
CC by-nc-nd flickr banlon1964
Si vous êtes comme moi un bobo citadin, vous vous souciez des aliments que vous consommez. D’une part pour ne pas manger ce qui relève du mot de Cambronne, comme aimait le dire (certes plus explicitement) feu Jean-Pierre Coffe, mais aussi parce qu’on se rend compte que notre manière de consommer a une influence sur les conditions de production, qui souvent rejoignent également ledit mot. Plus particulièrement, j’aimerais ici vous proposer un tour d’horizon des solutions qui existent dans la région pour obtenir des légumes.
Tout d’abord, quelques critères sont à considérer.
Production locale – c’est généralement un des premiers éléments mis en avant aujourd’hui quand on souhaite faire attention aux conditions de production, parce qu’elles ne sont pas les mêmes partout. En Suisse, les OGM sont interdits à la production mais pas à l’importation, vous en mangez donc plus ou moins souvent. Mais surtout, manger des produits qui ont plus voyagé dans leur courte vie que votre grand-mère sur l’ensemble de son existence, est-ce bien raisonnable ?
Le label – On distingue surtout deux labels importants : le PER et le Bio. Le premier désigne les prestations écologiques requises pour obtenir des subventions en Suisse. Il est nettement moins exigeant que le bio. Si le label bio n’est pas une solution parfaite, il offre quand même quelques garanties : le principe général est que la production de végétaux bio n’a pas ou très peu recours aux traitements de synthèse, que ce soit comme engrais ou comme régulateurs de maladies. En clair, pas d’engrais ou de pesticide chimique.
La contractualité – plusieurs solutions existent, proposant un contrat plutôt que des emplettes au gré des envies. L’idée qu’un tel système met en avant est de ne pas pousser tous les producteurs à faire des tomates sous serre toute l’année et de diversifier la production, afin notamment de diviser les risques. Imaginez par exemple une saison affreuse pour un légume que tout le monde produit et consomme massivement. Le problème pourrait être météorologique (trop ou pas assez de pluie, de la grêle, etc.) ou épidémique (une maladie qui décimerait telle variété de tel légume). Dans la grande distribution, c’est simple : on importe d’Italie, d’Espagne ou de plus loin encore pour satisfaire le consommateur, et tant pis pour les producteurs locaux.
Le contact avec les producteurs – qui favorise le rapport de confiance. Le bio est un label, mais la confiance garantit un autre rapport dans la production de ce que vous mangez. Les scandales agro-alimentaires ont lieu dans la grande distribution où les producteurs n’ont plus aucune idée de qui va manger ces lasagnes au cheval alors qu’elles étaient supposées contenir du boeuf ou ces fromages reconstitués à partir des invendus de supermarchés.
Le prix – reste assez difficile à comparer. Dans un modèle contractuel, vous signez pour avoir des légumes chaque semaine durant toute l’année, tandis que si vous allez dans un magasin, vous allez choisir à chaque fois des légumes parfois bio, parfois locaux, mais sans nécessairement de fidélité absolue à ces éléments.
De saison – j’en hésiterais presque à le mentionner tellement il est une évidence pour toutes les solutions alternatives au supermarché. J’ai croisé cette semaine des fraises à la Migros, vers la fin du mois d’octobre. Contre toute attente, elles étaient produites dans la région, mais elles étaient plus pâles qu’un étudiant à la fin de ses examens…

CC by-sa flickr Benoît Meunier
Qu’y a-t-il à Lausanne ?
Les modèles contractuels sont certainement les plus respectueux des producteurs et de l’environnement, et fournissent des légumes de qualité au moins comparables aux solutions non contractuelles. Il faut pour cela renoncer à une certaine idée de la consommation : on ne choisit pas ses légumes au gré de ses envies mais on se les laisse imposer. Si on ne se voile pas la face, en choisissant on se retrouve à manger les mêmes légumes chaque mois, si ce n’est chaque semaine, donc ce modèle contractuel a l’intérêt d’induire une certaine diversité. Il existe une Fédération Romande de l’Agriculture Contractuelle de Proximité (FRACP pour les intimes, mais n’essayez pas de le prononcer) qui regroupe les modèles contractuels, certains existant depuis une dizaine d’années dans la région lausannoise. Ils sont organisés en associations ou en coopératives.
Les associations sont en fait des transpositions du même modèle : Les Jardins du Flon (2007) ont fait des petits avec les Jardins d’Ouchy (2009), Les Jardins du Nord (2010) et les Jardins du Mont (2012). A chaque fois, le même fonctionnement, vous allez une trentaine de fois par année à un point prévu pour remplir votre panier. Les producteurs sont présents et les légumes et quantités prévus à l’avance (ils évitent d’avoir à remplir des centaines de panier). Plusieurs fois par année, vous pouvez également aller participer à la production de vos légumes. Ces associations font la part belle au contact direct avec les producteurs, mais on peut à la rigueur regretter qu’ils n’aient pas fait le choix du bio. Ils sont en revanche fournis en légumes produits selon les prestations écologiques requises (PER).
L’autre modèle bien représenté à Lausanne est celui de la coopérative : Le jardin potager (2006) et le Panier bio à 2 roues (2010). Vous avez un peu plus de paniers dans l’année, environ 45 : grosso modo chaque semaine moins quelques exceptions. Vous n’avez par contre pas besoin d’aller les remplir puisqu’ils sont livrés dans l’un des nombreux points de distribution disponibles (une vingtaine pour chacune des deux coopératives). Une fois ou deux dans l’année, vous devez aller participer à remplir ces paniers ou à la production des légumes. L’engagement en temps est donc moindre, mais au détriment du contact avec les producteurs, qui est réduit même s’il a également lieu à l’occasion d’un ou deux repas annuels.
Un petit tableau pour vous résumer ce qui s’offre à vous à Lausanne :
Situé à | Depuis | Label | Modèle | Contact producteurs | |
Le jardin potager | Lausanne | 2006 | Bio | Coopérative | Anecdotique |
Le panier à 2 roues | Lausanne | 2010 | Bio | Coopérative | Anecdotique |
Les jardins d’Ouchy | Lausanne, Sous-gare | 2009 | PER | Association | Oui |
Les jardins du Flon | Lausanne, Flon | 2007 | PER | Association | Oui |
Les jardins du Mont | Le Mont | 2012 | PER | Association | Oui |
Les jardins du Nord | Lausanne, Bois-Gentil | 2010 | PER | Association | Oui |

CC by-nc flickr Gilles Péris y Saborit
Finalement, j’aimerais tout de même rappeler que si vous souhaitez un contact avec les personnes qui produisent vos légumes, vous pouvez depuis plusieurs siècles vous rendre au marché les mercredis et samedis matin. Alors oui, tout n’est pas local ni bio, mais avec un tantinet d’expérience, vous verrez assez vite quels producteurs sont dignes de confiance, la provenance et le bio étant nécessairement affichés et contrôlés. Reste évidemment la question de la contractualité qui ne serait pas remplie. Je suis personnellement abonné au Panier bio à 2 roues depuis maintenant 2 ans, et j’ai appris à cuisiner les panais et le chou plume (le fameux kale des stars !). Je suis allé à deux reprises faire mon remplissage de panier et il y avait à chaque fois une très sympathique ambiance. Et j’avoue que j’aimerais parfois aussi manger d’infâmes tomates d’hiver à l’approche de Noël, mais en vrai, les panais, c’est pas si laid.
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