’est combien ?

Pour Sévelin, c’est combien ?

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Ou comment un quartier de Lausanne qui jusqu’à peu était classé sous « lépreux et insalubre » fait aujourd’hui mentir le prude protestantisme du canton après une mue spectaculaire.

Lôzane Bouge, comme disait la jeunesse en colère des années 1980. Alors que le centre-ville se bat depuis des années en déplaçant les dealers nocturnes de quartier en quartier, il est une autre partie de la capitale, plus bas, qui chaque soir se transforme, comme sous le charme d’un drôle de sort, je veux parler de Sévelin.

Pour y avoir travaillé de longues années, j’ai pu vivre de l’intérieur la longue mutation, identique à celle qu’a subi le Flon, une zone de friches industrielles se transformant avec l’arrivée d’entreprises, de compagnies de danse, de salles de concert, de logements, d’une Migros, de bars et même d’une succursale de gymnase.

Cette mixité a réussi à faire revivre le quartier en journée, mais c’est la nuit venue que le décor change. Comme un prolongement de la célèbre rue de Genève, les longues rues de Sévelin se garnissent d’une multitude de travailleuses du sexe. Et qui dit « offre » dit « demande », ce qui implique que cette escouade de chair à louer s’accompagne d’une quantité impressionnante de voitures qui fait rapidement ressembler les artères du quartier à l’autoroute de contournement de Lausanne aux heures de pointes.

Cette transformation diurne/nocturne, digne d’un sortilège de conte de fée, est saisissante. Il m’est souvent arrivé de me faire proposer, en sortant tard du travail, 50 francs pour une pipe ou 100 francs pour l’amour, tarif qui objectivement me semble encore aujourd’hui plutôt raisonnable.

Alors qu’en journée les « salarymen » côtoient des ados boutonneux à la voix douteuse,  la nuit venue, des mâles en manque d’affection tournent doucement dans leurs grosses berlines à la recherche d’un moment de détente à bon prix, au grand désespoir des riverains qui supportent plutôt mal les nuisances engendrées par ces parades « amoureuses ».

Chaque soir, la transformation opère et donne au quartier des allures d’hypermarché de la luxure jusqu’au petit matin qui ramène le calme et les valeurs protestantes qui font la pérennité de ce canton. Il semble néanmoins que cette bucolique situation ne survive pas à la vindicte des riverains et de la Ville qui a entrepris de remettre de l’ordre dans ce cheni puisque plus bas, sur la route de Genève, la Municipalité doit installer une borne pour bloquer l’accès aux véhicules. Cette mesure devrait probablement s’étendre avec le temps au reste du quartier.

D’ici là, il restera encore quelques traces, comme le prouve l’image qui illustre ce papier, confirmant que la nuit fut bonne…

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