Elevage en liberté

Sur notre trajet de la campagne neuchâteloise à la capitale vaudoise, un petit détour par les States s’impose. Vous imaginez bien que la société américaine de l’hyper sécurité a des idées bien arrêtées sur l’autonomie de ses chérubins. La déambulation des enfants est régulée Etat par Etat et de nombreux cas de dénonciation ont fait l’objet d’une attention médiatique. Un exemple ? Des voisins qui appellent la protection de la jeunesse, en anglais Child Protective Services (CPS), afin de mettre des parents sous surveillance parce qu’ils ont laissé leur fils de 10 ans et leur fille de 6 ans marcher seuls dans une “rue passante” pour rentrer chez eux. Le cas de Debra Harrell, qui a écopé d’une peine de prison pour avoir laissé sa fille de 9 ans jouer dans le parc adjacent au McDo dans lequel elle travaillait car elle n’avait pas trouvé de garde pour sa fille pendant son shift est également édifiant.
Les parents qui souhaitent incorporer l’autonomie à l’éducation de leur enfants se réunissent derrière la bannière “Free Range Kids”. Le mouvement a été lancé par la journaliste Lenore Skenazy en 2008 après que son article “Why I Let My 9-Year-Old Ride the Subway Alone” soit repris par plusieurs médias et lance un débat national. Bref, aux Etats-Unis, c’est à grand renfort d’histoires sordides d’enlèvement d’enfants qu’on est qualifié de mouton noir quand on élève pas son enfant en batterie.
Allez à l’école tout seul ?!

En Suisse, on est encore loin de l’hystérie étasunienne. Des instances reconnues comme la police ou Pro Juventute émettent des recommandations concernant le chemin de l’école de nos chères têtes blondes. A grand renfort de prévention routière, de baudriers jaunes ou oranges et de patrouilleurs scolaires, les petits apprennent à se débrouiller seuls sur la route.
Les patrouilleurs scolaires sont également des acteurs importants dans la sécurisation des trajets. Ce sont eux qui, aux abords des écoles, régulent la circulation autour des passages piétons, pour que les écoliers puissent traverser en toute sécurité. Back in the day, dans mon école primaire, c’était les élèves eux-mêmes, les plus grands, les plus forts, qui revêtaient la tenue jaune fluo pour faire les boss des passages piétons. A Lausanne, en 2015, ce sont des adultes qui sont employés par les communes ou, dans le cas d’écoles privées, par les écoles.
A l’école en Pédibus
Mais lorsque des vidéos intitulées “Kidnapping en 30 secondes” circulent sur la toile, difficile de garder son calme, même si les statistiques suisses montrent que les disparitions d’enfants sont

en baisse constante et qu’elles concernent principalement l’enlèvement par un parent qui ne respecte pas le droit de garde (les trois quarts des cas !).
A Lausanne, on fait donc dans le compromis à la Suisse pour répondre aux préoccupations des parents. Une solution intermédiaire – entre amener son gamin en Hummer dans la cour d’école et le laisser se nourrir de baies lors d’un voyage initiatique quotidien – est proposée : le convoi. Si, historiquement, les humains transportés en convois ne donnent pas toujours cher de leur vie terrestre, le quartier sous-gare a créé le Pédibus en 1999. Le concept ? Regrouper les enfants pour effectuer ensemble un parcours défini en direction de l’école, et ce sous la supervision de parents volontaires.
Ce qui a démarré en tant qu’initiative de voisinage ressemble maintenant à un grand réseau qui s’est propagé dans d’autres quartiers lausannois puis dans le reste de la Suisse, ville et campagne confondues. Sur le site de la Ville, on retrouve les 41 lignes de (pédi)bus, horaires compris, pour choisir le trajet le plus optimal. Ecolo, collaboratif, gratuit… la solution a de nombreux avantages, mais favorise-t-elle l’autonomie des enfants ? Finalement, ce n’est pas tant le clivage ville/campagne qui fait la différence et je ne saurai probablement jamais ce que cela veut dire de grandir en ville… C’est plutôt l’époque qui fait la part belle à la parano.

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