Manifester pour le droit de manifester

Posté dans : Politique 1
Petite sortie extra muros du côté du voisin genevois à l'occasion de la manifestation interdite contre le World Economic Forum de Davos (WEF). Quand il faut manifester pour avoir le droit de manifester, ça ne peut que dégénérer.

Je ne suis pas un fervent manifestant, ni un militant, ni un altermondialiste. Pour être franc, je n’ai quasiment jamais mis les pieds dans un rassemblement. Comme bien d’autres d’ailleurs! Vous me direz qu’il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis. Je vous l’ai dit, je ne suis pas de ceux qui crient à la Révolution à la moindre déclaration. Mais mon expérience fumeuse de samedi dernier, dans les rues de Genève à l’occasion de la manifestation contre le Forum Economique de Davos, m’a laissé bien pensif sur le pouvoir militant. Ce n’est pas par esprit revendicatif que je me suis retrouvé à Genève, pas plus par plaisir. J’étais sûrement d’ailleurs le plus passif d’entre eux. Et pourtant, l’expérience était intéressante.

Je m’en souviens encore. 14 heures, je suis sur place, rue du Mont-Blanc. Un millier de militants sont présents et autant de policiers. Je me faufile tout de même à travers ce filet sécurisé. A dix mètres, trois jeunes commentent les propos de Jean Ziegler. Je les rejoins: «Bonjour, ça vous ennuie si je vous suis pendant la manifestation?» Daniel, en pleine phase de repérage des éventuels casseurs qui se seraient mêlés à la foule: «Pas de problème, mais ça ne s’annonce pas exceptionnel.» Le froid est anesthésiant, l’ambiance s’en ressent. 

Il est 14 h 40 lorsque les micros s’éteignent. La tension monte d’un cran. Défileront, défileront pas? Le millier de manifestants attend la suite des événements. Les organisateurs négocient en vain avec les autorités pour défiler. Huées: «On y va quand même», scande un jeune militant. Au loin, un petit groupe masqué s’échauffe. Soudain, la foule s’ébranle. Elle n’ira pas bien loin, stoppée par la maréchaussée. Et c’est l’escalade. Les premières bouteilles sifflent dans l’air. Voilà la riposte: un, deux, puis trois jets de gaz  lacrymogène: «Cours, cours», me crie Daniel. Encerclés par la police, pas une issue de secours. Le nuage de gaz avance. Nos masques de fortune ne font visiblement pas l’affaire. La gorge me pique, mes yeux s’irritent. Le citron! Le citron! Je m’en badigeonne le visage et le fait passer aux personnes qui suffoquent autour de moi. Grand moment de communion! Le gaz est partout et pas moyen de traverser le filet sécurisé. La faute à qui? A la centaine de casseurs bourrés et à l’intransigeance des autorités. Une situation pareille ne pouvait que dégénérer. Plus de peur que de mal pour la police, mais un constat bien plus terne pour les organisateurs. 

On est d’accord ou on ne l’est pas, chacun son avis, mais les solides revendications des divers collectifs militants présents n’auront pas réussi à s’inscrire sur le papier des nombreux journaux qui ont suivis l’affaire. Une semaine avant les faits, la TSR en a fait son dossier spécial. Jour après jour, heure après heure, la même et lancinante question: “Où son les casseurs?” “Genève doit-elle craindre le même scénario qu’en été 2003 lors du G8?”. Pas un mot sur les revendications, les raisons du rassemblement. Il y a de quoi se faire du souci.

Mehdi Atmani

Mehdi

  1. Avatar
    stunned
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     Un article plus qu’utile. Je me suis posé les mêmes questions que toi Mehdi. Et je trouve également que le bilan de ces événements laisse un goût très amer.

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