
Une fois les escaliers franchis et l’étage supérieur des Docks atteint, une première observation s’impose au visiteur : les photos exposées et l’espace qui leur est consacré s’accordent à merveille. Comme si ces clichés s’étaient toujours trouvés là, accrochés aux parois de la salle de concert au moment même de son inauguration en 2005. La lumière tamisée d’une part et le type de tirage d’autre part, expliquent sans doute en grande partie cette harmonie parfaite : les œuvres, en noir et blanc, se marient admirablement bien aux murs gris anthracite sur lesquelles elles reposent.
Une image assagie du rock

On a souvent associé l’image du rock à la rudesse (hard rock), à la rébellion (punk) et à la crasse (grunge). Or, un point frappe l’œil du visiteur à la découverte de l’expo « Rock is dead » : lorsque l’on observe les dignes représentants de ce mouvement dans un contexte « muséal », purgé des distorsions à plein tubes, des pogos de la foule et des odeurs déplaisantes qui en émanent, il se dégage de ces artistes, « fixés dans des cadres », une étonnante expression d’humanité, de quiétude et d’élégance. Avis donc aux personnes plutôt réfractaires au rock : de par la forte dimension esthétique contenue dans ces images, l’exposition peut parfaitement s’apprécier indépendamment du degré de sympathie que l’on porte pour le sujet en soi.
Ce qu’une photo dit d’un concert
Vivre une performance live procure des sensations uniques, souvent agréables, parfois même voluptueuses. Un concert s’associe en effet à une expérience multi-sensorielle, intérieure et propre à soi. Au point qu’il est souvent très difficile, pour qui l’a vécu, d’en expliquer avec exactitude tous les effets ressentis a posteriori. A ce titre, la nature inédite, éphémère et indescriptible intrinsèque au « phénomène concert », est une véritable aubaine pour les musiciens. Ils y voient en effet, au travers du marché des tickets d’entrée, un excellent moyen de combler l’essoufflement des recettes générées par la vente de disques physiques et de tunes numériques.

Les photographes musicaux, bien conscients que rendre un témoignage global et fidèle d’un concert relève de la gageure, doivent eux aussi se résoudre à en présenter les fragments les plus saillants. De plus, le défi particulier à relever pour eux provient du fait qu’ils exercent un art muet par nature, incapable donc de retransmettre la musicalité d’un art avant tout sonore. Un défi que Carole Epinette relève à la perfection : en se focalisant sur le champ visuel du live show et en jouant, à travers son objectif, avec les angles, les cadrages, la lumière et la scénographie, elle vient brillamment démontrer qu’il est parfaitement possible de préserver la vitalité d’une performance musicale – voire de la magnifier sous une forme nouvelle –, quand bien même celle-ci est réduite au silence. Tour à tour, la photographe parvient ainsi à s’emparer du sujet pour traduire la magie d’un instant, saisir le regard qui fait mouche, surprendre un geste éloquent quoique furtif. En somme, faire part des états d’âme qui peuvent habiter un artiste (ou un groupe) et rendre compte des différentes énergies que celui-ci peut dégager sur scène, en studio ou en coulisses.
Côtoyer et immortaliser des vedettes

En guise de légende à ses œuvres, Carole Epinette relate en de courts textes les émotions éprouvées pendant les concerts. Se remémore des anecdotes. Évoque les rencontres des artistes et le rapport particulier qu’elle a réussi à tisser avec certains d’entre eux. Partage aussi quelques moments privilégiés de son métier, notamment lorsque tous les éléments se réunissent et permettent de réaliser une photo extra-ordinaire. Parmi ces éléments, elle évoque notamment la réactivité, la spontanéité et l’intuition. Sans ces qualités indispensables, gageons qu’elle n’aurait certainement jamais déclenché son appareil au moment précis de percer l’œil ténébreux de Josh Homme ni immortalisé l’instant même où Lemmy de Motörhead tire subitement son t-shirt pour exhiber fièrement son téton…
Un constat apparaît donc à l’issue de cette fascinante visite : si le rock parait aujourd’hui un peu moribond, ses icônes ont marqué son mouvement d’une empreinte qui elle est indélébile.
« Rock is dead »
Du 8 novembre 2017 au 18 décembre 2017, 17h-18h, Les Docks, entrée libre. La page de l’expo sur le site des Docks ici.
« Portrait Rock : l’intuition de l’instant »
Rencontre/discussion avec Carole Epinette, le 6 décembre 2017 dès 18h30 aux Docks. Carole Epinette animera une discussion autour des thèmes suivants : peut-on être photographe sans être à l’écoute de son intuition ? Quelle est la place de la technique dans la photographie ? Toutes les infos ici.
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