
Comme la plupart des gens qui sont entrés une fois dans la salle du Métropole, je suis toujours abasourdi par la beauté de son architecture et par l’aura prestigieuse qu’elle dégage. Que ce soit pour un concert d’électro, de rock, un opéra ou un spectacle de danse, je fais toujours en sorte de venir un peu en avance pour prendre le temps de parcourir son intérieur. Je savoure la descente des escaliers. Je jette toujours un coup d’œil dans le vide, par les ouvertures béantes qui forment sur plusieurs étages le centre du bâtiment. J’admire les différents niveaux du balcon et les ornements luminaires qui ponctuent les immenses murs. Cette salle respire le standing d’une autre époque, celle des années folles, celle des cheveux huilés et des jolies robes.

La salle du Métropole ouvre ses portes le 27 décembre 1931. Partie intégrante du projet de la Tour Bel-Air, son architecture flamboyante est dessinée par le lausannois Alphonse Laverrière, qui plus tard réalisera d’autres lieux emblématiques de la ville, comme le Tribunal Fédéral, la façade de la Gare, le Jardin Botanique, le parc de Valency ou encore le cimetière du Bois-de-Vaux. Initié en août 1930 par la Société Bel-Air Métropole, le projet de la Tour Bel-Air crée une polémique sans précédent à Lausanne, car avec ses 52 mètres de hauteur (depuis la Place Bel-Air, 68 mètres depuis la Rue de Genève), elle ferait de l’ombre à la Cathédrale ( ! ) et est considérée comme « une offense à la raison et au bon goût »*. Soutenue par de nombreux partisans, la construction de ce premier gratte-ciel suisse (19 étages et 13 ascenseurs) démarre néanmoins en novembre 1930 et s’achèvera un an et demi plus tard, pour accueillir des bureaux, des commerces, des logements et une salle de spectacle.

Dès son ouverture, cette dernière accueille des noms prestigieux, parmi lesquels Joséphine Baker, Louis Armstrong, la Scala de Milan, Maurice Chevalier ou Charles Trenet. Elle accueille également des conférences, des pièces de théâtre et parfois quelques films. En plus de sa programmation classieuse, le Grand Restaurant Métropole, brasserie-cabaret située dans le hall d’entrée, et le tea-room qui occupait les deux derniers étages de la Tour et offrait une vue imprenable sur le sud de la ville, le lac et les montagnes, font de la Salle du Métropole un lieu de prédilection pour la vie nocturne lausannoise, dès le début des années 1930 et jusqu’à la fin des années 1950.

C’est à cette période qu’elle se transforme en salle de cinéma. On y passe les plus grands succès du cinéma européen et américain et la foule se presse dans cette salle considérée comme la plus grande de Suisse Romande. Grande innovation pour l’époque, le Métropole est la première salle de Suisse à être équipée de l’Automatiket, un système américain qui distribue les billets directement dans les mains des spectateurs, de l’autre côté de la vitre du guichet. Le cinéma prospère de nombreuses années jusqu’en 1988, date à laquelle il ferme.

Durant quatre ans, sa façade sera condamnée par une palissade. En 1991, l’Association Musique Métropole empêche la transformation de la salle en un complexe multisalles et engage une réouverture en septembre 1992, grâce à son classement par le Conseil d’Etat Vaudois et par sa sous-location par le Béjart Ballet Lausanne. Puis en 1994, la Fondation Métropole est créée par la Ville de Lausanne et la salle est inscrite comme « bien culturel suisse d’importance nationale ». S’ensuivront trois années de rénovation, pour un budget total dépassant les neuf millions de francs suisses (la rénovation de la Tour débutera, elle, en 2011). La salle du Métropole est ainsi ré-inaugurée le 10 octobre 1996 et connaît depuis une période de succès, entre concerts, opéras, théâtre, danse et conférences. Opéra de Lausanne, Sinfonietta, Igokat, Béjart Ballet Lausanne, l’OCL, Air, Björk, Noir Désir, Alain Bashung ou encore The Wailers : les noms prestigieux s’enchaînent depuis 1996 et la réputation du Métropole grandit d’année en année et encore aujourd’hui.

Avec toute cette histoire et tous ces grands noms en tête, je ne peux m’empêcher de me sentir privilégié et impressionné par cette salle à chaque fois que je m’y rends, souvent pour des concerts qui feraient pâlir les Docks ou le D ! Club. Et quand je pense à cette salle qui devait être chaque soir quasi-pleine pour Apocalypse Now, 2001 : a space odyssey ou encore La Dolce Vita, je m’imagine voir ces films à cette époque dans une salle pareille et d’un coup la nostalgie d’un temps que je n’ai pas connu m’envahit.
Mardi prochain, nous remonterons par la Riponne, pour ensuite rejoindre la Rue Pierre-Viret et le Pont Bessières, et enfin arriver à l’Atlantic, un cinéma emblématique du quartier de la Caroline, victime de fermetures et réouvertures à répétitions.
* Editorial de La Gazette de Lausanne du 30 novembre 1930, par Georges Rigassi
Photos © Sylvie Bazzanella, Musée historique de Lausanne, Sedrik Nemeth et DR
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