Même fermée, la Blatte est pleine de vie

Même fermée, la Blatte est pleine de vie

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La Blatte a fermé il y a plus d'un an et demi, mais une association d'amoureux de l'esprit du lieu veut la faire revivre. Comme son homonyme à 6 pattes, la Blatte résiste plutôt bien et ne veut pas disparaître de sitôt. Rencontre avec de la vermine fort sympathique
La blatte en vadrouille (source : page Facebook de la Blatte)
La blatte en vadrouille (source : page Facebook de la Blatte)

La Blatte (ou le Blatte Bar), vous l’avez peut-être connue, était située sur le Boulevard de Grancy et était appréciée pour son ambiance un peu punk, ses boissons bon marché et bien tassées et son style pas franchement conformiste. Je n’ai pas eu personnellement l’occasion de m’y rendre, mais c’est en tout cas ainsi qu’on me l’a vantée. Une année après sa fermeture, on entend à nouveau parler d’elle : une association portant son nom tente de rouvrir la Blatte à la place de l’ancien Pianissimo (Rue des Deux-Marchés 11, à côté de la Couronne d’Or) et a lancé un projet de financement participatif sur we make it (cousin suisse de Kickstarter, Ulule et consorts). Après avoir demandé 5000.-, ils obtiennent finalement près du double ! J’ai donc souhaité rencontrer les acteurs de cette association pour savoir d’où vient la Blatte et surtout… QUAND elle va réouvrir. Romain et Benjamin, membres du comité, ont accepté de répondre à mes questions.

LBB : Bon alors c’est pour quand la réouverture ?
Romain :
On a pas de date précise, on a envoyé le dossier de mise à l’enquête à la ville en janvier, et il faut attendre entre 8 mois et une année pour avoir une réponse. Et ensuite il y aura environ 3 mois de travaux. Donc on pense avoir la décision vers novembre ou décembre et ouvrir vers le début du printemps.
Benjamin : On a du soutien du propriétaire qui est la coopérative Tunnel-Riponne donc on a de bonnes chances que ça passe. Et puis il y a déjà d’autres bars dans le quartier qui font un peu de bruit et il y a une volonté politique de réhabiliter la Place de la Riponne dans laquelle on pourrait s’inscrire. Et là on a une période d’attente depuis janvier, on peut pas commencer à faire des travaux tant qu’on a pas une réponse, parce que la réponse peut aussi modifier certaines exigences d’aménagement.

LBB : Et au niveau financier avec ce que vous avez ça suffira ? Vous avez demandé 5000.- sur we make it et obtenu près de 10’000…
R :
On a environ 300’000 francs de travaux à faire, là-dessus on a une bonne moitié qu’on estime pouvoir faire nous-mêmes. Il reste disons 120’000 francs qu’on va payer, que ce soit la ventilation ou des choses comme ça qu’on peut pas faire. Là on a un peu moins des 2 tiers de la somme qu’il nous faut.
B : Le we make it nous a rapporté le quinzième de ce qu’il nous faut. Mais ça nous a permis de voir qu’on bénéficiait d’un large soutien. On a aussi des cotisations des membres, et des membres de l’assoc’ ont prêté sans intérêt.

LBB : L’ancienne Blatte, comment c’était ?
R :
Tout d’abord c’est une mère et sa fille, Jade et Marie, qui sont aujourd’hui dans le comité de l’association, qui ont ouvert en 2008. On était tous des clients réguliers et on est devenus des amis. Assez rapidement, on a commencé à s’impliquer davantage. Jade et Marie avaient besoin d’aide alors on a commencé à aider spontanément. Et puis on a décidé de se constituer en association dont le but est de faire revivre la Blatte.
B : On était des clients, certains sont venus par groupes de deux, moi je suis venu seul et on s’est tous rencontrés là, on était tous des habitués et on est tous devenus amis. On a peu à peu mis la main à la pâte. Je suis arrivé comme client, je venais souvent, et à un moment quand Marie et Jade allaient fumer une cigarette je passais derrière le bar, et puis de temps en temps je faisais la vaisselle, et puis après de plus en plus j’ai commencé à m’impliquer. Beaucoup de gens, quand ils venaient à la Blatte, nous demandaient si c’était un bar, un squat, ou si on était une assoc’. On fonctionnait déjà comme une association sans vraiment en être une, on avait pas de statuts ni rien, et c’est au moment où la Blatte allait fermer qu’on a pris le parti de dire qu’on allait continuer, qu’on allait développer un projet plus large. Et pour ça on a créé une association qui a repris le nom de la Blatte pour essayer de perpétuer ce qui se passait au Boulevard de Grancy. Ce qui nous manquait par exemple là-bas c’était d’avoir plus de place pour développer toutes les activités culturelles et artistiques qu’on voulait. On a fait des expositions, des projections, on a fait des concerts, mais on n’avait pas d’infrastructures pour ça.
R : Marie a un parcours qui explique un peu ça, c’est une ancienne squatteuse à Genève, une ancienne punk. Jade aussi a beaucoup été dans ce milieu, et elles avaient un esprit très participatif. Elles ont ouvert la Blatte sans vouloir faire de l’argent avec, ou du moins c’était pas l’objectif premier. Et donc c’est tout naturellement que des gens se sont greffés au projet. On a fait ça sans se poser de questions, l’association s’est créée sans qu’on s’en rende vraiment compte, on se voyait toutes les semaines pour discuter de ce qu’il fallait mettre en place, de ce qu’on allait faire, etc. Et c’est en voyant que ça allait finir, une année environ avant la fermeture, qu’on a commencé à mettre les choses en place pour créer une association pour gérer le prochain lieu.
B : L’association a été créée officiellement deux semaines avant la fermeture. On avait déjà tout préparé, on a voulu fermer pour ensuite repartir avec un autre modèle. On a fermé au 31 décembre 2012.

L'ancien Pianissimo où devrait rouvrir la Blatte
L’ancien Pianissimo où devrait rouvrir la Blatte

LBB : Dans votre projet qu’est-ce qui va rester de l’ancienne Blatte et qu’est-ce qui va changer ?
R :
La première chose qui va rester, c’est l’ambiance : on était vraiment super proches de nos clients. L’état d’esprit, ce côté comme à la maison. On a vu des fois des gens commencer un jeu de société et finir la partie avec tous les clients qui participaient. Il y avait vraiment une ambiance très amicale, très familiale. Dans la mesure où c’est la même équipe, c’est quelque chose qu’on va conserver. On était super connus pour nos cocktails, on va garder pas forcément exactement les mêmes, mais on va garder l’esprit. On faisait des projections avec un association qui s’appelle On fait du l’art qui développe un labo photo indépendant, ils faisaient déjà des projections chez nous et ils vont continuer à faire des choses. Donc il y aura pas de changement significatif. En revanche, on va pouvoir faire tout ce qu’on voulait et qu’on pouvait pas parce qu’on avait pas assez de place ou qu’on rencontrait des difficultés d’ordre légal.
B : Je pense que justement, par rapport à l’ancienne Blatte rien ne va changer. La grosse différence, c’est qu’en tant qu’association, on va travailler avec des bénévoles. On aura davantage de moyens pour faire des choses et l’espace va nous permettre d’avoir une salle entièrement dédiée aux spectacles. A l’époque on faisait des concerts mais on devait faire acoustique à cause du bruit.  On veut une salle de spectacles mais on va pas être les grands manitous de la programmation, ce qu’on veut aussi c’est que tu puisses venir avec un projet, mais vraiment de tout type d’art, que ce soit du théâtre, de la musique, des performances, des expos de peinture, de sculpture, n’importe quoi… C’est vraiment l’idée d’avoir une espèce de scène ouverte qui serve à des artistes, si possibles locaux.
R : On est ouverts à tout type d’art tant que c’est hors du milieu commercial. Des gens qui ont autre chose à proposer et qui font vivre cette scène lausannoise, romande, mais effectivement de n’importe quel type d’expression artistique ou culturelle. Mais ce qu’on veut c’est créer un lieu commun, où les gens peuvent venir et participer, amener leur projet, s’investir s’ils le veulent. Que ce soit un lieu vivant et pas un lieu ghetto, c’est pour ça qu’on mélange beaucoup de choses, pour que tu puisses venir prendre ta bière en regardant une expo d’un artiste qui est venu poser ses tableaux. A la Blatte il y avait des projections de films Super 8, t’as des gens qui seraient jamais allés voir ça mais ils étaient assis pour prendre un verre et ils ont découvert ça.

LBB : Le prix des boissons, ça vous allez garder ?
B :
En tant qu’association on aura moins de problèmes financiers. Les prix qu’on pratiquait à la Blatte étaient intéressants mais financièrement c’était dur de tourner. Se mettre en association avec en plus un loyer qui sera moins cher, ça nous permettra justement de tourner et de garder des prix abordables. Dans les statuts de l’association un des deux buts principaux c’est de créer un lieu de rencontre, et justement, un bar c’est un lieu qui facilite les rencontres. Et des prix bas, ça permet à tout le monde de venir. Une bière à 8 francs ça peut être rébarbatif pour des gens, que ce soit des étudiants ou des gens qui ont pas un travail fixe, etc. Donc effectivement, les prix vont rester les mêmes. Notre but c’est d’arriver à tourner, si on fait du bénéfice ce sera réinvesti dans des projets pour permettre de défrayer des artistes par exemple.
R : Et j’ajouterais quelque chose de plus terre à terre : dans l’association on est 12 membres de 22 à 56 ans, de milieux culturel et sociaux différents. Et on est pour la plupart des gens qui n’ont pas des très gros revenus, voire pas de revenu pour certains, et c’est quelque chose qui nous a toujours touchés personnellement. En tout cas moi personnellement c’est quelque chose qui me touche, de faire des prix qui seraient abordables pour nous si on était clients.

LBB : Vous vous être inspirés d’autres projets similaires au vôtre ? De bars ou de clubs associatifs comme le Romandie par exemple ?
B :
Pour l’inspiration, on est pas vraiment proches du Romandie directement, mais peut-être davantage de certains personnes ou de l’association Grill the Hill [NDLR : qui sont aussi sur we make it en ce moment pour demander votre soutien !].
R : Il y a une grosse différence avec le Romandie, c’est qu’on est beaucoup plus petits. Ils ont énormément de bénévoles, alors que nous tous les gens qui sont derrière le bar sont membres et ont un pouvoir de décision dans l’association. Je dirais qu’on est plus proches de bars autogérés à Lausanne, par exemple le bar de l’Espace Autogéré. On s’est pas vraiment inspirés d’eux parce qu’on fait pas du tout la même chose, on est dans des registres complètement différents, mais c’est des gens qu’on connaît. On est un peu proches d’eux, et dans l’esprit aussi.

Marc Kelly en concert à l'ancienne Blatte (source : page Facebook de la Blatte)
Marc Kelly en concert à l’ancienne Blatte (source : page Facebook de la Blatte)

LBB : Mais plus associatifs qu’autogérés, finalement ?
B :
A quelque part on se situe peut-être entre les deux. Entre le collectif de l’Espace Autogéré et l’associatif du Romandie, mais à une autre échelle. Et puis on a pas l’intention de demander de subventions à la ville. Le bar c’est pour créer un espace de rencontre, mais c’est aussi notre vache à lait, ce qui va nous permettre de faire de l’argent pour faire les autres activités qu’on veut créer.

LBB : Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?
R :
Alors on prévoit 2 soirées. La première qu’on va faire cet été, ce sera d’abord durant la journée un rallye dans la ville suivi d’une soirée surprise.
B : Le rallye ce sera un jeu de pistes avec des postes et des énigmes, des jeux, des activités, et puis l’arrivée du rallye ce sera le lieu de la soirée surprise.
R : Et l’autre projet ce sera un festival en partenariat avec On fait du l’art et le cinéma Oblò. Ce sera un petit festival de musique sur 3 jours. Le 3e jour On fait du l’art proposera des ateliers photos.

Eh bien merci pour ce sympathique entretien, et longue vie à la Blatte !

En bonus, le clip que les blattien-ne-s on fait pour le we make it où on voit notamment leurs futurs locaux :

[youtube]http://youtu.be/WLPzZdy3Vqk[/youtube]

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