Certains l’appellent MF Doom. D’autres lui préfèrent King Geedorah, Viktor Vaughn, Metal Fingers ou tout simplement Doom. On peut aussi l’apparenter à Danger Doom (pour sa collaboration avec Danger Mouse), JJ Doom (avec Jneiro Jarel) ou encore Madvillain (avec Madlib). Dans le Hip-Hop underground, il se présente comme l’homme aux 1001 pseudonymes… et aux 1001 albums. Remarquez que, si vous êtes un intime, vous pourrez éventuellement le nommer Daniel Dumile, son vrai nom.
MF Doom, (pour « metal-faced Doom »), c’est un phénomène à lui tout seul. Depuis l’An de Grâce 1999, le bonhomme arbore fièrement un masque de fer, rappelant celui du docteur Doom, un personnage de comics américain, et ne se montre jamais publiquement sans le porter. C’est d’ailleurs devenu sa marque de fabrique, quand bien même d’autres artistes tentent aujourd’hui de reprendre l’astuce. Mais la particularité du spécimen ne s’arrête de loin pas là : instrumentaux saugrenus, flow mollasson, morceaux criblés de répliques de séries et surtout un parcours de vie qui relève de la légende urbaine, font de MF Doom un « type qui sort du lot », si l’on peut s’exprimer ainsi.
Attention néanmoins, il ne s’agirait pas non plus de l’apparenter à une bête de foire, dont le seul point d’intérêt serait son côté atypique. Doom n’est pas, dieu merci, une sorte de Miley Cyrus du rap underground, mais plutôt un type étrange et bourré de talent. Rimeur adroit et producteur de génie frisent l’euphémisme pour décrire son profil. Si son style ne fait certes pas l’unanimité, on ne peut lui dénier une audace musicale hors du commun. Et par ailleurs, si quantité ne veut pas dire qualité, on reconnaitra toutefois que 9 albums studios et près de 10 albums instrumentaux, c’est un palmarès plutôt respectable.

Genèse d’une légende
Pour compléter le mythe, il fallait forcément une histoire sulfureuse. Eh bien jugez plutôt : En 1988, Dumile, alors âgé de 17 ans, fonde avec son frère et un ami le groupe KMD. Doom se fait alors appelé Zev Luv X. Les 3 compères commencent à se faire un nom dans la scène underground new-yorkaise. Mais le frère de Dumile trouve brusquement la mort en 1993, dans un accident de la route. Du jour au lendemain, les KMD sont lâchés par leur label, qui fait tout bonnement passer aux oubliettes l’album du groupe, pourtant prêt à sortir.
S’ensuit une longue dépression pour Dumile, qui disparaît complètement du milieu rap et passe près de 3 ans à vivre dans les rues de New-York. Une période trouble, caractérisée par une profonde crise personnelle, durant laquelle personne ou presque ne sait ce qu’il advient exactement de lui. Il ne réapparait qu’en 1997 et reprend le micro, armé d’un masque de fer, bien décidé à se venger d’une industrie musicale qui l’a précipité au fond du gouffre. Il se fera désormais appelé MF Doom (Doom signifiant «destinée funeste »).
Fort d’un nouvel univers et d’une énergie obscure, le rappeur masqué repart à la conquête de la scène underground. Il sort en 1999 l’album Operation Doomsday, qui connaîtra un franc succès et deviendra au fil du temps une légende pour les amateurs du milieu. Suivront, entre autres, plusieurs albums instrumentaux (les Special Herbs), Take me to your leader en 2003, et surtout le fameux Madvillainy en 2004, projet réalisé avec l’immense producteur Madlib, qui consacrera la réussite de Doom le vengeur.
Carresser le rap-business à rebrousse-poil
MF Doom, c’est donc en quelque sorte Kanye West mis à l’envers : un rappeur et producteur de talent oui, mais gros, déjanté, obscur, sans complexe, et à l’univers complètement enfumé et atypique. Et ce n’est pas le dernier album en date, Key To The Kuffs, sorti en 2012 avec Jneiro Jarel, qui est venu contredire cette réputation désormais solidement établie.

Un artiste peu commun donc, affichant clairement l’ambition de faire la nique à une industrie musicale qui tend à pondre des caricatures de rappeurs à la chaine. Dans une interview au magazine Spin, Doom confiait d’ailleurs au sujet du vocabulaire de la plupart des MC’s: « Les gars utilisent toujours les cinq même insultes. Enlève les mots “merde”, “pétasse”, “meurtre”, “nègre” et “tueur” et ces putains de disques seraient des albums instrumentaux ».
Si tout ceci ne vous a pas encore convaincu de venir admirer le spécimen sur la scène des docks ce samedi, on vous laissera ici avec quelques punchlines qui en diront plus que toutes les chroniques du monde.
Catch a throatful from the fire vocaled / Ash and molten glass like Eyjafjallajökull / The volcano out of Iceland / He’ll conquer and destroy the rap world like the white men (Sur Guv’nor)
“Couldn’t find a pen, had to think of a new trick / This one he wrote in cold blood with a toothpick / On second thought it’s too thick / His assistant said: “Doom, you sick” he said “true” through acoustics” (Sur Great Day)
“The super motherfucking villain grip the mic with an iron hand /
Throwing emcees to the fire from out the frying pan” (Sur “Go With The Flow”)
“If I had a dime for every rapper that bust guns, I’d have a mill for my son in trust funds” (Sur Rapp Snitch Knishes)
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