“Marchons pour ne plus nous faire marcher dessus !”

“Marchons pour ne plus nous faire marcher dessus !”

Posté dans : Politique, Société 1
Vendredi soir, à Lausanne, s’est tenue la première marche de nuit féministe de Suisse Romande. Le LBB s'est assis avec l'une des organisatrices pour savoir comment cette marche s'est déroulée.

A l’appel du collectif Nuits Féministes, environ 200 femmes ont réalisé une boucle à pied partant de la Place de l’Europe et passant par la plupart des grandes places et lieux empruntés la nuit par les nombreux-ses fêtard-e-s des nuits lausannoises. Leur revendication : Reprendre la nuit pour les femmes, souvent insultées, voire agressées physiquement lorsqu’elles sortent sans « escorte » masculine. Le LBB s’est assis avec Emmeline (nom d’emprunt), l’une des organisatrices, pour lui demander comment ça s’est passé.

LBB : Tout d’abord, est-ce que tu peux nous parler de la situation du féminisme à Lausanne, et plus spécifiquement du collectif Nuits Féministes ?
Emmeline : Par rapport à la situation du féminisme à Lausanne, il y a quelques collectifs un peu dispersés, qui ne durent pas forcément très longtemps. Il y a aussi des féministes qui sont actives dans des partis politiques, des syndicats, etc.
Nuits Féministes est un collectif qui s’est spécifiquement créé autour de cette marche, il est peu institutionnalisé, on a simplement une adresse mail. L’idée était de diffuser très largement, dans les réseaux des membres du collectif, ce qui a permis de créer une dynamique avec des femmes de plusieurs collectifs différents, mais aussi des personnes qui n’étaient pas organisées au préalable, et qui se sont toutes regroupées pour organiser cette marche, et c’était très intéressant d’avoir toute cette diversité d’appartenances et d’expériences mobilisées pour cette marche.

LBB : Cet événement était présenté comme une marche et pas une manifestation, pourquoi ce choix ?
Emmeline : Premièrement, le terme de marche de nuit a été utilisé en France et dans d’autres pays par le passé, et on voulait s’associer à ce type d’action, donc c’est d’abord la reprise d’une appellation. Ensuite, le terme de marche symbolisait autre chose que la manif, parce que ce n’était pas une question de partager des revendications spécifiques, mais aussi le fait qu’on voulait s’approprier l’espace nous-mêmes en marchant collectivement, et cette dimension collective était très importante. Enfin, pour la dimension symbolique, le fait qu’on nous rappelle toujours à l’ordre de ne pas marcher seules le soir dans la rue, en s’habillant d’une certaine manière, etc. Le terme de marche convenait donc tout à fait parce que nous étions des femmes seules, qui marchions la nuit dans les rues.

LBB : Une marche non-mixte, pourquoi ?
Emmeline : Justement, le choix a été reçu de manière assez hostile par certain-e-s, qui ont interprété ça comme le fait que nous voulions un féminisme entièrement non-mixte, alors que dans le cadre de cette action spécifiquement, ce choix nous paraissait pertinent pour trois raisons : D’une part, généralement quand dans la rue on se fait embêter ou rappeler à l’ordre, on nous dit de ne pas être seules, et « seules » dans ce cas veut dire « sans homme », donc faire cette marche de manière non-mixte, c’était une manière de dire non, nous pouvons marcher seules, sans homme, et nous réapproprier cet espace public. D’autre part, il était important pour nous de souligner que dans une mobilisation, dans tout collectif militant, il y a aussi des rapports de domination, notamment entre les hommes et les femmes, et du coup faire une action non-mixte était une démarche d’empowerment, d’appropriation de notre propre pouvoir. Ce n’aurait donc pas été la même chose de vivre cette marche avec des hommes, non pas parce qu’on souhaitait marquer une différence naturelle, mais dans l’idée que c’est uniquement aux femmes qu’on dit de ne pas marcher seules. Il était aussi important de souligner qu’un groupe qui revendique des droits puisse le faire sans aide extérieure, et prenne en charge ses propres luttes. Mais ce n’était de loin pas une question d’hostilité envers les hommes, ni une manière de dire que tous les hommes sont des salauds (rires).

LBB : Et alors, c’était bien ?
Emmeline : Oui, c’était vraiment super ! Je pense qu’il y a eu une énergie assez impressionnante, très particulière, et j’avais très rarement vu une action où il y avait autant de force et d’énergie ! Il y a vraiment eu une belle dynamique de mobilisation avec des personnes qui venaient de Lausanne et de la région, certaines aussi de Genève, et il y a aussi eu un apport très sympa de militantes féministes, françaises notamment, qui étaient là dans le cadre du Congrès Féministe (organisé à l’Unil la semaine passée, NDlA), et ça a aussi apporté une dimension particulière, d’autres slogans, et certaines avaient déjà l’expérience des marches de nuit comme la nôtre, et si nous n’étions certes pas des milliers, cette belle énergie s’entendait de loin (rires).
LBB : Donc à refaire ?
Emmeline : A refaire, c’est sûr !

  1. Avatar
    mum48
    | Répondre

    Bravo, courage les filles ! Génération après génération, toujours le même combat.
    Peut être encore plus difficile aujourd’hui que 50 ans en arrière.
    Il paraît qu’on “évolue”.
    A vérifier…

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