Entre les photos jaunies et le feu de signalisation récupéré – qu’il peut encore même faire passer du vert au rouge – , la cave lui est toute entière dédiée. A ce petit bout de métro, né en 1877. Il faut dire que les trains l’ont toujours passionné. D’ailleurs, Jean-Luc Mouron, 58 ans, ne voyage que par le rail, le permis de voiture il n’en a jamais voulu. Normal, pour un gars qui était surnommé à l’époque : « le baron du rail ». Une époque où ce métro, surnommé la ficelle par les Lausannois, reliait Ouchy au Flon, à la faveur de ses 32km/h. Et où lui, Jean-Luc Mouron en était le conducteur. Son métro, comme il le dit en reprenant aussitôt, « pardon notre métro». Mégarde ou plutôt amour. Une liaison qui aura duré quinze ans. D’ailleurs, quand il en parle, il jette toujours un regard nostalgique vers elle. Cette ficelle, qu’il peut désormais contempler que sur papier. Photo accrochée au mur à côté de la table à manger.
– Est-ce que vous étiez présent en 2006, lorsque la ficelle a été mise hors d’usage ?
– J’ai arrêté le service en 2002, mais j’ai assisté à la fin de la ficelle. Je me souviens très bien, c’était le 22 janvier 2006. C’était vraiment de la tristesse. D’ailleurs, cette tristesse est encore présente aujourd’hui. On causait avec les collègues et on se disait que c’était la fin d’une époque. On était en quelque sorte des pionniers. Et puis, lorsque l’on voit ce que le métro est devenu ça prend aux tripes. Dimanche passé, je suis allé voir mon métro, notre métro, à Châtillens. C’est malheureux de constater une fin comme ça, dire qu’il va peut-être finir à la casse.
– Comment caractérisez-vous votre travail à l’époque de la ficelle, notamment le contact avec les voyageurs?
– Mon travail, j’étais à fond dedans. On connaissait les voyageurs, on discutait avec les gens. Il y avait un contact qui s’installait entre le conducteur et les passagers. Les jours de marché, durant le trajet entre la gare et le Flon, les personnes nous offraient des fruits, des branches de chocolat. Le conducteur était respecté et c’était une ambiance familiale. Et puis, avec les collègues, on passait vraiment des bons moments. On se lançait tout le temps des vannes. D’ailleurs, on se revoit souvent, on parle du métro, de l’ancien, du nouveau, car c’est notre boulot.
– Concernant le M2, que pensez-vous de l’entière automatisation?
– Cela ne me plait pas. A mon avis, il faut toujours une présence humaine dans un véhicule, du point de vue de la sécurité et du roulement. Par exemple, avant, avec un conducteur, s’il y avait un problème on pouvait savoir directement d’où il provenait. Maintenant, la résolution du problème pourra être plus distante et on va perdre le contact avec la clientèle. Comme en été, lorsqu’en périodes touristiques, notre rôle consistait aussi à renseigner et à aiguiller les voyageurs.
– La semaine prochaine, allez-vous prendre part à l’inauguration du M2 ?
– Sincèrement ? Non, je ne pense pas. Je n’ai pas trop envie d’y aller. Ou alors, je prendrais le métro à la Riponne, car je ne ferais pas le trajet du Flon à Ouchy. Cela n’irait pas, je suis trop nostalgique.
– Ce trajet, est-ce que vous le referez tout de même un jour avec le M2 ?
– Je le ferai, mais en tout cas pas tout de suite. Je vais attendre un bon moment.
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2 Responses
bruno
Bonjour!
Lausanne bouillonne, se transforme et nous vivons un moment certes “historique” avec l’arrivée en trombes du M2. Mais j’apprécie justement que ce soit l’occasion de prendre de temps en temps le contre-pied des évènements pour s’arrêter un instant et donner la parole à ceux qui ont participé à des bouts d’histoire et surtout à ce bout de “ficelle”!
Bravo pour le Lausanne Bondy Blog: un regard neuf sur notre ville!
speedy
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