Les mots à utiliser en 2009, n°1

Posté dans : Rien à voir 7
En tombant sur un article du site fluctuat.net consacré aux expressions à bannir de son vocabulaire en 2009, l'un de nos bloggueurs tente l'exercice inverse...

En effet, Nicolas. Passionné depuis ma plus tendre enfance par l’élaboration de concepts d’une débilité crasse, et inspiré, comme l’a si bien résumé l’excellent chapeau de cet article, par une dépêche du site culturellement dans la place fluctuat.net1, je m’ai dit que le très smart lecteur du Bondy Blog lausannois serait intéressé à enrichir son lexique de quelques vocables, tantôt de mon cru, tantôt de mon crew, et tantôt d’un vaste connard entendu au détour d’une tête de gondole dans un magasin de vivres de type superette/supermarché. Ainsi, je vous offre, en plusieurs fois, ces quelques mots ou onomatopées qui feront à coup sûr le bonheur du petit maître capello qui sommeille en chacun de vous. Et le mot du jour est… Ayance!

Ayance  
Les toujours plus nombreux afficionados de ce mot aux doux accents de prénom féminin seront sans doute étonnés de le trouver en première position de ce petit lexique. Sa beauté, sa puissance et son utilité aurait en effet permis une inoubliable conclusion de cette saga printanière, laissant à coup sûr un lecteur abattu, petit foetus recroquevillé sur le sol de sa vie, vaste plancher humide de l’inarrêtable flot de larmes engendré par le feu d’artifice mental à lui tout juste présenté. Mon choix s’explique néanmoins, en plus d’une excitation quasi-enfantine, par la peur du lecteur impatient. A celui-là, qui aime souvent rappeler au cours de débats littéraires animés que “les trucs trop longs, c’est CHIANT!”, je voulais permettre de pénétrer dans le monde de l’ayance avant que le temps ne le presse à délaisser ma prose pour aller, au hasard, changer son statut Facebook ou regarder MTV. Quant à ceux qui tiendront jusqu’au bout, je vous rassure, c’est certainement le seul mot pour lequel je m’enflammerai autant.

Le principe est simple mais diablement efficace: le nom féminin “ayance” vous permettra de quantifier le nombre de fois où vous vous êtes fait/e avoir (ou eu, pour les Vaudois). Logiquement construit sur la base du verbe “avoir” selon le modèle avoir, ayant, ayance (par analogie à voir, voyant, voyance), ce mot vous évitera les expressions floues telles que “hier soir, je me suis payé/e la dèche!” ou “je suis passé/e pour un/e con/ne, hier soir…”. NON! Grâce à notre produit, hier soir, vous vous êtes pris trois ayances, pas une de plus, pas une de moins! Et si l’inattention vous empêche de vous souvenir d’un nombre avec exactitude, libre à vous de fournir à votre interlocuteur une estimation. Exemple: “L’autre mardi, Oskar Freysinger s’est mangé quatre à huit ayances par Tariq Ramadan, il faisait peine à voir…”

Souple et étonnament intuitif, le mot “ayance” ne se limite pas au récit a posteriori. Véritable Linux de la langue de Guy Lux, l’ayance se module à souhait pour s’adapter à un nombre infini de situations. Les adeptes de l’ayance ont à ce jour fait fleurir une kyrielle d’expressions dont voici quelques exemples: se prendre une ayance (passif), infliger une ayance (actif), ayance par + nom (ayance par le froid, par le talus, par la fourchette, par le cancer des ganglions lymphatiques, par les potatoes du DoMac, par un dénommé José, par le prix des sandwiches de Délifrance, par la remontée de wasabi, etc.), une self-ayance (dont les modèles les plus connus sont ceux du coude qui rippe sur le coin de table, de la crotte de nez expulsée par un rire trop violent, du “salut!” non remarqué par son destinataire, du coupage de doigt avec une feuille de papier, ou encore du fait de rater sa vie…), le taux d’ayance (14 avril 1912, non loin de Terre Neuve: “Quel taux d’ayance pour cet iceberg, matelot?”, “Cet iceberg présente un taux d’ayance de 34%, mon capitaine.”, “C’est pas un glaçon à 34% d’ayance qui va nous empêcher de passer, nom de Dieu! HAHAHA!”, “Hahaha, capitaine! Hahaha!”), l’ayant/e, ou victime de l’ayance (permettant également des titres, tels que celui d'”Ayant de la semaine”, celui de la semaine dernière étant bien évidemment le secret bancaire) et enfin “AYANCE!“, notification sonore pêchue de l’ayance à l’ayant par un tiers, dans un genre d’arbitrage spontané (Raymond Domenech: “La seule chose à laquelle je pense maintenant, c’est épouser Estelle…”, Estelle Denis: “…”, Pierre Ménès: “AYANCE!”)

Vous l’aurez compris, l’ayance est un combat. Pas seulement le mien, mais celui de plusieurs autres, de toute une communauté: la Communauté de l’Ayance. Ensemble, peut-être avec vous, nous traverserons embûches et pièges retors pour transporter l’ayance jusqu’à l’Académie Française. Et quelque soit le temps que ça prendra, nous arriverons à faire qu’un jour, cette lacune qui nous empêche de dire précisément combien de fois le destin nous a démuni soit officiellement comblée, nous libérant de cette oppressante prison de flou et d’inexactitude. Un jour, “ayance” ne sera plus souligné en rouge pointillé à cause des correcteurs d’orthographe. Un jour, tout le monde aura accés à ce mot et à son potentiel créatif infini. Un jour, non contente d’être légale, l’ayance s’émancipera de ses créateurs et deviendra l’Habung allemand, l’havingness anglais, l’hastijougadou portugais, le Berlusconismo italien et j’en passe, chacun acquérant peu à peu ses propres caractéristiques, enseignées dans les Facultés d’ayances des Universités du monde entier…

D’ici là, mes amis, je ne peux que reprendre l’un de nos plus grands poètes (pouët) français en vous disant : toi + moi + eux + tous ceux qui le veulent + lui + elle + tous ceux qui sont seuls, allez, viendez, entrez dans la danse, allez viendez, c’est notre jour… d’ayance.  

Yann Marguet

1 Dont voici la référence: http://www.fluctuat.net/6649-10-Expressions-a-ne-plus-utiliser-en-2009

                                

Yann Marguet

7 Responses

  1. Avatar
    Stunned
    | Répondre

     Un magnifique essai transformé pour Marguet! L’ayance, j’adhère! 

  2. Avatar
    Mimisicu
    | Répondre

     Vraiment bons ces chroniqueurs du lausanne bb, décidément, merci pour cet article franchement génial

  3. Avatar
    monmon
    | Répondre

    Superbe! les exemples d’utilisation m’ont bien fait marrer! J’attends plus que le jour ou l’ayance me mettra elle-même une ayance…

    Bien joué, c’est pas avec ce texte que tu vas te payer une ayance! c’est sûr!!!

  4. Avatar
    Jili
    | Répondre

    Ayant vécu la naissance de ce mot en ta présence Yann, je trouve que l’esprit même du mot est magnifiquement retranscrit et imagé dans ton article. Je me réjouis déjà du n°2.
    Merci Yann.

  5. Avatar
    GuyLux
    | Répondre

    Merci mon Dany d’avoir cru en ce mot, merci de t’être battus pour qu’il retrouve sa place et merci pour cet excellent texte!

    Je suis certain qu’il deviendra “LE” mot de 2009……. aussi certain que je m’appelle Guy…!

  6. Avatar
    yann_marguet
    | Répondre

    Merci pour vos comm’s, amis linguistes! Ca fait plaisir de sentir qu’un besoin est en train d’être comblé! L’ayance est en marche!

    Je me permets d’interrompre ce flot de commentaires que j’espère encore long et vigoureux pour vous annoncer que la Communauté de l’Ayance peut être officiellement rejointe par le biais d’un groupe Facebook créé ad hoc par l’un de ses membres actifs. J’ajoute au passage pour les mauvaises langues que OUI, je sais que c’est une énorme balle tirée dans mon pied, compte tenu de la vanne lancée dans l’article aux Facebook-addicts, mais que la régularisation de l’ayance nécessite certains actes de prostitution inhérents à toute promotion de produits. En vous remerciant, voici la bête:

    http://www.facebook.com/inbox/?ref=mb#/group.php?gid=57787027633&ref=share

  7. Avatar
    strat_one
    | Répondre
    Alors là bro, je dis chapeau bas!
    Académiciens, immortels, linguistes et lauréats du grand O’, préparez-vous à subir une ayance par l’ayance! Comment est-ce possible que vous soyez passés aussi longtemps à côté de ce mot? 
    Merci Yann de l’avoir si brillamment déterré, c’est le chaînon sémantique manquant entre le signifié et le signifiant! L’ayance est au français ce que Zidane est aux Français… un impératif! Doug Ross lui-même l’affirme: “Ayance, mais juste what else?”.

    PS: Bref retour sur le débat IR… m’est d’avis que la rafale d’ayances essuyée par l’ayant (de) droit(e) est un amusant soufflet envers sa formation de pains d’épice! On appelle ça ”l’obéayance”! 

Répondre à Stunned Annuler la réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.