Let The Music Play…

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…Ou pourquoi tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu’à l’arrivée d’internet, du mp3 et de l’iPod, la sainte trinité du piratage, plus facile à faire qu’une mayonnaise maison.

A l’origine je voulais faire un article pour expliquer la différence entre un bon disquaire et un mauvais disquaire, Lausanne possédant LE disquaire de référence que l’Europe entière nous envie. Entre temps je suis tombé sur un reportage de la chaine Planète intitulé : LE WEB ET LA POSTERITE (les bouleversements du numérique sur l’industrie de la musique) du coup, lors du déjeuner avec le disquaire en question, le sujet a vite dévié. Il devenait évident pour moi de devoir parler du bouleversement qui a fait de moi un paria, apposant durablement le sceau de l’opprobre sur ma famille et mes proches.

Pour ceux qui se souviennent ce qu’est une cassette audio, sachez que quand cet objet démoniaque est apparu, les maisons de disques (que nous appellerons ici Majors) prédirent la mort de la musique sur disque ; de la même manière le VHS allait tuer le cinéma et le Minitel Rose Monique.

La musique a survécu, mieux que mes compilations de house music, mais au milieu des années 80, les ventes déclinaient déjà et les Majors eurent une idée lumineuse : le disque compact ! Produit miracle qui allait provisoirement enterrer les vieux vinyles. Les arguments ne manquaient pas car plus pratique, moins fragile, inusable, avec un meilleur son et surtout d’une rentabilité redoutable. Le plastique c’est fantastique mais le progrès se paie cher alors nous avons tous payé.

De 1985 jusqu’au début du XXIème siècle ce fut l’âge d’or des Majors qui depuis n’ont jamais été aussi riches et puissantes. Comme Charles Montgomery Burns, elles ont régné en despotes et sans aucun partage avec les autres acteurs du segment, principalement en maintenant artificiellement un prix de disque prohibitif, resté jusqu’à peu, identique à celui de son lancement 25 ans plus tôt. Depuis, il y eut les réseaux de partages et l’avènement d’un baladeur blanc avec une grosse molette dessus, objet qui devint l’emblème de la révolution numérique qui brisa les chaines de l’amateur de musique, otage jusque-là d’un réseau de distribution monopolistique.

L’accès à la musique se propagea comme la grippe espagnole et permit à tous les artistes de se faire entendre, moyennant un ordinateur et une ligne internet. Cet accès de distribution sans contrôle bouleversa le grand Ordre Cosmique et on entendit loin à la ronde le trémolo déchirant des Majors qui n’aiment pas lorsqu’on les rase gratis. La riposte ne se fit pas attendre et la musique fut verrouillée ; vinrent alors les incompatibilités de protection des morceaux achetés légalement, les copy-control sur les CD, les différents formats de lecteurs MP3 et la disparition des disquaires au profit de grandes enseignes de distribution ; il ne m’en a pas fallu plus pour basculer du côté obscur.

Depuis je suis un pirate… Sans jambe de bois ni perroquet sur l’épaule mais un pirate quand même. Je télécharge de la musique sans toujours la payer. Non pas pour emmagasiner ou faire des économies mais pour découvrir, écouter, apprendre. Cette profusion à modifier mes critères, j’ai besoin de plus de choix, plus de liberté, plus d’échanges. Et comme les disquaires compétents partagent avec les pandas de Chine le même rythme inexorable d’extinction, c’est sur le net que je trouve ce choix et non pas dans les bacs des fournisseurs de cultures.

Internet permet à toutes les musiques de se faire entendre et pour un amateur curieux c’est un outil irremplaçable qui contraste cruellement avec la soupe offerte par les canaux officiels. Je n’en reste pas moins un obscène criminel qui a l’audace de refuser le prix fort pour un Ziggy Stardust réédité dans une qualité sonore médiocre alors même que ce disque, sorti en vinyle en 1972, a été amorti plusieurs fois. Certes, ce disque est un chef-d’œuvre, mais sa vente est commercialement injustifiable.

Alors cette industrie, plutôt que de réfléchir à la manière de (re)devenir innovante ou pourquoi pas, carrément audacieuse, passe son temps à convoiter sont précieux perdu, profitant au passage de faire passer des lois et des règles répressives afin de sauver les meubles. Une industrie qui refuse d’admettre que le téléchargement de fichiers est une réalité, un progrès qu’on ne peut stopper, au même titre que le riz à cuisson rapide ou l’ouvre-boite pour gauchers. La manière d’appréhender la musique a changé. Les nouveaux artistes l’ont bien compris, ils sont de plus en plus nombreux à apparaitre, grâce à cet internet maléfique, en provoquant l’éclosion de nouveaux talents, qui eux, ne sont pas morts comme la musique de Tino Rossi.

Après plus de 20 ans d’achats substantiels de CD, c’est sans aucun état d’âme que je suis devenu un pirate, comme ils disent, refusant de payer pour un produit qui affiche un prix inadapté ou qui ne correspond plus à mes attentes. Ça ne m’empêche pas pour autant d’acheter régulièrement le disque d’un artiste sauvé de la nasse remontée du cloaque. Et même unijambiste et borgne, mon perroquet et moi-même continuerons à voir des concerts et écouter de la musique, Tonnerre de Brest !

 

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serge

5 Responses

  1. Avatar
    roman
    | Répondre

    C’est toujours un plaisir de te lire… :o) humour et véracité des propos (ou l’inverse)

    • Avatar
      serge
      | Répondre

      gracias amigo mais n’hésite pas à lire tous le reste, il y a pleins de bonnes choses dedans

      s.

  2. Avatar
    MasonVerger
    | Répondre

    oui cette verve des montagnes et cette pointe d’accent Milka, un regal
    je mettrai un bémol sur le visuel, trop conventionel, tu nous as habitué à mieux….

    • Avatar
      Guy M.
      | Répondre

      excusez mon ignorance, c’est qui le disquaire que l’europe vous envie ? je serais en vacances chez vous la semaine prochaine…

      • Avatar
        serge
        | Répondre

        désolé d’avoir tardé à répondre mais j’étais en vacances alors j’espère qu’il n’est pas trop tard

        le disquaire s’appelle Patrick Rotta, il officie dans le magasin Hug Musique, Rue du Grand-Pont 4 à 1003 Lausanne


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